Un accident de travail dont Thales est responsable
Pour celles et ceux qui découvrent l’affaire, un bref résumé : Le 23 octobre 2009, une salarié cadre de l’entreprise, Michèle MORELLEC, mettait fin à ses jours. Ce suicide faisait suite à de nombreuses alertes de la part des représentants du personnel qui avaient recueillis et fait remonter à la direction les plaintes de salariés subissant une dégradation de leurs conditions de travail. Les premières alertes formelles, en 2008, avaient été dirigées vers Frédéric MASSA et Laurent YVELIN qui assumaient la direction de TMI mais la pression subie par des salariés ne diminua pas ou se traduisit par une mise à l’écart. En juin 2009, le CHSCT rédigea une nouvelle alerte signée par l’ensemble des élus demandant l’intervention de la direction du groupe, sans plus de résultat. Puis ce fut l’inspection du travail qui imposa une réunion extraordinaire du CHSCT dédiée au risques psychosociaux qui se déroula le 8 octobre 2009. Le CHSCT de l’époque fit un exposé précis prouvant la réalité du mal-être subi par des salariés. Frédéric MASSA ne participa pas à la réunion et sa seule réponse fut de proposer de nouvelles évaluations du stress. Quinze jours plus tard, le suicide de Michèle entraîna le limogeage de Frédéric MASSA et Laurent YVELIN. Contactée par des membres du CHSCT, la famille de Michèle engagea une procédure pour faire reconnaître l’origine professionnelle de son suicide et démontrer la faute inexcusable de Thales. La CPAM égara le premier dossier, puis refusa de reconnaître l’origine professionnelle du décès après une enquête trop partielle pour être incontestable. Le 27 septembre 2013, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d’Ille et Vilaine a reconnu le suicide de Michèle comme un accident du travail ce qui déclenche le versement d’une indemnité forfaitaire aux ayants droits. Le 17 mars 2017, le TASS a reconnu l’existence d’une faute inexcusable de la part de l’entreprise Thales ce qui permet d’autres indemnisations.
Plus de 6 ans après les faits, la responsabilité de Thales a été démontrée :
C’est avec satisfaction que nous avons accueilli le verdict du 17 mars : la faute inexcusable de la société Thales Microelectronics SAS dans le suicide de Michèle MORELLEC a été démontrée.
S’il a fallut 6 années de procédure, c’est parce qu’il y a des délais incompressibles, des tentatives de conciliation obligatoires et de multiples possibilités de reports et d’appels. La société Thales ne s’est pas privée pour faire traîner inutilement les choses et dans son dernier communiqué, elle indique son souhait de faire appel de la décision.
Lors de l’audience du 9 février dernier, nous avons entendu la défense pleine de mauvaise foi de la direction : selon elle, le témoignage d’Anthony, à l’époque secrétaire du CHSCT, est contestable, la direction allant même jusqu’à l’accuser de faute professionnelle pour ne pas avoir suffisamment prévenu de l’état de détresse dans lequel se trouvaient des managers ! Et lorsque le juge demande pourquoi Thales n’a pas contesté le jugement du 27 septembre 2013 reconnaissant le suicide comme accident du travail, elle répond que c’était par grandeur d’âme !!!
Une origine professionnelle évidente
Pour la plupart des acteurs de l’époque, l’Inspection du Travail, la médecine du travail, la CPAM, le CHSCT, voir même des membres du CODIR de TMI, l’origine professionnelle du suicide de Michèle paraissait aller de soit même si la puissance du groupe Thales a malheureusement poussé beaucoup d’entre eux à invoquer leur devoir de réserve pour ne pas le dire publiquement. Pour mémoire, l’ordre du jour du premier CHSCT extraordinaire qui a suivit son décès indiquait le point suivant : « Suicide de Michèle MORELLEC : Le CHSCT demande à ce qu’il soit assimilé à un accident du travail. ». La direction avait refusé d’en tenir compte. Si la direction avait accepté de sortir de son déni, elle aurait pu économiser aux proches de Michèle, les 4 premières années de la procédure.
On se réjouit donc de ce résultat mais on se désole de l’attitude d’une partie des élus de TMI. Après, quelques « moulinets de poings », le représentant de la CFTC nous indiquait dès le mois de novembre 2009 que sa confédération n’engagerait aucune procédure juridique sous prétexte que Michèle n’avait pas laissée de lettre accusant Thales. Pourtant, la CGT a participé au procès comme intervenant volontaire au nom de l’intérêt commun des travailleurs et elle a gagné. Ce sont aussi des représentants de la CFTC que nous avons entendu relayer la défense de la direction de TMI ou dire ne pas comprendre pourquoi la famille engageait une procédure alors qu’elle avait été « largement indemnisée ». Pire, à une demande d’aide de la famille, plusieurs mois après le suicide, un représentant de la CFTC a répondu qu’il aurait pu les aider mais que les preuves avaient malheureusement disparues dans le « crash » du disque dur de son PC portable. Que ce soit un mensonge ou une incompétence en matière de sauvegarde, vous comprenez dans quel désarroi de tels propos ont plongé la famille de Michèle. Au final, l’aide des membres de la CFTC de TMI dans ce dossier a été nulle !!!
Les représentants CFTC sont bons, c’est la direction qui les corrompt.
C’est dans les moments les plus critiques qu’on reconnaît la valeur de ceux qui sont sensé nous représenter. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le soutien des représentants du personnel d’un site Thales n’a rien d’automatique. La carrière professionnelle ou la volonté de maintenir de bonnes relations avec la direction pèse parfois plus lourd que le sens de la justice : après le suicide d’un salarié de Thales Alénia Space, ses proches nous a dit n’avoir reçu aucune aide de la part du CHSCT du site de Toulouse. Au point que l’aide que nous avons apporté dans le dossier de Michèle a exacerbé leur sentiment d’injustice ! Les salariés de TMI, cadres ou non cadres, devraient donc se réjouir de savoir qu’à TMI, il y a encore des représentants qui les soutiendront, eux ou leurs proches, coûte que coûte, face à la direction. On a pourtant le sentiments inverse quand on voit les résultats des dernières élections du comité d’entreprise. Après avoir obtenue les voix de 76 ingénieurs et cadres de TMI (c’est plus des 3/4 des managers !) la CFTC s’affiche comme LE syndicat des cadres de TMI. Les cadres ont-ils compris qu’ils donnaient du poids et de l’influence à des représentants qui estiment le préjudice du décès d’un salarié au niveau du coût d’une petite voiture d’occasion ? Demandez à vos proches s’ils ne pensent pas que votre vie vaut un peu plus... Les observateurs les plus attentifs auront compris que c’est à cette époque que sont nées des divergences entre élus et la création de plusieurs sections syndicales.
Ils disent RPS, nous disons souffrance au travail.
La souffrance au travail existe et elle touche majoritairement les salariés les plus engagés, les plus impliqués dans l’entreprise. Ceux qui donnent sans compter mais n’obtiennent rien, ceux qui pensent faire honnêtement leur boulot mais qui ne bénéficient jamais des opportunités, ceux qui de part leur fonction de représentant du personnel fédèrent toutes les haines.
L’actualité du mois nous livre un de ces derniers cas : Édouard, un délégué du syndicat SUD- Rail travaillant pour la SNCF à la gare Saint Lazare est mort après avoir délibérément posé sa tête sur les rails lors du passage d’un train. C’était son dernier jours avant une mutation disciplinaire vers une autre gare. Une sanction prononcée pour un « regard menaçant » !
Pour ne pas se retrouver avec comme seul choix le départ ou l’obéissance servile, ceux qui défendent vraiment vos intérêts ont besoin de votre soutien. Aujourd’hui, plus qu’hier.
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