Primaire
Darcos, encore une couche
Qu’on ne s’y trompe pas, le samedi libéré cache mal une année qui désorganise profondément notre rôle. Repérer, évaluer, diagnostiquer, classer, répertorier, sélectionner...et ficher, voilà désormais le cœur de notre travail. Or, l’école ne se résume pas à enregistrer les performances des élèves en français ou en mathématiques. Raisonner, critiquer, penser, coopérer, s’exprimer, rêver, sont les actions éducatives fondatrices pour accéder à l’autonomie du jugement et de la pensée et à l’épanouissement.
Soutien scolaire...
Les processus d’apprentissages ne relèvent pas d’une action « rationnelle ». Ce n’est pas en mangeant plus de maths, plus de français, en petits groupes, comme des petits enfants à qui l’on donnerait la becquée avec un amour et une attention toute maternelle, que l’échec scolaire va reculer. Sauf à se donner bonne conscience... Au contraire, c’est assigner chacun à sa place : « les bons, les sans problèmes, les en difficultés, les désespérants ». Tout cela consigné dans des fichiers qui devront remonter dans les inspections. On nous demande de tracer les parcours scolaires... Nous ne pouvons l’accepter. Apprendre est une prise de décision personnelle et volontaire. Un acte d’émancipation collectif. Pour cela, nous devons penser collectivement notre travail. Nous revendiquons 24h avec les élèves et 3h de concertation.
Suppressions de postes et disparition des Réseaux d’Aide
Le travail avec les collègues des réseaux, dont nous n’avons pas épuisé les possibilités qu’il nous offre, est une manière de nous sortir de notre isolement dans les classes... une reconnaissance explicite qu’un travail d’équipe est nécessaire. L’an prochain, si personne ne s’y oppose, nos collègues maîtres E et G seront réaffectés sur des postes classiques. 3000 postes du RASED seront ainsi supprimés. Les Réseaux d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficultés doivent être maintenus, développés...
L’addition s’alourdit, ce seront 6000 postes qui disparaitrons dans le primaire et 7500 dans le secondaire.
Evaluations... nouvelles inspections... et nouveaux chefs !
Rares sont les niveaux qui échappent maintenant aux évaluations locales, départementales, nationales... Elles serviront à n’en pas douter aux nouvelles inspections, du style : « Vos élèves ont-ils atteint les objectifs fixés ? ». Il serait peut-être enfin temps de les boycotter !
Darcos envisage, pour la rentrée 2009, de créer des EPEP (Etablissements Publics de l’Enseignement Primaire). Ces établissements regrouperaient plusieurs écoles, seraient gérés par un Conseil d’administration où les enseignants seraient minoritaires et les élus municipaux bien représentés. Pire, ces EPEP seraient présidés par un chef d’établissement. L’école a-t-elle besoin d’un nouveau petit chef ?
Entrave au droit de réunion et droit de grève
En instituant, pour l’école primaire, un « service minimum d’accueil » les jours de grève (Bulletin Officiel du 21 aout 2008), Darcos voudrait bien en finir avec les journées d’actions et surtout les grèves reconductibles.
Conscient que ce service minimum posera quelques problèmes d’organisations pour les mairies chargées de sa mise en place et soucieux d’éradiquer la moindre initiative des personnels de l’éducation, le ministre vient de rappeler dans un courrier adressé aux recteurs que les heures d’informations syndicales, octroyées de droit aux fonctionnaires ( une heure mensuelle), devront se dérouler hors du temps de service. Jamais trop prudent !
L’application de réformes passéistes, sa politique comptable (réduire le nombre de fonctionnaires) rend Monsieur Darcos inquiet quant aux réactions à venir des travailleurs de l’éducation. Le message est clair : il s’agit de limiter le droit de réunion et le droit de grève. Retour aux fondamentaux du patronat ?..
C’est surtout un important retour en arrière. Aujourd’hui Darcos limite le droit de grève dans le primaire pour mieux le faire demain dans toute l’Education Nationale et ensuite dans ce qu’il restera de la fonction publique.
Secondaire
Les dernières mesures allient, souvent grossièrement, conception réactionnaire de l’enseignement et attaque en règle du statut d’enseignant.
Suppression de la carte scolaire
Au collège, la suppression de la carte scolaire a pour effet un renforcement de la non mixité sociale et de la ghettoïsation des établissements situés dans les quartiers populaires. Un exemple : au collège Louise Michel de Clichy-sous-Bois (Seine St Denis), 41 dossiers de dérogations ont été déposés pour contourner l’entrée en Sixième, 40 ont été acceptés par l’Inspection d’Académie. Résultats des courses : suppression de classes, disparition de l’option bilangue (2 demandes contre 16 l’année précédente) et une concentration encore plus forte d’élèves en très grande difficulté dans les classes.
Suppression de postes et dégradations des enseignements
Avec les suppressions de postes massives, on ne compte plus les établissements dans lesquels les plafonds sont atteints, ce qui engendre des conditions d’étude et des gestions de classe (en terme d’espace, de matériel et d’aide au travail) toujours plus délicates. Dans le collège déjà cité, classé ZEP et EP1, la hiérarchie est même allée jusqu’à oublier ( !) qu’une famille avait demandé le redoublement de sa fille en 5e, pour ne pas avoir à atteindre le cap des 24 élèves sur ce niveau, et franchir ce fameux seuil qui prévoit la création d’une classe supplémentaire.
Dans ces conditions, les Etudes Dirigées et les interventions d’Assitants-es Pédagogiques sont de bien frêles palliatifs qui servent plus à remettre en cause le statut des personnels (horaires, missions, conditions d’exercice) qu’à aider efficacement les élèves.
Autre conséquence des suppressions de postes : l’augmentation considérable des "compléments de services". Des collègues qui jonglent chaque jour entre plusieurs établissements. Résultat, il devient impossible de réunir les enseignants pour discuter des élèves ou du travail. La disponibilité et l’investissement des collègues est difficile. Chaque professeur travaille de plus en plus seul et isolé !
La note de vie scolaire n’est ni plus ni moins qu’une note de comportement. Les programmes du socle commun offrent une vision passéiste de l’éducation à l’exemple de l’enseignement de l’Histoire par l’étude « des grands hommes »
Pour les lycées pro, le passage du Bac pro en 3 ans (au lieu de 4) permettra de réaliser encore de substantielles économies.
Quant aux heures supplémentaires accordées en contre partie des postes supprimés, c’est la politique de la carotte financière pour détourner d’éventuelles résistances. Ce système d’HSA en masse a installé dans les établissements des disparités importantes : salaire, temps de travail, privilèges divers. Les heures supplémentaires sont distribuées sans aucune transparence, négociées voire même imposées par chantage par les chefs d’établissement. Toutes ces pratiques ne font que renforcer des valeurs individualistes, opportunistes et clientélistes , aux antipodes de ce que devrait être une communauté éducative : unie, solidaire et collective.
La réforme des lycées avec une mise en application de la nouvelle classe de seconde est prévue pour la rentrée 2009. Les recteurs ne s’en cachent pas, cette réforme a été préparée dans un contexte budgétaire précis ! C’est sans nul doute la fin programmée du baccalauréat en tant que diplôme national et anonyme, la remise en cause des statuts des enseignants et des missions statutaires de l’ensemble de l’équipe éducative, une redéfinition de tous les enseignements...
Gestion comptable des collèges et lycées
La gestion des établissements soumise désormais à la contractualisation, n’est qu’une gestion financière et comptable qu’il convient de rendre la plus efficace possible. Les élèves et leurs apprentissages ne sont ni au centre des préoccupations ministérielles, ni au cœur des nombreuses réformes qui nous arrivent chaque semaine. La pédagogie est devenue un gros mot qu’il ne faut prononcer aujourd’hui qu’entre gens « nostalgiques » d’une école d’un autre temps.
La lutte ou l’agonie
L’école de l’Etat, inégalitaire, autoritaire et sélective ne nous a jamais satisfait... Néanmoins, le démantèlement du système éducatif a pris aujourd’hui un rythme jamais atteint et renforce cette école du tri social. De la maternelle à l’université, les offensives gouvernementales se multiplient. Cela rend plus urgente la mobilisation de toutes celles et ceux qui, refusant l’individualisme et la compétition, construisent des pratiques coopératives et d’émancipation.
Mardi 7 octobre, serait-il indécent d’être en grève ?
Et d’envisager nous aussi d’en remettre une couche, reconductible !