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La Fédération jurasienne, Marianne Enckell

dimanche 9 décembre 2012, par Greg

C’est avec une splendide couverture que les éditions Entremonde viennent de rééditer La Fédération Jurasienne de Marianne Enckell, un texte qui prolonge l’indispensable L’Émancipation des travailleurs, une histoire de la Première Internationale de Mathieu Léonard (La Fabrique) et qui éclaire les enjeux de la récente célébration de ce fameux congrès anti-autoritaire de Saint-Imier que certains considèrent comme l’acte de naissance du mouvement anarchiste puisqu’y fut scellé ce pacte affirmant que « la destruction de tout pouvoir politique est le premier devoir du prolétariat ».

En lisant l’ouvrage de Marianne Enckell on comprend que les choses sont un peu plus compliquées que cela.

La Fédération jurasienne – qui regroupe principalement les ouvriers de l’horlogerie suisse mais aussi de prestigieux exilés (Bakounine, Kroptkine, etc.) va être, pendant moins d’une décennie, le centre névralgique d’une Internationale coupée en deux – division que la querelle Marx / Bakounine a cristallisée.

Ce n’est pourtant ni la section la plus importante (loin derrière l’Espagne) ni la plus active (la situation politique suisse est bien calme comparée à la répression qui a suivi la Commune de Paris) ni la plus radicale (loin des tentations insurrectionnelles de sa voisine italienne) mais elle s’est trouvée, pour diverses raisons, au cœur des conflits et des enjeux de cette période, accueillant en son sein des protagonistes de premier plan (James Guillaume, par exemple), et, surtout, elle a bénéficié auprès des autres sections d’une aura indéniable du fait de la qualité de sa réflexion et de son engagement internationaliste.
Marianne Enckel nous retrace donc les péripéties de cette internationale anti-autoritaire, de congrès en congrès (de 1872 à 1877), loin de la caricature qui a pu en être donné par ses adversaires mais aussi par ceux qui s’en proclament les héritiers.

Des diverses causes qui expliquent la fin rapide de cette aventure, on retiendra l’écart grandissant entre une poignée d’activistes, de plus en plus radicalisée – au mépris parfois de la réalité – et une base qui se fragilise, lassée des querelles de personnes, de la surenchère verbale, du sectarisme et de méthodes qui éloignent les internationaux de la classe ouvrière (ce sera le tournant de la propagande par le fait), alors que la plupart des militants aspirent avant tout au respect du fédéralisme et des choix stratégiques des uns et des autres dans un souci d’unité du mouvement ouvrier. (GC)

La Fédération jurasienne, Marianne Enckell, Entremonde, 2012, 144 p., 12 €.