Dans le précédent numéro, nous avons présenté le cadre juridique de la grève, nous poursuivons ici en présentant ses effets sur le contrat de travail. En effet, la grève ne rompt pas le contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Le contrat n’est que suspendu pour la durée du conflit. L’exercice « normal » du droit de grève ne peut donc donner lieu de la part de l’employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération et d’avantages sociaux. En aucun cas l’employeur ne peut établir de discriminations entre les salariés grévistes et les non-grévistes.

L’incidence de la suspension du contrat sur la rémunération

La suspension de l’exécution du contrat de travail entraîne l’interruption de la prestation de travail et dispense l’employeur du versement de la rémunération (salaire, compléments et accessoires).

• Incidences sur le salaire

L’abattement opéré sur le salaire des grévistes doit être strictement proportionnel à la durée de l’arrêt de travail. Aucune réduction supplémentaire n’est possible, ni en raison d’une perte de production résultant de la grève, ni pour compenser le temps consacré à la remise en marche des machines. Toute retenue de ce type constituerait une sanction pécuniaire, par principe prohibée.

• Incidences sur les primes

De nombreuses conventions collectives instituent des primes dont les principes de versement et les montants sont liés à une condition de présence du salarié dans l’entreprise (prime d’assiduité, de productivité, d’intéressement, de participation, etc.). L’employeur pourra tenir compte de la grève pour ne pas verser ou réduire le montant de ces primes, uniquement si le texte qui les institue (note de service, convention collective, etc.) prévoit les mêmes restrictions d’attribution, quel que soit le motif de l’absence (maladie, congés, etc.).

• Incidences sur les jours fériés et les congés

Lorsqu’un jour férié ou chômé est compris dans la période de grève, l’employeur n’est pas tenu de le payer. L’employeur peut ne pas prendre en compte les périodes de grève dans le calcul de la durée des congés payés annuels, cette durée devant être déterminée en fonction du temps de travail effectif du salarié.

• Incidences sur l’indemnisation de la maladie

L’employeur n’aura pas à verser les allocations complémentaires aux indemnités de sécurité sociale aux salariés grévistes qui tombent malade au cours de la grève.

La rupture du contrat en cas de faute lourde

La suspension du contrat de travail des salariés grévistes a pour effet de suspendre (dans une certaine mesure) l’exercice du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Seule une faute lourde commise par un gréviste peut autoriser à son encontre une sanction disciplinaire ou un licenciement. La faute lourde se définit comme une faute d’une gravité particulière, qui révèle l’intention de nuire de son auteur. Elle peut être commise à l’occasion d’un mouvement collectif licite (grève) par un ou plusieurs salariés. En cas de grève, il s’agit le plus souvent de voies de fait, violences, séquestration, coups et blessures ; d’entraves à la liberté du travail, etc. Mais le simple fait de participer à un mouvement collectif illicite, indépendamment de l’attitude de chaque salarié, est constitutif d’une faute lourde.

La faute lourde constitue un motif légitime de licenciement sans préavis ni indemnités. L’employeur est toutefois tenu de respecter la procédure individuelle de licenciement (entretien préalable, notification du licenciement) et la procédure spéciale de licenciement applicable aux représentants du personnel (autorisation préalable de l’inspecteur du travail).

Les réponses patronales à la grève

Si le droit de grève est encadré, la réaction patronale l’est également. Le lock-out n’est possible que dans certaines conditions : il faut que la grève crée une situation contraignante, rendant impossible la poursuite d’une activité normale. Ce sont souvent des questions liées à la sécurité qui sont avancées ou au risque de violence lors d’une occupation. Mais dès lors que la nécessité n’est pas démontrée, les jours perdus devront être payés.

Le remplacement des grévistes est une situation à laquelle se trouvent régulièrement confrontés les militants. La règle est relativement simple. Il est interdit de recourir à des salariés sous contrats à durée déterminée (article L. 122 –3) et/ou à des intérimaires (article L. 124-2-2) pour remplacer des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un conflit collectif.

Au-delà de ces quelques règles juridiques, il convient de retenir que le rapport de force constitue un atout inestimable. Mais la criminalisation croissante des mouvements sociaux (cf. la grève du centre de tri de Bordeaux et les licenciements qui l’ont suivi), constitue une nouvelle donne avec laquelle il faut compter.