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Téléchargez le numéro 11 : " Impasse et pistes culturelles "

vendredi 9 février 1996

S’ils sont généralement très engagés sur le
plan professionnel, les enseignants de la
CNT voient au delà des murs de l’école : sinon,
ils appartiendraient aux syndicats institutionnels.
La lutte contre les ordonnances Villepin, la soli-
darité concrète avec les sans-papiers ou les mal-
logés font partie de leur militance quotidienne.
Aussi, quand le thème de la culture s’est présen-
té, nous avons immédiatement pensé à travailler
avec nos camarades de ce secteur, et notam-
ment, parce qu’ils éditent de leur côté une revue,
avec ceux d’Un autre futur.
Ce numéro est donc le fruit d’un travail com-
mun. L’iconographie des pages que vous avez
entre les mains en est un exemple, par une place
inhabituelle qui ne se veut pas anecdote mais
affirmation.
Dans ce numéro, nous avons eu à l’esprit les
critiques qui nous ont été faites à propos de
notre précédente livraison Femmes et filles à
l’école ; des lectrices ont trouvé certains articles
trop convenus dans le sens d’un féminisme
rituel. Nous avons donc eu comme souci pour
ce numéro de ne pas publier d’articles attendus
ou complaisants.
Nous sommes aidés dans cette démarche
par l’hétérogénéité de notre lectorat : col-
lègues s’essayant à N’Autre école au hasard
d’une salle des maîtres, militants chevron-
nés de l’action revendicative, pédagogues
familiers des livres et des revues sur l’école.
Satisfaire chacun et en faire un « tous »
n’est pas facile. Mais après tout, n’est-ce
pas ce que nous essayons de faire tous les
jours dans notre métier ?

Jean-Pierre Fournier, N’Autre École

D’une certaine façon, le monde est devenu
une gigantesque et unique « ferme des ani-
maux », dans laquelle toute pensée critique s’in-
terrogeant sur le sens et le but de son fonction-
nement délirant est immédiatement étouffée par
le bêlement assourdissant des brebis démocra-
tiques ou des révolutionnaires bureaucratiques
aux paroles « objectivées » : « travail bon, chô-
mage mauvais », « capacité de concurrence bon,
exigences sociales mauvais », « syndicat réfor-
miste bon, auto-organisation mauvais », « travail
pour tous bon, critique du travail mauvais » etc.
Dans cette ferme, la communication et la cul-
ture utilisent désormais une novlangue sans
cesse actualisée pour sous-titrer des images
toutes autant vides de sens. Internet, après
l’échec de ses start-up voudrait, « pour quelques
dollars de plus », nous faire communier dans une
grande messe du bien commun cher à Saint
Thomas d’Aquin et aux nouveaux Papes de
l’Intelligence Collective, prêts au formatage de
notre histoire et des connaissances, pourvu que
cela serve une pensée acculturée applicable à
tout « homme nouveau » qui aurait un œil fixé
sur l’écran tandis que l’autre pointerait soit sur
les cours de la bourse soit sur ceux de sa propre
précarité.
Mais si nous caressons un peu les paraboles
orwelliennes à l’inverse du sens du poil, nous
pouvons nous y reconnaître nous-mêmes, pri-
sonniers d’un système, que nous n’affrontons
que partiellement, par manque de culture (cultu-
re critique, contre-culture, culture de lutte) ou par
manque d’auto-critique à le faire.

Bernard Prieur-Smester, Un Autre Futur