Accueil > Tous les numéros > N° 32 - École et handicap > Le travail en équipe ou les compagnons d’Ulis

Le travail en équipe ou les compagnons d’Ulis

dimanche 10 juin 2012, par Greg

Le travail en équipe est un des objectifs contre nature que nous fixe la hiérarchie.
Contre nature car la culture professionnelle des enseignants du second degré pousse à nous enfermer entre les quatre murs de nos classes. Seul avec nos élèves et parfois face à eux.
Pourtant, l’intégration du handicap à l’école oblige à travailler une dynamique d’équipe.

Avant tout il est utile de bien préciser ce que j’entends par « dynamique d’équipe ». Pas de définition alambiquée. Il s’agit de la vie d’une équipe, vie plus au moins remuante. Évidemment on pense aux échanges entre collègues. Cette dynamique doit avoir comme but d’imaginer des solutions face aux difficultés, aux problèmes rencontrés. Débats, transmissions d’informations sont indispensables. Mais il ne faut pas avoir une vision naïve et idyllique. Une dynamique de groupe se traduit par des discussions, longues, des rigolades, parfois, mais aussi des oppositions, des engueulades. La vie en résumé ! Maintenant encore faut-il savoir avec qui nous souhaitons avoir une dynamique.

Équipe = groupe ?

L’équipe pédagogique semble de prime abord le groupe tout désigné. Profs, CPE, surveillants de la vie scolaire, assistante sociale, infirmière, COPSY, coordo de l’Ulis, assistant de vie scolaire forment, tous ensemble, cette équipe pédagogique. Il apparaît immédiatement que les fonctions de chacun, les modalités, les rythmes et les lieux de travail sont différents pour chacun. Les profs doivent pouvoir échanger rapidement et facilement, à la pause en salle des profs, entre deux portes.

Mais sorti de ce cadre restreint, on s’aperçoit que les échanges se font plus rares et plus complexes. Les CPE sont souvent occupés avec les élèves lorsque les profs sont en pause. De plus leur bureau est parfois isolé. Les surveillants sont quant à eux le plus souvent totalement exclus. Pourtant leur connaissance des élèves, l’encadrement qu’ils assurent, seraient bien utiles pour les comprendre et mettre en place des réponses globales. Mais cette dynamique d’équipe ne peut pas et ne doit pas se limiter à l’équipe pédagogique. Il est indispensable de l’élargir à l’ensemble de l’équipe éducative. Infirmière, assistante sociale, intendance, agents d’entretien doivent eux aussi pouvoir trouver leur place dans cette dynamique. Infirmière et assistante sociale sont quant à elles souvent cachées dans un recoin du lycée, débordées par les dossiers à mettre en place, les élèves à suivre. Et comme elles se partagent entre plusieurs établissements, arriver à les rencontrer flirte parfois avec l’impossible. Et je ne parle pas des conseillers d’orientation psychologue qui disparaissent progressivement de nos établissements. Dans mon lycée la Copsy ne peut être présente que quelques heures par semaine, moins d’une matinée.

Équipe = mutualisation

Mais l’obstacle de l’emploi du temps n’est pas le seul, bien que ce soit celui que l’on perçoit le plus facilement. Échanger dans une équipe sous-entend une capacité à se comprendre mutuellement. Cela est déjà parfois difficile entre enseignants. Bien que notre mission institutionnelle soit la même ; nous n’avons pas tous les mêmes priorités pédagogiques, les mêmes pratiques avec les élèves, la même culture pédagogique et militante, la même histoire… Toutes ces différences peuvent devenir une richesse grâce à des regards qui se complètent, se croisent. Mais des différences peuvent aussi se ­traduire par une incompréhension, une défiance envers le discours de l’autre. Pourtant l’échange entre enseignant reste une sinécure en comparaison avec les relations entre les autres membres de l’équipe éducative. Les missions, le rôle de chacun sont différents et donc les objectifs varient : apprentissages, respect des règles, bien-être dans l’établissement, prévention sanitaire et sociale, orientation… De plus aucun ne partage les mêmes temps, dans les mêmes conditions avec les élèves. Et pour finir, la formation professionnelle de chacun nous a inculqué l’utilisation d’un vocabulaire bien spécifique. Or nous ne mettons pas les mêmes réalités derrière les mêmes mots. Cette dynamique d’équipe doit donc trouver les moyens de dépasser ces barrières et permettre un travail constructif en coopération.

Équipe = anti-hiérarchie

Pour finir sur les obstacles à surmonter, je voudrais insister sur les différences hiérarchiques, le plus souvent construites artificiellement, qui existent dans un établissement. Entre profs titulaires et contractuels tout d’abord. La différence de statuts, et donc de formation, de sécurité d’emploi, de garantie à rester dans le même établissement, et au bout du compte la différence sociale qui s’insinue parfois peut entraîner une mise en retrait, même inconsciente, voire pire une mise à l’écart. Mais si cela peut sembler rare entre enseignants, personne ne pourra nier que cette mise à l’écart est bien réelle quand on évoque la place de nos collègues surveillants et agents d’entretien. Or, dans le cadre d’un travail d’équipe au profit des élèves handicapés, ils ont une place qui ne doit pas être négligée. En effet, ils sont au contact des élèves et peuvent donc les observer, discuter avec eux, les aider, les protéger… Il est donc essentiel de les intégrer dans ce travail d’équipe, ce travail pluri-disciplinaire. Il est en effet assez simple d’envisager un élève dont les troubles ne lui permettent pas de se repérer dans l’établissement. Les surveillants ou les agents d’entretien pourraient alors le croiser, errant dans les couloirs. Ils ont donc besoin de savoir.

Mais alors comment surmonter autant d’obstacles ? Dans les milieux sociaux et médicaux la pratique de réunion de synthèse est courante et institutionnelle. À l’Éducation nationale, ces réu­nions sont pratiquées entre enseignants de Segpa. Nous nous sommes inspirés de cela dans mon établissement. À la création de l’Upi nous avons obtenu d’avoir un temps de réunion. Certes, ce n’était pas dans nos emplois du temps, mais au moins elles étaient payées. Ces réunions de synthèse ont été pratiquées pendant deux ans mais de façon partielle dans le sens où toute l’équipe pédagogique n’étaient pas présentes. Par manque de temps, mais aussi parce que nous ne les convions pas. C’est le cas pour les surveillants par exemple. Néanmoins ces réunions ont permis de développer la cohésion de l’équipe pédagogique et d’élaborer des solutions face aux difficultés de nos élèves, et les nôtres. Pour cela, il a été nécessaire que la parole de tous se libère. La condition sine qua non a été l’absence de la direction à ses réunions pour éviter la pression sur les collègues non-titulaires.

La cohésion que ces réunions avait créée s’est immédiatement effritée dès lors qu’elles ont disparu. L’échange se fait alors de façon beaucoup plus affinitaire, avec le collègue dont on partage les pratiques, les points de vue, l’emploi temps, le collègue avec qui l’on s’entend bien… De plus ces réunions nous ont permis d’avoir un regard affuté sur nos élèves et leurs besoins spécifiques. Du coup nous pouvions en faire part aux absents des réu­nions : surveillants et agents d’entretien. Cela avait même rendu possible la mise en place d’un suivi personnalisé par un surveillant pour les élèves qui en avaient besoin.

Aujourd’hui ces heures de synthèses ont disparu. Nous nous battons pour qu’elles soient rétablies dans mon établissement. ■

Erwan Chasles

Réunion d’équipe…

Les heures de synthèse ne doivent pas être un temps de plaintes mais un temps de construction pour dépasser les difficultés de nos élèves.
Les heures de synthèse doivent nous permettre de réfléchir sur nos pratiques pédagogiques, sur les adaptations nécessaires pour permettre la réussite de tous nos élèves.

Objectifs :

 Partager notre analyse des difficultés et des compétences des élèves

 Échanger sur des difficultés d’élèves (apprentissage, posture d’élève…)

 Mettre en place des remédiations cohérentes au niveau de l’équipe pédagogique

Fonctionnement :

 Confidentialité : pour que la parole soit libre, ce qui est dit entre nous ne sort pas de la réunion. Les informations échangées au sujet des élèves restent aussi entre nous.

 Écoute de toutes et tous, respect de la parole de chacun

 Pas de jugement de valeur entre nous : si on sent que les remarques nous gênent le dire immédiatement

 Nos interventions doivent servir à mettre en place des propositions

Faire un tour de table pour que chacun explique sur quoi il aimerait que l’on réfléchisse collectivement.