Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

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CNT bureau confédéral

La CNT, kézaco ?

samedi 5 juillet 2003

Tout ce que vous avez toujours rêvé de savoir sur la Confédération nationale du travail !

Mél : cnt@cnt-f.org
Tél : 08
10 000 367
Site : http://cnt-f.org

INTRODUCTION

I-
Références historique

1)
Le syndicalisme révolutionnaire

2) L’anarchosyndicalisme
3) Le SR toujours vivant

II-
Références idéologiques

1) La CNT, libertaire ?
2) L’action et l’idéologie
3) L’action directe

III-
La CNT : de 1946 à la rupture avec l’AIT

1) La CNT groupusculaire
2) La première scission
3) La seconde scission

IV-
De 1995 à aujourd’hui

1) La FAU et novembre-décembre 1995
2) Des apparitions publiques de masse
3)
Implantation syndicale et front social

4) La question des élections professionnelles
5) Printemps 2003 : enracinement de la CNT

V-
Organisation de la CNT :

1) les syndicats, structures de base
2) Les structures de coordination
3) le travail international, une priorité
4) les commissions de travail

CONCLUSION

VI-
Bibliographie


Introduction

Le nom de la CNT circule désormais régulièrement,
sur les tracts, dans les manifestations, parfois dans les médias. Mais
si les trois lettres commencent à être connues, ce qu’elles signifient
reste souvent bien flou. Plusieurs éléments concourent à
cela. " Confédération nationale du travail "
indique bien qu’il s’agit d’un syndicat, pour le reste les termes ne sont guère
explicites ; et comportent un " nationale " bien peu
opportun, de nos jours, en France. Ensuite, les références de
la CNT, syndicalisme révolutionnaire, anarchosyndicalisme, laissent souvent
la place à un " anarchisme " qui ne lui correspond
pas. Enfin, son image sulfureuse, teintée d’une violence que les médias
présentent volontiers comme gratuite, trouble la perception extérieure
de sa réalité militante. L’existence de deux autres " CNT ",
survivances d’anciennes scissions, contribue également, lorsqu’on s’intéresse
à la CNT, à en compliquer l’appréhension. Alors, la CNT,
c’est quoi ?

I-
Références historiques

Historiquement, la CNT a deux références, le syndicalisme
révolutionnaire et l’anarchosyndicalisme.

1)
Le syndicalisme révolutionnaire

Le syndicalisme révolutionnaire de la CGT d’avant la guerre
de 14-18, bâtie en grande partie par des militants issus de l’anarchisme,
avec certains principes hérités de cet anarchisme (démocratie
directe), mais en rupture avec l’organisation politique (principes classistes),
et en développant des modes d’action propres : grève générale
expropriatrice. Le syndicalisme révolutionnaire est également
né contre le développement d’un anarchisme individualiste exaltant
la valeur de l’individu au détriment de la société humaine,
et usant paradoxalement de l’arme terroriste instrumentalisant la vie humaine.
Le syndicalisme révolutionnaire, s’il a interprété l’analyse
économique marxiste, s’est également construit contre les partis
politiques de cette obédience : marxistes, anarchistes, le premier
combat de la CGT naissante a été d’empêcher son instrumentalisation
au profit d’une idéologie, d’un parti. Sa défaite, après 1918, sera concrétisée
par la victoire du courant social-démocrate puis du Parti communiste.
C’est ensuite, après un épisode dans la CGT-U avec les " communistes ",
la CGT-SR (" SR " pour syndicaliste révolutionnaire)
qui a repris le flambeau, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Cependant, à partir de la scission, les SR, même s’ils représentent encore aujourd’hui un courant fort dans le syndicalisme français, sont restés dispersés dans les diverses organisations syndicales.

2) L’anarchosyndicalisme

La seconde référence de la CNT, c’est l’anarchosyndicalisme
de la CNT espagnole, qui s’affirme, depuis le début du XXe siècle
jusqu’à 1936, comme la principale organisation révolutionnaire
espagnole. Contrairement à la plupart des pays occidentaux, la bolchevisation
des courants révolutionnaires suite à la révolution russe
n’est pas parvenue à absorber celui espagnol. La FAI (Fédération
anarchiste ibérique) s’est créée pour assurer un contrôle
politique de l’organisation syndicale. Le syndicalisme espagnol s’est ainsi
affirmé, contrairement au syndicalisme révolutionnaire, lié
à l’idéologie anarchiste, inventant le projet de société
communiste libertaire : la reconnaissance du groupe humain, et non de l’individu,
comme base d’organisation sociale, mais selon des principes autogestionnaire,
sans délégation de pouvoir. Les collectivités d’Aragon
et d’ailleurs ont été la réalisation historique de la CNT
hégémonique dans la première période révolutionnaire.

3) Le
SR toujours vivant

Mais le syndicalisme révolutionnaire a été
présent dans toute l’histoire du mouvement ouvrier et se retrouve finalement
dans pratiquement toutes les organisations syndicales, comme une pratique effective
dans de nombreuses luttes, aussi bien dans les formes d’organisation (comités
de grève, assemblées générales de lutte...) que
dans les formes d’action (la grève elle-même, l’occupation et toutes
les autres formes d’action directe). Etouffé par le patronat, par l’Etat
et les bureaucraties syndicales, il est resté extrêmement vivant.
Mais sa fragilité tient à son inorganisation, son isolement, la
faiblesse des organisations qui s’en revendiquent explicitement. C’est pourquoi
la construction aujourd’hui d’une organisation syndicaliste révolutionnaire
est une chance unique d’apporter une réponse adaptée à
la féroce offensive patronale. Alors que les organisations réformistes
sont incapables d’organiser la résistance.

II-
Références idéologiques

" Les anarchistes de la CNT ", étaient
jusqu’à la fin des années 90 la dénomination la plus courante
qui servait aux médias pour nous désigner. On est passé
ensuite à " Le syndicat anarchiste CNT ". C’est bien,
ça progresse, mais c’est pas encore ça ! Certains commencent
à nous appeler " anarchosyndicalistes ". On se rapproche...

1) La CNT, libertaire ?

Se référant à l’anarchosyndicalisme et au
syndicalisme révolutionnaire, la CNT aujourd’hui oscille entre la reconnaissance
d’un projet communiste libertaire et le refus de toute étiquette spécifiquement
idéologique : pas d’organisation politique, de quelque obédience
qu’elle soit, comme tutrice de l’organisation syndicale. Une logique d’adhésion
qui est basée sur l’appartenance de classe, et non les références
idéologiques. Mais une proximité indéniable avec un certain
courant du mouvement libertaire, qui s’explique par le mode de fonctionnement.
Une proximité qui, avec d’autres composantes de ce même " mouvement
libertaire ", se transforme en hostilité manifeste :
l’individualisme, anarchiste ou non, n’est pas compatible avec le communisme
libertaire, fondé sur la reconnaissance de l’être humain comme
" animal social ".

2) L’action comme idéologie

C’est dans l’action bien plus que dans les dogmes idéologiques
que la CNT se construit. Parfois accusée d’activisme, soupçonnée
d’oublier la réflexion et d’étouffer les débats internes
dans un mouvement perpétuel, elle assume ces critiques en considérant
la réflexion comme fruit de l’action, l’idéologie issue de la
pratique, et non l’inverse. La force de cet état de fait, c’est de permettre
de réunir des militants ayant des opinions parfois différentes,
de ne pas paralyser l’organisation par d’interminables querelles, comme cela
est trop souvent le cas dans les groupuscules. C’est un des piliers de notre
développement. La faiblesse est le risque de détournement progressif
du projet révolutionnaire, soit dans une fuite en avant activiste, soit
dans un ramollissement réformiste. Contre ces dérives, il s’agit
de réaffirmer sans relâche nos principes fondamentaux (autogestion,
refus de la cogestion, organisation révolutionnaire de lutte de classe,
indépendance à l’égard des partis, action directe...).
Cela se fait dans les pratiques plus que dans les discours. Pour nous, la résistance
se construit au sein même de l’ancien monde. Nous refusons de demeurer
entre convaincus dans une tour d’ivoire, ressassant des théories sans
réalité. Alors, oui, nous avançons dans la merde. Et nous
prétendons le faire sans nous y noyer.

3)
L’action directe
.

Il est révélateur que l’un de nos principes primordiaux
soit un principe d’action, l’" action directe ". Que faut-il
entendre par ce terme ? Souvent, il est détourné de sa signification
subversive, en ne renvoyant qu’à une idée erronée de " violence ",
cette même " violence gratuite " que l’on nous attribue
régulièrement dans les médias. En réalité,
si une action directe peut être violente, le plus souvent elle ne l’est
pas. L’action directe, c’est une forme de lutte, décidée,
mise en oeuvre et gérée directement par les personnes concernées.
Grèves, sabotages, piquets de grève, occupations, sont des formes
d’action directe, celles que nous pratiquons régulièrement dans
notre travail syndical. L’idée d’action directe est donc tout à
fait contraire à une forme de lutte avant-gardiste, menée par
une minorité éclairée sans participation de la masse (c’est-à-dire
l’ensemble des personnes concernées), comme l’était celle du groupuscule
qui s’est fait connaître sous ce nom à la fin des années
70 et au début des années 80, typique d’une " fuite
en avant activiste " contre-productive.

III-
CNT, de 1946 à la rupture avec l’AIT

La CNT est née en 1946. Elle a pris le nom de CNT en référence
à la CNT espagnole, bénéficiant d’un immense prestige.
Le " nationale " s’explique ainsi, qui était justifié
dans le contexte espagnol où le régionalisme était utilisé
par les forces réactionnaires et où ce terme affirmait l’unité
de la classe ouvrière. Dans la situation française, il était
certes nettement moins pertinent, d’autant plus aujourd’hui que la référence
espagnole s’avère moins prégnante.

1)
La CNT longtemps groupusculaire

Bénéficiant d’un essor considérable au lendemain
de la guerre (100 000 adhérents environ), réunissant tous ceux
qui ne se reconnaissaient pas dans une CGT inféodée aux bolcheviques,
elle s’est écroulée aussi rapidement qu’elle a grandi, semble-t-il
en raison d’affrontements idéologiques de dogmatiques épris de
pureté. Elle aura eu le temps de participer et d’impulser de grandes
luttes dans ces années. Mais cette période, sur laquelle des camarades
travaillent actuellement, est historiquement mal connue.

Puis la CNT, si elle n’a jamais disparu, a connu jusqu’aux années
90 une longue existence de groupuscule, oscillant de quelques dizaines à
quelques centaines d’adhérents. N’ayant plus de réalité
syndicale, hormis quelques expériences ponctuelles, elle s’est naturellement
repliée sur des activités propagandistes.

2)
La première scission

Elle a connu durant cette période deux scissions, qui subsistent
aujourd’hui anecdotiquement. La première, dite de la " Tour
d’Auvergne ", du nom de la rue où se trouvait le local de la
CNT d’alors. Elle existe toujours, sous le nom de " CNT-deuxième
UR ", elle réunit une dizaine d’adhérents, et sa principale
activité semble être l’animation d’un site Internet (http://www.cnt-2eme-ur.org/)
et la propagande anarchiste. Les origines de cette scission relèvent
essentiellement de querelles personnelles.

3)
La seconde scission

La seconde date de 1993. Il s’agit de la CNT-AIT (http://cntait89.free.fr/) :
le XXe congrès de l’AIT (Association internationale des travailleurs),
en 1996, a en effet exclu " notre " CNT, à 2 voix
contre une (!) et 3 abstentions... un vote minoritaire, bien peu représentatif
de notre logique de fonctionnement, privilégiant le consensus. Une fois
encore, des oppositions de personnes ont joué un rôle déterminant
dans cette scission. Deux lignes cependant se dessinait, qui se sont encore
affirmées par la suite : d’une part, une ligne dogmatique dure,
s’opposant radicalement aux élections du personnel et donc à la
stratégie de développement des sections syndicales, se repliant
de fait sur une ligne propagandiste anarchiste/anarchosyndicaliste ; d’autre
part, une ligne cherchant à développer un syndicalisme de lutte,
acceptant la participation ponctuelle aux élections pour protéger
ses sections syndicales, refusant toute allégeance idéologique,
affirmant une logique de classe. La CNT AIT compte aujourd’hui moins d’une centaine
d’adhérents. L’essentiel de leur activité s’est d’abord partagé
entre un travail acharné contre notre CNT et la propagande anarchiste,
avant d’aboutir à une série de conflits internes. Leurs sections
actives ont rapidement recommencé à travailler avec nous et ont
fini soit par nous rejoindre soit par disparaître.

IV-
CNT, de 1995 à aujourd’hui

Sinon un développement fulgurant, la CNT a, au long des
années 90, connu un développement conséquent. Lors de la
scission de 1993, les deux branches qui se séparaient comptaient chacune
une bonne centaine d’adhérents environ, ce qui était plutôt
important en regard des effectifs connus jusqu’alors. Treize ans plus tard, la
CNT revendique environ 4000 adhérents sur toute la France, et surtout une réelle progression enterme d’implantation syndicale. La région
parisienne, qui réunissait à l’époque une dizaine d’adhérents,
en compte aujourd’hui un millier, et parvient à composer des cortèges
de plusieurs milliers de personnes sur des manifestations symboliques comme
le Premier-Mai et est présente sur toutes les manifestations de travailleurs
quand elle ne les impulse pas (grève de l’Education nationale et mobilisation
des retraites au printemps 2003, CNE et CPE, etc.). Il y a quinze ans, notre présence
sur les mobilisations syndicales étaient anecdotiques !

1)
La FAU et novembre-décembre 1995

Paradoxalement, c’est le développement d’un syndicalisme
étudiant CNT, légèrement antérieur aux luttes contre
le CIP en 1993, qui a contribué pour une bonne part au développement de
la CNT dans le sens d’une organisation syndicale. Dans un premier temps, l’activisme
des sections universitaires (FAU-Formations action universités) a popularisé
la CNT et a contribué à la faire apparaître publiquement.
Les grèves de novembre-décembre 1995 ont à cet égard
été décisives. Basée sur ses quelques secteurs d’implantation
syndicale (PTT, sections du Nettoyage, Education, militants isolés dans
d’autres secteurs, etc.), bénéficiant de l’activisme tous azimuts
des étudiants, la CNT en peu de temps est apparue publiquement comme
une organisation ayant un poids social indéniable. Loin d’être
éphémères, ces sections universitaires se sont pérennisées,
avec des hauts et des bas, étendues dans de nombreux campus, et les militants
qui en étaient issus sont venus en grand nombre renforcer les syndicats
existants, voire en créer de nouveaux, dans toute la France. La fin des
années 90 a ainsi vu le renforcement des structures de la CNT.

2)
Des apparitions publiques de masse

Jusqu’à mai 2000, qui a été l’événement
public symbolisant, en France, le renouveau de l’anarchosyndicalisme et du syndicalisme
révolutionnaire. Durant une semaine, des concerts, des débats
publics, des conférences, des projections, des expositions, des pièces
de théâtre, se sont inscrits dans un festival baptisé " Un
autre futur ", organisé par la CNT. Divers livres, brochures
et journaux furent publiés à l’occasion. Avec 5 000 personnes dans
la rue, le premier mai fut cette année-là rouge et noir, avec
le plus grand cortège depuis des décennies, composé de
camarades venant de toute la France, de délégations du monde entier.
D’autres apparitions publiques ont depuis confirmé cette renaissance,
en particulier les 10 000 manifestants de Göteborg, qui, sous les drapeaux
de la SAC, de la FAU, de la CGT-E et de la CNT-F, défilèrent en
juin 2000 lors du contre-sommet européen.

3)
Implantation syndicale et front social

Ces dernières années, la CNT a poursuivi cette évolution.
Non sans heurts, elle continue sa mue, de groupuscule de propagande en organisation
syndicale. Sur le champ politique, elle est présente sur tous les fronts :
lutte contre la guerre, antisexisme, lutte contre les lois répressives,
mobilisation sur les sommets internationaux, soutien aux travailleurs sans-papiers... Sur
le champ syndical, elle élargit son implantation, la nouveauté
de ces dernières années étant le développement de
contacts avec des syndicalistes de Sud, de la CGT ou de FO, sur des pratiques de
lutte de classe. L’image de violence, l’étiquette d’" anarchiste ",
s’estompent peu à peu, au fil des pratiques communes lors des luttes
au quotidien. Quant à la CFDT, ses équipes syndicales "honnêtes" se font rares... Les rapports avec les hiérarchies syndicales, en revanche, restent mauvais, et particulièrement avec la CGT. En mai 2001, elle demande à la
police de nous empêcher de manifester, en mai 2002, l’intersyndicale CGT-CFDT-FO
appelle à un cortège " unitaire "...
sans nous ! Ces tensions sont révélatrices de la peur de se faire déborder
par la renaissance d’un courant syndicaliste révolutionnaire structuré
dans le paysage syndical français. L’agression par une partie du SO de
la CGT qui a failli coûter la vie à un camarade militant dsu syndicat
CNT PTT 75 lors du Premier-Mai 2004 a été un révélateur
de cette "stratégie de la tension" orchestrée délibérément
ou non par certaines bureaucraties. Il est cependant à noter que les relations sont localement généralement bonnes avec les militants de base, et que nous faisons tout pour privilégier une logique unitaire seule à même d’assurer la victoire de nos revendications.

4)
La question des élections professionnelles.

Cette question, comme nous l’avons vu, s’est trouvée au
coeur de la scission de 1993. Le problème qui s’est posé à
nous était simple. Soit nous maintenions des principes inflexibles de
refus de participation à ces élections (en particulier parce que
les élus ne sont pas révocables, ce qui est contraire à
nos principes de fonctionnement, puisqu’il n’est plus possibe de les contrôler),
mais nous renoncions de fait à la possibilité de créer
des sections syndicales (sans DP, il est pratiquement impossible d’acquérir
la représentativité, sans représentativité il est
impossible d’ancrer une section syndicale en raison de la répression
patronale). Soit nous nous réservions la possibilité d’y participer,
cela autorisait une stratégie de développement de sections syndicales
et de construction d’un syndicat de masse, tout en nécessitant une vigilance
particulière. La CNT a fait ce dernier choix, elle s’est dotée
d’une commission chargée de recueillir les bilans d’expériences
menées, qui sont diffusés à l’ensemble des syndicats, afin
que les décisions puissent se faire en connaissance de cause et non selon
des principes théoriques. Le sujet est encore débattu. Nous travaillons
à la définition des modalités de présentations,
des types d’élections auxquelles il est possible de se présenter,
des moyens de contrôle permettant d’éviter les dérives cogestionnaires.
La CNT cherche sa voie propre.

5)
Printemps 2003 : enracinement de la CNT.

Le large mouvement social du printemps 2003 a révélé
l’immense chemin parcouru par la CNT depuis novembre-décembre 1995. Nous
émergions alors à peine, et c’est seulement dans les universités
que nous avions participé au mouvement de manière décisive.
Nous étions présents sur d’autres fronts, mais surtout de l’extérieur.
Le mouvement du printemps 2003 a démarré sur la fronde de l’Education
nationale, qui durait déjà depuis plusieurs mois. La lutte des
emplois-jeunes et des surveillants, dans laquelle nous avons eu un rôle
central dans plusieurs régions, a débuté dès la
rentrée scolaire 2002. Le développement du puissant mouvement
de l’Education nationale, initié dès avril, voire mars, s’est
fondé sur les assemblées générales d’établissements
en lutte et sur la recherche d’une convergence interprofessionnelle, dès
mai. Là encore, notre rôle fut essentiel dans plusieurs régions,
grâce à notre implantation construite ces dernières années,
dans la foulée de 1995.

Dans la culture, c’est également là où nous
étions le mieux implanté (BNF, La Villette, la Cinémathèque...)
que la participation au mouvement a été la plus forte. Les camarades
du spectacle (en particulier intermittents) ont mené des actions déterminantes,
liées à la renégociations des annexes 8 et 10 (indemnisation
chômage). Mais il n’est pas l’objet ici de faire un catalogue : la
révélation essentielle est que nous existons réellement
maintenant comme syndicat, dans de nombreuses branches. Que notre présence
dans d’autres branches, où nous ne sommes pas encore suffisamment influents,
nous a au moins permis de propager largement l’information sur le mouvement
et notre perspective propre (commerce, presse, métallurgie...). Et que,
là où nous avons joué un rôle essentiel, le principe
d’organisation était l’assemblée générale souveraine
des travailleurs, l’élargissement et la convergence des luttes. Ce qui
s’est fait le plus souvent dans de très bonnes conditions avec la base
d’autres syndicats, et d’exécrables relations avec les bureaucraties,
dont l’objectif a, semble-t-il, été de freiner le plus possible
l’extension du mouvement pour en garder le contrôle absolu.

V-
Organisation de la CNT

Le mode de fonctionnement de la CNT correspond à la manière
dont nous prétendons que la société dans son ensemble peut
être gérée. Décisions par la base, mandats impératifs,
rotation des tâches... C’est pas toujours facile, mais ça s’apprend
par la pratique !

1)
Le syndicat, structure de base

Les prises de décisions sont effectuées au niveau
des syndicats, qui constituent la base décisionnelle de la CNT. La CNT
est conçue comme une confédération libre de ces syndicats.
Le principe fondamental, dans la CNT, est le même au niveau local que
dans la perspective révolutionnaire : ce sont aux prolétaires
de travailler à leur émancipation, ce sont aux travailleurs concernés
de prendre les décisions les concernant, tant que le pacte confédéral
est respecté. Ainsi, les sections d’entreprise affiliées à
un syndicat bénéficient également d’une autonomie de décision,
toujours dans la mesure où les principes généraux du syndicat
et de la confédération sont respectés.

Le syndicat est un syndicat d’industrie : en clair, c’est
un syndicat interprofessionnel réunissant les différentes catégories
de personnel travaillant dans une même industrie. La section d’entreprise
est également interprofessionnelle. Ce principe est parfois difficile
à concilier avec la réalité des formes d’exploitation :
ainsi, dans le nettoyage, les travailleurs peuvent changer régulièrement
de chantier et ne sont pas forcément attachés à une industrie,
encore moins à une entreprise. Ces formes se développent, les
liens existant entre les différentes catégories de salariés
sont rompus entre autre grâce au recours massif à la sous-traitance
et aux externalisations. Des formes de structuration sont à trouver pour
éviter le piège corporatiste, qui favorise l’isolement et la concurrence
entre métiers au profit du patronat, sans ignorer la réalité.

2)
Les structures de coordination

Il existe environ 130 syndicats confédérés
dans la CNT aujourd’hui. Le bureau confédéral assure le lien entre
les congrès (tous les deux ans). Sa charge est uniquement technique,
il veille au fonctionnement courant de la confédération, à
la circulation de l’information en interne et avec l’extérieur. Il applique
les décisions du congrès, il organise le CCN (Comité confédéral
national).

Les syndicats sont par ailleurs également regroupés
en UR (unions régionales), ainsi qu’en UD et UL (unions départementales
et unions locales). Ce sont les unions régionales qui se réunissent
tous les six mois en CCN, elles veillent à l’application des décisions
de congrès, contrôlent les mandatés confédéraux,
prennent les décisions techniques qui s’imposent, assurent le suivi des
campagnes confédérales.

Les syndicats sont enfin réunis en fédérations
d’industrie, lorsqu’ils sont suffisamment nombreux. Il en existe cinq à
ce jour : Education, PTT, Bâtiment, Communication culture spectacle,
Santé-social. La fédération d’industrie n’a qu’un rôle
technique de coordination.

3)
L’international, une priorité

Au sein du bureau confédéral, le secrétariat
international, composé d’une quinzaine de camarades, travaille à
développer les contacts internationaux, à coordonner les actions
internationales, à mettre en rapport les syndicats de la CNT avec des
structures équivalentes afin de concrétiser une réelle
dynamique internationale issue de la base.

Depuis 1996, nous avons constitué un réseau international
dynamique qui a marqué la renaissance de l’internationalisme rouge et
noir, avec des luttes syndicales menées au niveau international, avec
d’importants cortèges composés principalement, en plus de la CNT,
de la SAC allemande, de la CGT espagnole et de la FAU allemande (Amsterdam 1998,
Köln 1999, Paris en mai 2000, Göteborg en 2001, Séville en
2002). Des rencontres syndicalistes internationales (San Francisco 1999, Göteborg
2001, Essen 2002) nous ont également permis de nouer des contacts avec
des organisations pratiquant le syndicalisme révolutionnaire de tous
les continents, ces rencontres ont débouché sur de nombreuses
actions de solidarité internationales (tout particulièrement avec
l’Argentine, depuis l’année dernière). En 2003,
dans
le cadre du G8 d’Evian, la CNT a été présente avec des
délégations internationales. Elle a participé à
plusieurs initiatives : le Village anticapitaliste (VAAAG), la CLAAAC (coordination
des luttes anti-autoritaires), etc.

Elle participe aujourd’hui à des parutions ponctuelles sur le mouvement ouvrier international (Palestine), et à des revues (Afrique XXI,
Novost...)

4)
Les commissions

La CNT se dote de commissions. Emanations des syndicats, elles
peuvent être interne à l’un d’entre eux, ou s’élargir jusqu’au
niveau confédéral. Elles n’ont souvent qu’une existence ponctuelle
en rapport avec l’actualité. Certaines commissions cependant sont pérennes
 : la commission femmes, la commission prison, la commission juridique,
la commission sécurité sociale...

Bon,
alors, c’est quoi, la CNT ?!

Alors, la CNT, c’est quoi ? Une organisation qui a hérité
d’une histoire riche, enracinée dans le mouvement ouvrier, mais qui se
construit avant tout dans le présent, dans les luttes auxquelles elle
participe, qu’elle impulse parfois. Une organisation encore marginale face aux
" grandes " confédérations représentatives,
mais qui élargit son audience, son influence, et qui retrouve sur le
terrain les pratiques de nombreux syndicalistes appartenant à d’autres
organisations. Une organisation qui refuse les étiquettes idéologiques,
les dogmatismes paralysants, toute asservissement à un parti politique,
mais qui inclut dans son champs d’action des luttes éminemment politiques,
révélatrices d’un projet de société, d’une autre
forme d’organisation sociale.

La petite CNT a une grande ambition, l’émancipation des
travailleurs, l’abolition des classes, l’égalité et la justice
sociale, la gestion de la société par les producteurs. Si elle
déploie beaucoup d’énergie, c’est pour construire cette utopie,
l’ancrer dans la réalité des luttes, le faire partager par tous
ceux qui, un jour, mettront à bas le vieux monde.

CNT, bureau confédéral

BIBLIOGRAPHIE
Une petite
biblio de bouquins lisibles sans aspirines, très incomplète.

http://cnt-f.org/ :
sites des syndicats, infos sur les luttes, site du secrétariat international...

Editions de la
CNT-RP : ces ouvrages peuvent être obtenus auprès de militants
de la CNT, du service librairie au 33, rue des Vignoles, 75020 Paris.

  • La Charte d’Amiens, 1906. Texte fondateur du syndicalisme
    révolutionnaire adopté massivement par le congrès de
    la CGT en 1906. Le syndicalisme s’affirme indépendant de toute organisation
    politique, et affirme le syndicat comme outil révolutionnaire.
  • La Charte de Paris, 1946. Adoptée par la CNT
    lors de son congrès fondateur en 1946. Approfondit le syndicalisme
    révolutionnaire en l’opposant plus nettement aux organisations politiques.
    Le syndicat préfigure l’organisation de la société future,
    basée sur les travailleurs.
  • IWW et syndicalisme révolutionnaire aux Etats-Unis,
    Larry Portis, 2003 (réédition). Un bouquin indispensable sur
    les Industrial workers of the world, qui fondèrent le syndicalisme
    révolutionnaire à l’aube du XXe siècle, parallèlement
    à la CGT en France. S’il fallait n’en lire qu’un...
  • Autogestion et anarchosyndicalisme, analyse et critiques
    sur l’Espagne (1931-1990),
    Franck Mintz, 1999. Une approche critique très
    référencée de la "mythologie" anarchosyndicaliste.
  • La CGT-SR et la révolution espagnole, Jérémie
    Berthuin, 2000. La révolution espagnole vue depuis la CGT-SR.
  • De l’histoire du mouvement ouvrier révolutionnaire,
    actes du colloque international " Pour un autre futur ",

    collectif, en collaboration avec les éditions Nautilus, 2001. Inévitables,
    l’AIT, la CNT espagnole. Moins connues, la FORA argentine, l’USI italienne.
    Plus surprenant, l’anarchosyndicalisme japonais, etc.
  • Pouget : les matins noirs du syndicalisme, Christian
    de Goustine, Editions de la Tête-de-Feuilles, 1972. Epuisé mais
    consultable dans certaines bibliothèques (la BPI, à Paris).
    Excellente biographie retraçant la naissance du syndicalisme révolutionnaire,
    sa filiation avec l’anarchisme, mais aussi la rupture réciproque avec
    celui-ci.
  • La Bourse du travail de Lyon, David Rappe, 2004. Les bourses du travail en pratique à travers l’expérience de la bourse lyonnaise.
  • La Makhnovchtchina, l’insurrection révolutionnaire
    en Ukraine de 1918 à 1921,
    Archinov, Spartacus, 2000 (réédition).
    La relation de la Makhnovtchina par un de ses acteurs, engagée mais
    convaincante. Une épopée qui se montre bien proche, adaptée
    aux réalités paysannes de l’Ukraine d’alors, du syndicalisme
    révolutionnaire et de ce qui deviendrait l’anarchosyndicalisme en Espagne