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CDI : Débattre au débotté

vendredi 26 mars 2010, par Greg

Début de l’année scolaire, devant des rayonnages,
des élèves découvrent le CDI. Des ricanements
étouffés qui se prolongent, un peu d’agitation
mais suffisamment discrète pour que le documentaliste n’intervienne pas trop vite... Puis des
rires, des appels plus appuyés et du remue-ménage. J’interviens ! Les sixièmes s’affolent un peu
car ils sont devant le fameux rayon « corps
humain - sexualité - médecine » et bien sûr c’est
très grave d’y feuilleter des livres... Les livres sont
cachés à toute vitesse et n’importe comment
dans les rayons alentours... Petit jeux des « c’est
pas moi ! » (en cas de sanction, il faut vite se
dédouaner), « c’est des livres cochons » (genre, je
suis là par hasard et je suis scandalisé par l’attitude des autres) et ... cette fois-ci, je ne vais pas
faire le prof chiant qui explique une nouvelle fois
les règles de vie au CDI, j’arrive dans la travée et
les rassure : « Pas de problème, c’est moi qui ai
choisi et acheté ces livres pour les élèves, vous
avez le droit de les lire et de les regarder ; et puis,
vous savez, nous avons tous été conçus de la
même façon, ce n’est pas cochon ».
Et un débat spontané démarre. Pèle-mêle, les
arguments fusent mais émerge surtout le problème des parents qui n’accepteraient pas ce genre
de livres à la maison. J’explique qu’on n’est pas
obligé de les emprunter pour les lire, on peut
s’installer tranquillement : il y en a plein au CDI
pour tous les âges et pour toutes les demandes,
du bouquin un peu bébé au Guide de la contraception en passant par le manuel d’éducation à la
sexualité et aux ouvrages plus psy destinés aux
ados... Nous discutons et les filles disent très vite que la sexualité et l’amour, ce n’est pas sale mais
une ou deux élèves originaires d’Afrique noire et
du Maghreb sont un peu en retrait et je leur dis
qu’il n’y a pas de problème, que chaque famille a
sa manière de voir mais qu’au CDI, elles sont libres de consulter tous les ouvrages sans avoir
besoin de se cacher.

Ainsi au hasard des récréations et des découvertes, des petits débats se nouent et des questions
émergent comme avec les petits livres de la série
Ainsi va la vie (éd. Caligram), dont les personnages récurrents, Max, Lili et leurs amis, sont
confrontés aux petites et grandes difficultés de la
vie : le divorce, la télé, le vol, la peur, la maltraitance, la gourmandise, ...

Avec d’autres élèves, ce
sont souvent les livres proposés au « Concours lecture » qui permettent de discuter tranquillement
et librement du 17 octobre 1961 et de la guerre
d’Algérie avec Les yeux de Moktar (Michel Le
Bourhis, Syros, 2003) ou par exemple sur l’art, le
chômage, l’amitié avec l’album Une histoire à
quatre voix
(Anthony Browne, éd. kaléidoscope,
1998).

Et le CDI n’est plus seulement une bibliothèque
et un lieu d’apprentissage de la recherche documentaire, mais devient un espace qui rend possible la parole, un lieu riche d’échanges entre
pairs ou avec un adulte : y en a-t-il tellement
dans la semaine de certains collégiens qui ne
fréquentent ni mouvement de jeunesse, ni lieux
de socialisation, de collégiens qui voient peu
leurs parents et qui se retrouvent souvent en
tête à tête avec la télé ?

François Spinner, documentaliste