Lors de son dernier Congrès Confédéral, la CNT a décidé d’organiser du 28 avril 2007 au 1er mai 2007 des rencontres internationales intitulées I 07. Ces rencontres font suite aux rencontres précédentes à San Francisco en 1999 (I 99) et à Essen en Allemagne en 2002 (I 02).
A cette occasion nous attendons des délégations qui viendront des quatre coins du monde : Bangladesh, Cameroun,Etat espagnol, Suède, Pologne, Colombie, Allemagne, Côte d’ivoire, Palestine, Maroc, Argentine, Algérie, Burkina Faso, Portugal, Grèce, Guinée-Conakry, Irlande, Bénin, Grande Bretagne, Etats-Unis, Mexique,…
Ces rencontres seront l’occasion d’échanger nos expériences de lutte et voir, toutes et tous ensemble, comment construire les fondements d’une solidarité de classe au plan international.
L’internationalisme de la CNT prend ses racines dans la première Internationale antiautoritaire, l’Association internationale des travailleurs (AIT), reconstituée en 1922 à Berlin. Depuis plus de dix ans, la politique internationaliste de notre confédération se veut multilatérale et surtout (enfin) détaché d’un schéma idéologique pensé pour et par les Occidentaux.
L’INTERNATIONALISME UN COMBAT QUOTIDIEN A LA CNT
L’internationalisme de la CNT a trouvé une étonnante vigueur dans une période où l’inéluctable victoire du capitalisme semblait acquise. Paradoxalement, c’est alors que les ruines du Mur de Berlin n’étaient pas encore en vente dans les boutiques proche du Checkpoint Charlie et alors que les chiens de garde du capital proclamaient la fin de l’histoire que la CNT va développer un internationalisme autre et surtout éloigné du dogmatisme.
Impossible de ne pas commencer ce rapide parcourt de l’internationalisme cénétiste par l’extraordinaire nouvelle qui a ébranlé le monde militant le 1er janvier 1994 où une armée sortie des montagnes du Sud-Est mexicain, L’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN), souhaitait au capitalisme triomphant une bonne année à sa manière… Si les revendications divergent d’un point à l’autre de la planète, la masse majoritaire des exploités se retrouva dans une bonne partie des moyens et des désirs de nos camarades zapatistes. La CNT impulsa d’emblée une active solidarité aux côtés et dans le Comité de solidarité des peuples du Chiapas en lutte. D’ailleurs, comment ne pas souligner que lors de la dernière grande manifestation du mouvement de grève de l’hiver 1995 pour défendre le système des retraites, la CNT défila derrière une banderole rouge et noire frappée d’un slogan de l’EZLN : « Rien pour nous, tout pour tous ! » Et l’époque n’était pas à une certaine « mode » zapatiste…
L’année 1997 est également importante et fondatrice d’un internationalisme tourné vers une solidarité active. Solidaires avec les dockers de Liverpool frappés par une violente répression patronale. Solidaires avec les 3 000 ouvriers de l’usine belge de Renault Vilvoorde sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. La solidarité avec Vilvoorde s’exprima par un travail de coordination entre nos camarades belges et espagnoles de la CGT-E. Mais alors que les syndicats réformistes défilaient à nos côtés, ils négociaient déjà le rapatriement de la production de Vilvoorde dans les sites d’Espagne et de France…
Quelques semaines plus tard, la CNT lançait une campagne en faveur du puissant mouvement social qui balayait la Corée du Sud. Enfin, 1997 toujours, voit la première grande marche européenne conte le chômage à Amsterdam. Cinquante mille personnes lors d’une manifestation bien « chaude » dénoncent l’Europe telle qu’elle se construit. Le tract de la CNT appelle à une « Europe sociale » bien avant certains discours de gauche lors d’un référendum dix ans plus tard… À cette époque, les grandes centrales réformistes n’appelaient pas à ces manifestations et de voir un cortège qui réunissait derrière les bannières rouge et noire (avec encore un slogan zapatiste) des travailleur-ses espagnols, anglais, bosniaques, italiens, suédois ou encore belges fut pour la CNT la (modeste) concrétisation de notre conception d’une Europe des travailleurs et de celles et ceux exclus du monde du travail.
Altermondialiste avant l’heure ? Non, internationaliste… La mobilisation d’Amsterdam sera à l’origine du joyeux mouvement des chômeurs français de l’hivers 1997. Et, deux ans plus tard, à Cologne, un autre grand cortège rouge et noir défilera à nouveau contre le chômage et la guerre. Manifestation enrichie d’un corpus de revendications à l’échelle de l’Europe telle que, entre autres, l’idée d’un salaire minimum basé sur le plus haut salaire minimum européen.
Sans pousser trop cette liste, citons aussi l’engagement de la CNT en faveur de la libération de Mumia Abu-Jamal et Leonard Peltier, toujours dans les geôles US.
La CNT, en mai 2000, décida d’organiser un grand rassemblement internationaliste pour le premier 1er mai du XXIe siècle, manifestation appelée « Pour un autre futur ». Des centaines de délégués étrangers et français, des concerts, des débats, une grande manifestation…
Plus récemment, notre solidarité internationaliste, encore et toujours, se retrouve dans notre action quotidienne de soutien aux grèves. Et les exemples de nous montrer solidaires sont nombreux. Que ce soient nos actions de solidarité envers nos camarades suédois de la SAC en novembre dernier, la grève des Starbucks cafés à New York menée par les IWW, la grève générale au Burkina Faso en septembre 2007, ou encore celle des étudiant-es grecs en lutte contre la privatisation de l’Université.
Conscients qu’il n’existe pas de "sauveur suprême" et que nous n’avons rien à attendre des « politiques » qui, malgré leurs promesses, ne résoudront jamais nos problèmes. Nous savons que l’alternative ne réside que dans la résistance des peuples et à leur capacité à s’auto organiser.
« L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » était la devise de la Première internationale, elle reste à nos yeux plus que jamais d’actualité.
RESISTER POUR LA DIGNITE ET L ESPOIR !
La tâche est difficile. Nous le savons. Le capitalisme est armé et n’hésite pas à réprimer, bâillonner, assassiner, quand celles et ceux qui le contestent le dérangent. Face à tel système, notre seule arme reste et restera notre solidarité active. A nous, donc, de réaffirmer que l’espoir existe et qu’il réside dans le fait de ne jamais, malgré les coups, baisser la tête.
Nos camarades colombiens le savent. L’Etat colombien et ses alliés (impérialisme américain et paramilitaires) tentent depuis de nombreuses années de réduire au silence cet espoir. Malgré la répression, les menaces de mort, la torture, les assassinats (dont celui de notre camarade Nicolas NEIRA, jeune libertaire de 15 ans le 1er mai 2005), la résistance s’organise, entres autres autour du Centre d’Etudes Libertaires de Bogota ou du syndicat de lutte SINALTRAINAL.
En Palestine, malgré les coups de l’Etat sioniste, la misère, la répression, les brimades et ce Mur de la Honte qui met en cage un peuple entier, syndicalistes et femmes en lutte rappellent que, là bas aussi, l’espoir demeure.
En Guinée-Conakry, la grève générale, longue d’un mois menée par l’intersyndicale CNTG et l’USTG contre la sanglante dictature de Lansana CONTE, en dépit des morts et de la répression, a été victorieuse.
Au Bangladesh, le syndicat des Sans Terres (BKF) réquisitionne des terres pour accueillir des centaines de milliers de familles affamées et désarmés face à l’arbitraire des Grands propriétaires terriens et leurs milices.
En Irak, les ouvriers du pétrole en lutte (août 2006), des organisations de chômeurs et des Collectifs de femmes prouvent qu’il existe, là bas aussi, une résistance progressiste qui combat la violence et l’arbitraire de l’occupation américaine.
Chez nous, aussi, l’espoir demeure : les ouvriers de PSA Aulnay luttent aujourd’hui pour le respect de la dignité ouvrière et contre le mépris d’un patronat de combat. Le mouvement anti-CPE, au printemps dernier, comme la lutte des Sans papiers ou celle de la section CNT à interiror’s, enfin, le prouvent : en France, comme ailleurs, la lutte continue.
I 07 OU LA REAFFIRMATION D’UN SYNDICALISME DE COMBAT
Si l’espoir demeure, il se doit de faire, cependant, attention aux écueils de la facilité et des faux espoirs. Faux espoirs "politiques" tout d’abord, mais aussi au sein du camp même du syndicalisme. Car aujourd’hui, plus que jamais, il existe deux syndicalismes.
Le syndicalisme institutionnel, qui n’est finalement qu’un rouage de plus du système capitaliste, en vue de contrôler et domestiquer les travailleur-ses. C’est contre ce type de syndicalisme, celui personnifié par la nouvelle internationale réformiste la CSI, que nous inscrivons notre combat.
I 07 sera, donc, l’occasion de promouvoir un autre type de syndicalisme : un syndicalisme antibureaucratique, anticapitaliste et donc révolutionnaire.
Car le système capitaliste ne s’aménage pas, il ne se réforme pas. L’illusion d’un système capitaliste à visage humain est, lui aussi, une lourde erreur d’appréciation qui mine le mouvement alter mondialiste. Pour nous, ce système fait de misère, d’exclusion et de guerre se combat. Il se combat pour qu’un jour nous puissions dire oui.
Oui, un autre société est possible.
Oui, et nos compagnons de l’Espagne rouge et noire de 1936 nous le rappellent, c’est en le détruisant que nous serons libres.
I 07 ne sera qu’une étape afin d’échanger, nous coordonner et construire ensemble.
La route est encore longue. Mais comme le disait Buenaventura Durruti : "nous portons en nous un monde nouveau". Et cela, ni aucun Etat, ni aucun patron, ni aucun semeur de faux espoirs, ni aucun coup porté contre nous, ne nous l’enlèvera. Notre rage, notre détermination, notre sentiment d’appartenir à une seule et même classe, sont nos armes. Et l’avenir appartient à ceux qui luttent…