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Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, Sylvain Wagnon

lundi 27 mai 2013, par Greg

C’est moins une biographie qu’un questionnement sur l’héritage légué par Francisco Ferrer que nous propose Sylvain Wagnon dans son dernier ouvrage consacré au pédagogue espagnol. Un héritage dilapidé, certainement, mais surtout un héritage dévoyé.

De nombreux commentateurs ont déjà relevé que c’est à son assassinat que Ferrer doit sa renommée internationale de martyr du combat pour l’émancipation. C’est de cette hypothèse que part Sylvain Wagnon, non pour la contredire, mais pour en comprendre les enjeux, les non-dits et les contre-sens.

L’oubli peut aussi venir d’un trop plein de mémoire, de commémorations, d’hommages... De façon prophétique, Ferrer lui-même redoutait l’usage qui pourrait être fait de son héritage après son exécution, invitant ses futurs célébrateurs à s’occuper des vivants et non des morts. Certes, le parcours du fondateur de la Huelga general, journal anarchosyndicaliste, pouvait aussi avoir de quoi prêter le flanc aux récupérations. D’abord républicain, avant de devenir un militant libertaire, il gardera quelques attaches dans ce milieu. Libre-penseur, franc-maçon... ses anciens compagnons sauront très bien faire oublier la dimension sociale de ses combats.

Mais sous la plume de Sylvain Wagnon, on est frappé – peut-être contre toute attente – par la modernité de la parole de Ferrer (à moins que ce ne soit notre époque, célébrant le retour de la morale laïque, qui ne nous fasse retomber dans des temps archaïques...). Une parole que l’on retrouve dans la seconde partie de l’ouvrage qui reproduit in-extenso la fameuse brochure intitulée L’École moderne.

L’auteur de cette « éducation libertaire en héritage », sans contester certaines critiques adressées à Ferrer (en quoi son école peut-elle encore se révéler « moderne » ?, peut-on qualifier Ferrer de « pédagogue » à proprement parler ?), les retourne habilement dans une conclusion stimulante. Le « dispositif éducatif » de Ferrer, qui ne se réduit pas à l’école mais englobe un travail d’édition, la promotion de « Maisons du peuple », le combat syndical, la formation des enseignants, etc. porte encore les germes d’une école démocratique (qui ne saurait se confondre avec une démocratisation de l’école, dont Ferrer avait aussi anticipé l’hypocrisie).
Mais surtout, conclut l’auteur, c’est « dans cette alliance du combat révolutionnaire et pédagogique que se trouve son héritage majeur ». Une belle relecture de l’œuvre du pédagogue libertaire qui a su éviter les pièges de la commémoration et de l’hagiographie.

Francisco Ferrer, une éducation libertaire en héritage, Sylvain Wagnon, Atelier de création libertaire, 2013, 288 p., 18 €.