Les mesures d’austérité se préparent partout où elles ne sont pas déjà entrées en vigueur et, c’est annoncé, les peuples paieront bien qu’ils ne soient pas responsables de la création de dettes, creusées en grandes parties par les exonérations sociales.
Il est instructif de se pencher sur le pourquoi du comment de l’apparition de ces dettes. Comment les systèmes de solidarité (santé, retraite), accusés aujourd’hui de plomber les déficits hexagonaux, sont-ils devenus déficitaires ? L’ont-ils toujours été, ce qui rendrait alors ces déficits comme liés structurellement à l’idée même de solidarité ?
En France les régimes sociaux sont globalement équilibrés jusqu’au début
des années 90. Ainsi en 1991, le trou de la sécu est de moins d’un pour
cent du montant total des recettes. Bref, les financements couvrent les
dépenses. Seulement une invention datant de ces années-là est venue
bousculer la donne : les exonérations fiscales et notamment les
exonérations patronales sur les financements sociaux.
Ces allègements
d’impôts, faits au patronat apparaissent en 1991, et, oh surprise,
correspondent avec l’apparition progressive des déficits des financements
des prestations sociales. Ainsi pour l’année 2010, si le trou cumulé de la
Sécu et du régime général des retraites était de 23,7 milliards, les
simples exonérations de cotisations sociales s’élevaient à 34 milliards
d’euros. Des chiffres facilement vérifiables dans les rapports de la Cour
des comptes et de la Sécu elle-même !
D’ailleurs, la pas très syndicale Cour des comptes dénonce chaque année un
système « incontrôlé » et « peu efficace », bénéficiant surtout à des
« secteurs peu soumis au risque de délocalisations ». En réalité, si on ne
s’en tenait qu’à une simple application des systèmes fiscaux prévus, on
pourrait garantir à chacun le droit à se soigner et à vieillir dignement.
Mais pour les détenteurs des capitaux, la tentation est trop belle pour
laisser passer le prétexte de la crise afin de liquider des acquis
sociaux, permettant, au passage, à des prestataires privés de se remplir
une nouvelle fois les poches.
Mais c’est vrai que la crise ne peut pas se réduire au simple cas de la
France, que la problématique de la dette est européenne, voire mondiale et
que raisonner sur le simple petit nombril hexagonal est ridicule. C’est
vrai. C’est ainsi que si on s’intéresse aux autres pays mis en cause dans
cette « crise », on découvre par exemple à travers une dépêche du 24
février 2010 que la, pas très gauchiste, Cour Européenne avait saisi la
justice contre la Grèce pour n’avoir pas récupéré des aides d’État
accordées illégalement à des centaines d’entreprises sous la forme
d’exonérations fiscales, le petit pactole représentant au passage quelques
milliards d’euros. L’Italie, de son côté, a vu ses déficits s’accélérer
avec l’apparition, là aussi des diminutions des parts patronales finançant
les taxes sociales.
A contrario on découvre qu’en Allemagne ces exonérations sont quasi
inexistantes, elles touchent seulement des parts salariales sur des
revenus faibles et sont compensées par une hausse des charges patronales.
Là encore, ironie du sort, c’est la Sécurité Sociale qui nous fournit tous
ces éléments.
Bref, au-delà de schémas simplistes, il est indéniable que les
exonérations sociales sont une des causes principales des déficits
actuels. De plus cette part de « salaire socialisé », destiné à la
protection des travailleurs, se retrouve par ces mécanismes subtilisée au
bénéfice des capitalistes. C’est d’ailleurs par ce système que le poids
des salaires dans le PIB a constamment diminué depuis 20 ans pour se
transférer sur les profits financiers.
Alors aujourd’hui cette crise ne doit pas déboucher sur une liquidation
d’acquis sociaux, mais au contraire, elle doit être le moment pour
remettre en place des financements adéquats permettant à chacun de vire
dignement. Ceci ne pourra que se faire à travers la mobilisation des
salariés et de toute la population, ce pourquoi l’arme syndicale reste le
meilleur levier. A nous de la faire vivre !