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Téléchargez le numéro 3 : "L’école pour apprendre à désobéir ?"

dimanche 7 janvier 1996

Le n° 3 en PDF

SOMMAIRE

 Édito

 L’école peut-elle apprendre la révolte ? Notre revue se veut une expérience collective, c’est sa raison d’être. En préparant ce numéro nous avons lancer un appel à contribution sur la liste internet de la fédération CNT éducation en demandant aux adhérent(e)s de répondre en quelques lignes à la question “L’école peut-elle apprendre la révolte ?”. Nous vous proposons une sélection de ces interventions en ouverture de notre dossier pour lancer le débat...

 Faire le deuil de l’autorité L’école d’hier, celle de l’autorité et du pouvoir du maître - qui est de fait un pouvoir délégué -, est intimement liée à ses origines et par la même à des valeurs de contraintes et contraignantes qui en sont co-substantielles. Comme le rappelait Philippe Meirieu, à la dernière Biennale de l’éducation et de la formation , trois figures dominantes d’éducateurs se partagent historiquement les espaces et les temps d’apprentissage. La première relève du type “catholique” magistral, le maître détient une vérité révélée qu’il s’agit de transmettre mais qu’il est le seul à même de pouvoir discuter. Situation d’apprentissage qui à l’évidence selon P. Lazlo est “le fruit de la contamination cléricale. Il n’y a pas si longtemps, écrit-il, la transmission était l’apanage des prêtres qui débitaient leur savoir comme le curé son sermon en chaire de vérité”. Par Hugues Lenoir

 Pacification ou émancipation ? Trop souvent les discours sur l’école émancipatrice restent théoriques, renvoyant à des lendemains chantants. Si certains essayent mo-destement de faire vivre cette utopie au quotidien, il n’en demeure pas moins que même ces pratiques peuvent ef-frayer nos collègues qui mettent en avant les difficultés concrètes, et en premier lieu les violences qui se développent dans les établissements scolaires.
L’intérêt de cette contribution de Jean-Luc Van der Linden est qu’elle tente de proposer des pistes à appliquer dès aujourd’hui, en primaire comme dans le secondaire...
Par Jean-Luc Van der Linden

 La médiation par les pairs Pour apprendre, il faut parfois désobéir : c’est le constat, le point de départ de l’expérience menée depuis cinq ans au collège Les Plaisances de Mantes-la-Ville. Former des élèves à la médiation par les pairs et à la gestion des conflits, c’est désobéir aux traditions scolaires que sont la toute puissance des adultes, les rapports d’autorité, les sanctions automatiques. C’est aussi dé-sobéir et refuser le découragement des adultes et des élèves devant la violence, désobéir à une certaine idée de l’école, celle de la "tolérance zéro", celle qui n’a pas su répondre aux enjeux sociaux actuels et qui n’a plus d’"école" que le nom. Par Mayie Inthamoussou et Dalila Terzi-Delmotte

 Droit de retrait(e) L’autorité par rapport à un groupe - très concrètement dans une classe - est un problème particulier. Cela suppose que le prof a une mission indispensable, un message à communiquer. Je n’y ai jamais cru, parce que les quatre murs d’une classe entraînent un comportement infantilisant, sauf moment de crises socia-les (la guerre d’Algérie, mai 68,...) assez rares, de grèves, mais où les élèves sont vachement contents de ne pas avoir cours. J’ai connu des grèves d’élè-ves avec ateliers de travail sympa, mais c’était dans les années 70, après j’ai vachement bouquiné dans des classes vides ou bien je suis rentré chez moi, un très bon côté également... par Frank Mintz

 La note : “un engrais qui ronge” L’histoire nous lègue un contrat éducatif qui repose sur une double fonction de l’école : instruire, sélectionner.
Le système scolaire s’est construit sur la sélection des élites et la domestication intellectuelle du peuple : laïcité tournée vers la seule neutralité religieuse dissimulant la mise en œuvre de la culture des classes dominantes : soumission à l’autorité, compétition, méritocratie ("égalité des chan-ces", mais non égalité réelle), morale de l’ obéissance et du renoncement, savoirs minimums en forme positiviste de dogmes, rapport au savoir énonciatif et contemplatif, fondé sur une épistémologie idéaliste (le savoir tombe du ciel des idées, l’élève ne connaîtra pas ses origines et sa fonction sociale ou anthropologique…), su-prématie de la culture occidentale sur les autres cultures, etc...
Par André Duny

 Démocratie participative à l’école D’hier à aujourd’hui, la recherche de pratiques pédagogiques émancipatrices a été une constante du mouvement “social”. par son ampleur, sa richesse, sa capacité à se renouveler, la pédagogie Freinet occupe une place toute particulière dans ce mouvement de résistance aux méthodes de dressage et de soumission.
C’est la raison pour laquelle nous avons tenu à présenter le point de vue d’un de ses animateurs, Jean Le Gal, qui nous fait partager son expérience et ses réflexions autour de la notion de droits de l’enfant et de démocratie participative à l’école.
Par Jean Le Gal

 Au coeur des savoirs. C’était en 1992. J’avais été invité en Russie pour animer un stage de formation pédagogique. Un professeur de maths nous a déclaré : “En glissant dans nos cours, à longueur d’années, à longueur de théorème, aux élèves, la phrase “vous admettrez que…”, nous a-vons soutenu le stalinisme”.
En France, les écoles, les collèges et les lycées ont mis en place des “dispositifs” pour que les élèves apprennent la démocratie. À côté des connaissances “scolaires”, on a fait de la place pour un enseignement ci-vique. Certaines notions, parce qu’elles font partie des sciences humaines, sont même enseignées dans les disciplines correspondantes. En histoire, en philosophie, en ECJS, on s’interroge sur le fonctionnement social. Mais que fait-on au cœur même des savoirs ?
par Jean-Louis Cordonnier

  Faut-il désobéir aux pédagogues ? L’école depuis des dizaines d’années promeut des idéaux démocratiques.
Une pensée éducative progressiste et alternative existe depuis bien plus longtemps. Pourtant, la société se caractérise toujours par l’injustice sociale et les inégalités notamment scolaires. On peut se demander alors s’il ne convient pas de désobéir à tous ces jolis discours qui font le monde.
Voilà plus de cent ans que l’institution scolaire se charge de former le futur citoyen, voilà plus de cent ans que le système éducatif s’orne de belles intentions et de projets louables : former une société juste et démocratique par une éducation juste et démocratique.
Par Yoann Debuys

 Désobéir à l’état policier Le libéralisme a deux faces. L’une donne le maximum de libertés aux entreprises, qui en profitent pour restructurer et licencier sauvagement. Le revers de la médaille, c’est la répression, la criminalisation de la misère. On tente de nous refaire le coup du cocktail : classes laborieuses, clas-ses dangereuses, vieux de plus d’un siècle , alors que les conditions d’existence ont évoluées, sur le plan de la santé, de l’habitat, de la nourriture, du salaire.
Certes la pauvreté pour certains est toujours présente et la misère est réapparue ainsi que certaines maladies comme le saturnisme et la tuberculose qui se développent , mais il n’y a plus d’épidémies de choléra comme il y en eut au milieu du xixe siècle, époque où pour les plus pauvres, l’alternative était voler ou mourir.
Par Alexis Violet

 Se révolter, éduquer et désobéir “Nous parlons d’éducation et de rebellion. Et éduquer n’est pas un engagement aisé... Lorsque nous avons commencé, nous n’avions aucune sorte d’éducation, si ce n’est ce que nous avions entendu des paroles de nos enfants. Nous avons donc dû nous orienter dans la foulée, en créant, en modifiant, en combattant, en luttant.
Depuis 26 ans - que nous venons d’atteindre - nous n’avons pas cesser d’être les jeudis sur la Plaza [de Mayo]. Mais ces 26 ans durant, nous avons également créé, pour éduquer, pour former, avec les périodiques, les livres, et l’Université populaire dont a parlée Claudia (Korol).
Par Hebe Bonafini