Le monde est secoué depuis plusieurs mois par une crise financière déjà largement commentée par les uns et les autres.
Si on peut se réjouir de voir l’angoisse des spéculateurs et actionnaires devant l’effondrement de leur univers, nous ne pouvons que nous interroger sur ce terme même de crise et sur ses impacts réels.
Car de quelle crise parlons-nous ou plutôt pour qui y a-t-il une crise ? Pour les travailleurs de Renault Sandouville, sûrement ; pour les travailleurs américains qui voient leurs retraites par capitalisation disparaître, sûrement ; pour les 40 000 chômeurs de plus, sûrement ; pour les travailleurs qui vont devoir subir le chantage à la récession, sûrement encore… Mais les autres, ceux d’en haut, nos dirigeants, économiques et politiques, qu’en voient-ils de la crise ?
Car jusqu’à preuve du contraire, personne n’a vu Parisot aux Restos du Cœur, Lagardère chez Emmaüs ou Bolloré à l’Armée du salut… Sarkozy n’a pas revendu ses Ray-Ban ni Carla Bruni ses robes Dior et consorts… Les cadres dirigeants ne mangent pas encore leurs cravates et on n’a vu aucun patron revendre ses stock-options sur les marchés ou faire la manche dans les rues pour payer son loyer…
Pour pleurer avec tout le monde, ils sont bien là : l’économie va mal, ça va être dur, va falloir se serrer la ceinture… Sans vouloir être offensant, ça fait un moment qu’on nous dit que c’est dur et qu’il faut faire des sacrifices parce que ça va mal. L’État n’a plus d’argent, c’est la panique : supprimons des fonctionnaires et privatisons ! Plus d’argent pour la Sécurité sociale et les retraites : bossez 41 ans et payez une franchise médicale ! Le marché de l’emploi va mal, y’a trop de chômeurs : prenez ce qu’on vous donne et soyez flexibles ! Les entreprises ne sont pas assez rentables face à la concurrence : travaillez plus et mieux !
On a donné, ça c’est sûr, mais eux, nos patrons et gouvernants, leur ceinture, elle en est où ? Comme l’impression qu’elle a craqué tellement ils en ont profité ces derniers temps. Exonérations de cotisations, plus de 30 milliards par an ; parachutes dorés et stock-options en veux-tu en voilà ; bouclier fiscal, 2 242 contribuables bénéficiant de revenus supérieurs à 41 982 euros reçoivent à eux seuls 82,9 % des sommes reversées par le fisc, soit 84 700 euros chacun ; PME en difficulté, 22 milliards d’aide débloqués ; hausse des salaires des patrons du CAC 40… on n’ose même plus le dire tellement c’est indécent.
Mais alors, au final, si on compare notre situation et la leur, n’y aurait-il pas comme un problème ? Comme une sorte d’inégalité flagrante. Avec une petite idée de vases communicants : nos sacrifices, ne seraient-ils pas la source de leurs profits ? Et c’est pas fini, comme on dit, car ce qu’ils nous annoncent n’est pas un avenir rose : sous la contrainte de la crise, l’argent des États file dans les banques à coups de milliards, donc les caisses sont encore plus à sec, la croissance économique part en fumée et nos emplois avec, le chômage monte, y’a trop de chômeurs, va falloir baisser les allocations… Ça va faire mal ! Et pour nos patrons ? Des « recommandations » pour éviter quelques abus mais sans limites réelles (dixit Parisot elle-même), car à trop leur faire peur, on va les faire partir… Bref, du vent, comme toujours, pour « moraliser le capitalisme », comme dirait… … Sarko. Mais moraliser, ça veut dire quoi ? Le capitalisme peut-il avoir une autre éthique que de développer les profits de quelques-uns sur le dos des autres ? Le capitalisme a-t-il jamais remis en question les inégalités sociales et économiques et la concentration des richesses ? N’est-ce pas le capitalisme qui nous impose tous ces sacrifices pendant que nos patrons et gouvernants s’en mettent plein les poches ? N’est-ce pas le capitalisme qui tolère que certains crèvent dans la rue quand d’autres cumulent les résidences, voire les appartements de fonction ? N’est-ce pas le capitalisme qui a créé cette crise financière et veut nous la faire en plus payer aujourd’hui ? N’est-ce pas le capitalisme qui choisit de sacrifier éducation, santé et protection sociale pour les remettre aux mains d’intérêts privés et faire des bénéfices, y compris sur nos vies et nos droits les plus élémentaires ? N’est-ce pas le capitalisme qui appauvrit des pays du Sud en pillant leurs richesses, exploite leurs habitants au Nord dans les métiers les plus pénibles puis les renvoie chez eux quand il n’en a plus besoin ? N’est-ce pas le capitalisme qui détruit peu à peu la planète pour le simple souci du profit à court terme ? N’est-ce pas le capitalisme qui lance une guerre à chaque fois que l’économie est en panne ? Les patrons, qui défendent si âprement l’économie de marché comme seul modèle viable, ne sont-ils pas ceux qui nous demandent sans cesse de travailler plus, mieux et moins cher pendant que leurs salaires et stock-options grimpent au plafond ? Et ne sont-ils pas les seuls responsables lorsque des choix économiques font couler une boîte et envoient des travailleurs à l’ANPE avec quelques misérables indemnités ? La liste pourrait être longue encore, interminable, même…
Alors, finalement, n’est-il pas temps d’arrêter d’attendre que nos gouvernants « moralisent ou régulent ce capitalisme » ? N’est-il pas temps de le combattre et de l’affronter, de le remettre en cause frontalement ? Pour nous, le choix est fait, nous avons pris le parti de le combattre partout où il sévit. À commencer par les entreprises et les lieux de travail, car c’est de notre exploitation quotidienne que le capitalisme se nourrit. Lutter pour de meilleurs salaires pour nous et des moindres pour nos dirigeants, de meilleures conditions de travail, un partage du temps de travail, l’arrêt des pressions morales et de la course à la rentabilité, etc. Lutter pour que les richesses soient mieux redistribuées, sans attendre une hypothétique loi qui ne viendra pas, sans espérer qu’un gouvernement vienne nous sauver (ça se saurait, depuis le temps…). Et cette lutte, nous la transposons hors de nos boîtes, pour des questions plus générales, comme nos retraites, notre santé, l’éducation, nos services publics de transport ou de communication… Pour que tout un chacun ait droit à une vie digne. Non pas par des journées d’action bidon ou des grèves d’un jour ou d’une demi-journée qui n’ont pour effet que de nous faire perdre des journées de salaire pour rien et de laisser filer nos droits les uns après les autres : face à un capitalisme de combat et à la conscience de classe bien forgée de nos dirigeants, ces « coups de gueule d’un jour » n’ont plus d’impact, ce qu’il nous faut, c’est une riposte massive et déterminée, une grève générale reconductible et des syndicats de combat et de classe. Et cette lutte, nous la menons avec toutes les victimes du capitalisme, d’ici ou d’ailleurs, d’Europe, des Amériques, d’Afrique ou d’Asie, sans frontières ni question de papiers d’identité, de langue ou de couleur de peau, car nous avons tous le même intérêt, celui de récupérer ce qui nous est dû et ce qu’il nous est nécessaire pour vivre.
Nous ne nous résignerons pas, malgré la répression, les menaces ou les sanctions. Nous ne capitulerons pas, car nous avons l’espoir qu’une autre société plus libre et égalitaire est possible. Notre arme, la lutte, est la seule qui peut leur faire mal et les pousser à nous rendre notre dû. Notre outil, c’est le seul qui peut être présent chaque jour là où l’avenir et nos vies se jouent : un syndicalisme de combat qui ose s’affronter au patronat et à l’État, qui ose s’affirmer comme révolutionnaire et libertaire parce qu’il affirme qu’une autre société est possible si nous la construisons chaque jour dans nos luttes !
Comité de rédaction du CS
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