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Le projet de décret sur les EPEP : fin des conseils des maîtres, écoles sous contrôle

mercredi 27 octobre 2010, par Greg

Depuis plus de deux ans des bruits circulent sur une réorganisation des écoles primaires, qui remplacerait le système actuel par les EPEP (établissements publics d’enseignement primaire).
Parfois imminente, parfois remisée pour laisser la priorité aux autres attaques que subit l’Éducation nationale en particulier et les travailleurs en général, en quoi consistera cette réforme annoncée ?

Le projet de loi EPEP veut transformer les écoles en établissements soumis à un conseil d’administration où représentants de la commune et parents seront majoritaires, les enseignants ne représentant plus que le tiers des votants. Le projet, s’il est appliqué, provoquera le regroupement d’écoles au sein des EPEP. Ces structures pourront embaucher, dans un premier temps des vacataires (pour un remplacement…) ou des AVS à 500 euros par mois, puis directement les enseignants. Elles permettront la mise en concurrence des écoles où nous travaillerons quotidiennement sous l’autorité hiérarchique d’un « super directeur » (rappelons qu’actuellement, les directeurs d’école ne sont pas des supérieurs hiérarchiques mais des collègues chargés des fonctions de direction, malgré les ambiguïtés de certains qui abusent déjà de leur situation d’autorité de fait). Les projets pédagogiques, la manière de prendre en charge la difficulté scolaire, pourront être déterminés en fonction de la couleur politique de la municipalité, des budgets alloués par la commune à l’éducation. Les résultats aux évaluations nationales pourront être utilisés pour imposer des choix pédagogiques aux enseignants, pour décider des moyens attribués à chaque école, voire pour choisir les enseignants lorsque ceux-ci seront embauchés par le conseil d’administration des EPEP. Exit le conseil des maîtres et, avec lui, l’idée d’une école gérée collectivement par l’équipe pédagogique ; le conseil d’administration de l’établissement dominerait tout ça et se prononcerait sur « les résultats des élèves et l’efficience des dispositifs d’accompagnement ».

Sous couvert d’une refonte de la direction d’école, c’est une véritable réforme de l’enseignement primaire que le ministère entend imposer.
Ce bouleversement est en fait préparé de longue date. Depuis des années, une crise du recrutement des directeurs perdure. Les conflits sont récurrents avec l’administration de l’Éducation nationale. Les tâches et les responsabilités liées à la fonction de direction s’alourdissent. Par ailleurs, l’administration de l’Éducation nationale voit, là, l’occasion de récupérer les milliers d’heures de décharge des directeurs actuels et de gagner des postes sans embaucher : les directeurs déchargés qui ne seraient pas retenus comme « super directeurs » seront réaffectés dans les classes.

Les prérogatives du conseil des maîtres ne doivent pas être remises en question car le fonctionnement autogestionnaire des écoles primaires n’est pas une erreur ou une anomalie qui aurait échappé aux dirigeants ! Cela a une explication historique : après la guerre de 39-45, l’école de Jules Ferry, véritable entreprise d’obéissance, a été sérieusement mise en cause dans l’application aveugle de mesures administratives meurtrières. La formation de l’esprit critique, qui s’est traduit dans les écoles par la liberté pédagogique, le libre arbitre des enseignants et l’absence de hiérarchie directe, sont les héritages de cette société d’après-guerre, qui voulait en finir durablement avec la barbarie.
Aujourd’hui, le projet des EPEP n’est pas une fanfaronnade, parce qu’il renoue avec une vision autoritaire de l’éducation et un projet de société tourné tout entier vers l’obéissance et l’économie. ■

CNT STE 75 pour le CAH

Voir aussi le dossier sur le site de la CNT éducation