A coups de projections démographiques discutables et de montants alarmistes, on veut nous imposer une réforme bien précise. Augmenter l’âge de départ à la retraite ne fera que renforcer les inégalités. C’est bien la nécessité d’intervenir dans le partage des richesses qui justifie nos mobilisations.
L’élévation de l’espérance de vie présentée comme une malédiction Quel gaspillage pour le capitalisme que ces retraités de 60 ans encore tout à fait exploitables ! On avance le ratio entre actifs et retraités pour pointer ce gaspillage. Qu’en est-il exactement ?
On compte, en 2008, 3,9 adultes de 15 à 65 ans pour une personne ayant plus de 65 ans. Les projections estiment que la part de plus de 65 ans devrait se stabiliser autour de 20 % de la population (1/5). Il n’y a pas de quoi s’affoler. On cotise déjà pour 25 % de notre salaire brut aux caisses de retraite. On peut envisager un choix collectif et mieux partagé pour assurer la pérennité du système.
Encore faut-il que tout le monde ait un emploi. En effet, le ratio tombe à 2,4 si on ne prend en compte que les actifs occupant un emploi. Est-ce la faute des salariés si les impératifs de rentabilité incitent à laisser au chômage 10 % de ceux qui souhaitent travailler pour mieux exploiter les autres ? Le chômage pèse bien plus sur l’équilibre de comptes sociaux que l’allongement de l’espérance de vie.
D’autant que celle-ci cache de nombreuses inégalités. Elle est de 4 à 5 ans inférieure pour un ouvrier, comparée à celle d’un cadre. Il est plus facile de s’imaginer travailler plus longtemps quand on pond des rapports sur les retraites plutôt que quand on travaille dans le bâtiment. Concrètement, les salariés exerçant les travaux les plus pénibles ou les plus précaires devront cesser plus tôt leur activité et toucheront une retraite fortement amoindrie.
Augmenter l’âge de la retraite augmentera les inégalités
Déjà aujourd’hui l’âge moyen de cessation d’activité est de 58,7 ans. De nombreux salariés vivotent déjà en attendant de pouvoir toucher leur retraite. Cette précarité sera renforcée avec le recul de l’âge de la retraite. Le véritable objectif de toutes ces réformes est de réduire le montant des pensions. Cela entraînera que le taux de remplacement (rapport de la pension de retraite comparée au dernier salaire) va passer de 79 % en 2006 à 63 % en 2046. Cette baisse annoncée du niveau de vie des retraités va inciter les salariés à contracter des assurances complémentaires. Des profits juteux pour certains, mais tout le monde ne pourra pas y souscrire.
Travailler moins pour gagner plus
Historiquement, les travailleurs se sont toujours battus pour réduire leur temps de travail. Des congés payés, à la semaine de 40 heures, en passant par la journée de huit heures, les mobilisations populaires ont souvent exprimé le refus de perdre sa vie à la gagner.
Bien sûr, les patrons ont toujours considéré que ce n’était pas viable économiquement, que les salariés étaient de fainéants. Les premières luttes pour encadrer la journée de travail à 10 heures allaient ruiner l’économie nationale.
Il n’en a rien été. Il faut dire qu’avec une hausse de la productivité de 2 % par an, on double les richesses produites tous les 35 ans. A-t-on vraiment besoin de deux fois plus de biens à ce rythme ? Les luttes sociales jusqu’ici semblent plutôt indiquer que l’on préfère moins s’esquinter au boulot. Plutôt que d’exploiter une partie de la population jusqu’à épuisement il vaut mieux répartir le travail. Pourquoi faire travailler certains jusqu’à 65 ans et en laisser une bonne partie dans le chômage et la précarité ? Bien sûr c’est plus rentable pour chaque employeur de fonctionner ainsi, mais cela a un coût humain et social effroyable.
Nous avons fait des progrès depuis la révolution néolithique. Nous avons la possibilité de subvenir à nos besoins sans consacrer toute notre énergie au travail. Les aspirations d’une bonne partie de la population semblent plutôt aller vers une meilleure harmonisation des temps sociaux entre travail, loisir, famille, formation… Seule une minorité n’est guidé que par la recherche maladive de toujours plus de richesses.
A travers le débat sur les retraites, c’est un débat sur le type de société que nous voulons qui est en jeu. Sortir de la logique productiviste et imposer une meilleure répartition du travail et des richesses est hautement légitime. Sachons nous imposer dans ce débat crucial pour notre avenir.
Ricoéduc 69