Par un arrêté du 11 août 2011 des ministères de l’Intérieur et du Travail, la nouvelle liste des métiers ouverts aux étrangers non européens a été mise à jour. Alors que cette liste était auparavant composée de 30 métiers, la nouvelle version en vigueur n’en comporte désormais plus que 14. Les métiers de l’informatique ont notamment disparu de la nouvelle liste sauf pour les "experts".

Déjà au printemps dernier, Claude Guéant et Xavier Bertrand avaient annoncé leur volonté de restreindre l’immigration légale de travail dans l’industrie informatique. Guy Mamou Many, le grand Mamamouchi du Syntec et les dirigeants des grandes SSII avaient alors pris d’assaut la presse spécialisée et la presse généraliste pour crier à la mise à mort du secteur informatique.

A les croire, les SSII joueraient ainsi leur survie contre de multiples dangers. Il y aurait une prétendue pénurie d’informaticiens en France. Cette soit disant pénurie empêcherait les SSII de répondre à des appels d’offre, et donc ouvrirait en grand la porte aux solutions offshores.

Cette pénurie de main d’œuvre entraînerait de plus une surenchère insoutenable des salaires.

Mais de qui se moque les dirigeants du Syntec et des SSII ? Dans quel monde vivent ils ?

Il serait bien temps en effet qu’il y ait une surenchère des salaires. Depuis combien de mois déjà entend on parler de la reprise dans le secteur et des cahiers de commande surchargés ? Combien de SSII ont gelé les salaires depuis des années et des années en prétextant de la crise, alors que le coût de la vie n’a cessé d’augmenter, prolétarisant encore un plus les informaticiens ?

Les gels de salaires sont devenus tellement courants que de plus en plus de SSII se sont retrouvées face à des conflits sociaux à répétition alors que la culture des informaticiens les avaient toujours éloignés des luttes sociales jusqu’à présent.

Quelle est cette prétendue pénurie de main d’œuvre alors que le Pôle emploi est plein d’informaticiens au chômage ? Alors que les sièges des SSII sont remplis de salariés en intercontrat ? Peut être ceux-ci n’ont pas les compétences techniques pour répondre aux nouveaux besoins des clients, alors que les nouveaux projets sont repartis de plus belle. Mais pourquoi, les SSII ont-elles alors toujours autant de mal à former leurs salariés aux nouveaux besoins, alors qu’elles vendent très souvent au cours de leur recrutement leur volonté de formation permanente aux nouveaux embauchés ?

Quand les SSII cesseront elles ce chantage permanent à l’offshore, dont la menace est très difficilement vécue au quotidien par les salariés ? Comment le Syntec ose-t-il nous faire croire que la course à l’offshore va être accélérée par les augmentations de salaires ? Le Syntec n’a pas attendu la reprise pour faire à l’offshore et délocaliser massivement les projets informatiques dans les pays à bas coût. Cela fait des années et des années que les SSII tirent les coûts vers le bas au détriment non seulement de la qualité des services fournis mais aussi des conditions salariales.

Si le Syntec se préoccupait réellement des relations sociales dans l’informatique au lieu de se vivre uniquement comme un outil de lobbying économique, il saurait que la surenchère des salaires est attendue avec énervement par les salariés, qu’ils sont par ailleurs demandeurs de formations que leurs entreprises refusent très souvent sous divers prétextes afin de réduire les frais généraux, que l’offshore est vécu comme une menace induisant toutes sortes de risques psycho-sociaux, comme le stress, et de plus en plus souvent, le suicide au travail.

Nous refusons de nous laisser enfermer entre le choix du patronat qui ne voit l’immigration que du point de vue du profit capitaliste et les relents nationalistes du gouvernement.

L’immigration doit rester un choix correspondant à un projet de vie personnel, et non pas l’outil d’une stratégie patronale de pression sur les salaires et les conditions de travail en période de réamorçage de reprise. Nous rejetons ces discours qu’il viennent du patronat ou des nationalistes qui ne visent qu’à mettre en concurrence les salariés entre eux, alors que leurs intérêts les amènent à se battre contre un seul et même adversaire : le patron et les actionnaires. Aussi, nous préférons avoir une vision coopérative des rapports entre les salariés au travail.

Ce sont les patrons et les actionnaires qui ont déclaré la "guerre économique", et qui s’en attribuent les profits en regardant les salariés se mettre en concurrence dans un dumping social sans fin. Nous sommes les pacifistes et les déserteurs de cette guerre. Nous luttons contre ceux qui l’ont déclenchée et contre ceux qui l’attisent en nous dressant contre d’autres travailleurs. Nous n’accepterons jamais que les immigrés soient vus comme des boucs émissaires de cette situation, tout comme nous ferons tout pour qu’aucun salarié, quelque soit son origine ou son histoire personnelle ne tire les salaires vers le bas, en acceptant un salaire trop bas.

Alors, non, ce n’est pas à Guy Mamou Mani et ses sbires d’aller faire leur marché aux colonies, et nous n’attendons pas non plus de Claude Guéant qu’il empêche à des travailleurs compétents de venir chercher de meilleures conditions financières et sociales en France en essayant de nous faire croire qu’il cherche à préserver les emplois et les salaires des Français, alors qu’il n’est qu’une fois de plus dans la surenchère xénophobe à la remorque du Front National à la veille d’une campagne électorale qui sent déjà le rance, comme il en est déjà coutumier. Si Claude Guéant avait vraiment l’intention de défendre nos intérêts, il ne cautionnerait pas la politique destructrice d’emploi du gouvernement auquel il appartient (défiscalisation des heures supplémentaires, réduction des commandes publiques, immobilisme devant la répartition de plus en plus injuste des profits obtenus des gains de productivité, etc…)
C’est aux travailleurs eux même de choisir où ils veulent exercer leur métier. Et ça ne nous empêchera d’aller arracher à nos patrons les augmentations qui nous sont dues parce que nous savons parfaitement comment nos dirigeants d’entreprise savent capter pour jouer au Monopoly industriel et financier.