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C’est nous qui TRAVAILLONS, C’EST NOUS QUI DECIDONS !

(articles parus dans le : PDGn°4)

 » LE TRAVAIL C’EST LA SANTÉ «  ( Vieil adage )

Un mot n’est jamais neutre. Il transporte avec lui l’histoire des générations qui l’ont forgé et même si on n’en a plus clairement conscience, cette histoire est toujours là. Ainsi le mot « travail », issu comme l’espagnol « trabajo » du nom d’un instrument de torture, le « trepalium ». Ain­si ses équivalents ger­maniques (Arbeit, arbejde …) ou slaves (robota), dont la racine exprime l’idée de misère, de malheur.

Comment dans ces condi­tions ne pas se poser la question : Si le « travail » est ressenti – même inconsciem­ment – comme quelque-chose de désa­gréable, à qui profitent ces sentences mo­rales qui le décrivent comme naturel, sain, épa­nouissant et ont envahi notre paysage men­tal à tel point que nous ne les remet­tons jamais en cause ? À qui, sinon aux puissants qui ont tout inté­rêt à pré­senter l’ordre éta­bli comme im­muable, avec d’un côté ceux qui triment et de l’autre ceux qui jouissent?

Au fond nous le sentons bien : Nous ne sommes pas « faits pour travailler ». Les re­présentations du paradis dans tous les mythes le montrent bien. Ce n’est pas dans le tra­vail que nous nous épanouis­sons, mais dans l’invention, la création, le rêve, les relations humaines, la solidarité. Le « travail » n’a jamais été sain : Il use, il désespère, il tue.

Le « travail », aussi bien pour les serfs du Moyen-Âge que pour les esclaves des colo­nies, pour le mineur du XIXe siècle ou pour la caissière d’aujourd’hui, c’est une souf­france qui apporte infiniment plus d’humiliations que de sa­tisfactions et gonfle les poches des seigneurs/sai­gneurs anciens ou modernes. Car ce que nous appelons « travail », c’est presque tou­jours l’appropriation de nos forces physiques, intellec­tuelles et mentales par un autre, plus puissant.

À ceux qui objecteront qu’on peut aimer son travail, on a envie de demander des exemples. Dans notre monde où l’intérêt collectif a cédé la place à la « création de ri­chesse », où le productivisme triomphant et le scientisme béat conduisent à défendre l’indéfendable, où les métiers sont devenus des emplois, où les services pu­blics n’ont plus de « ser­vice » et de « public » que le nom, il reste bien peu de place pour ce fameux amour du travail bien fait, pour cette fameuse fierté née de l’utilité sociale du travail.

Quand plus aucun syndi­cat ne défendra les usines d’armement, l’industrie au­tomobile, le nucléaire, l’a­griculture intensive et la mise en coupe réglée de la planète au nom de la crois­sance et de l’emploi, quand l’heure de la sobriété heu­reuse et de l’autogestion sera venue,  il y a fort à pa­rier qu’on ne parlera plus de « travail » pour désigner les tâches nécessaires au fonctionnement social, car ces tâches seront librement consenties et porteuses d’une légitime fierté.

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Casseurs ou sauveurs ?

Le travail pour quoi faire ? Pour gagner  sa vie, certes ! Mais pas à n’importe quel prix, pas dans n’importe quelles conditions de travail, pas au prix d’une remise en question de la qualité de vie, pas pour engraisser quelques financiers cherchant à multi­plier leurs profits sur le dos des prolétaires ! Pas n’importe comment !

L’Histoire du travail fourmille d’exemples d’hommes et de femmes qui se sont soulevés plus ou moins violemment contre cette situation. Ainsi  l’­historiographie moderne a mis en relief récemment, dans la droite ligne des travaux d’Howard Zinn (R.I.P.) et de son « Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours » le rôle des « briseurs de machines ».  Ce mouve­ment né en Grande-Bretagne au début de la Révolution industrielle est mené par Ned Ludd chef de bande (le terme ici n’a rien de péjoratif, bien au contraire) d’un groupe d’ouvriers prenant d’assaut les filatures qui poussent un peu partout dans le nord de l’Angleterre au début du XIX° siècle . Il s’agit de casser les métiers à tisser mus par la ma­chine à vapeur. Sabotage et vandalisme sont les deux mots qui reviennent le plus souvent dans la bouche des res­ponsables économiques et politiques de l’époque ainsi que dans les lignes des historiens traditionnels jusqu’à une période récente. La contesta­tion des « luddites » est fort compréhensible : détruire des machines qui mettent au chômage des milliers de pe­tites mains, déjà largement exploitées, qui se retrou­vaient à cause de cette inno­vation technique, la ma­chine à vapeur, sans un complé­ment de revenu. En effet beaucoup de familles de pay­sans ou d’artisans possé­daient un métier à tisser qui leur permettait d’arrondir les fins de mois.

Si on déplace légèrement le point de vue, on s’aperçoit qu’il s’agit ici d’une contesta­tion sociale. C’est une réac­tion désespérée à une agres­sion patronale. N’est-ce pas une forme d’exercice du pou­voir que d’imposer la mécani­sation ou l’automatisation d’outils de travail, qui plus est sans aucune concertation avec les ouvriers ? Introduire une nouvelle machine est avant tout un choix politique entraînant la perdition d’un groupe humain au détriment d’un autre. Toutes les nou­velles inventions technolo­giques provoquent une re­mise en question des situa­tions préexistantes. Là encore une fois il s’agit de changer légèrement l’angle de vue afin de bien comprendre que le progrès technique n’est pas neutre et surtout n’est pas forcément favorable aux sala­riés. L’industrialisation de l’Europe de l’ouest a ainsi prolétarisé plusieurs millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

Aujourd’hui, l’informatique et l’électronique d’une manière plus générale sont au service du patronat, ne serait-ce que par les possibilités de traçabilité, de flicage très pointues qu’offrent ces outils. Il faut donc que tout tra­vailleur, quelque soit son emploi, se ré­approprie le temps et l’espace du travail. Nous devons contester les orientations prises par les « décideurs ». Certains sociologues du travail ont rele­vé des pratiques individuelles de contestation. Beaucoup de micro-résistances existent : res­quilles, débines, fraudes, échap­pées sur le temps de travail, larcins mais aussi refus des pro­motions ou de la hiérarchie. Les actions sont nombreuses et va­riées. Il s’agit de refuser d’une manière indirecte, discrète voire un peu putassière toutes les nouvelles formes d’oppression inventées par les « déherhaches » : pauses  limi­tées ou imposées, cadences augmentées, outillages non sécurisés, travail de nuit ou 3/8 généralisés, déresponsabilisa­tion  des travailleurs, réglemen­tation infantilisante, stagnation des salaires, refus de l’auto­gestion…

« Le sabotage [historique ou actuel] est une arme adéquate dans la guerre de classes larvée et inégale ». Cette citation est extraite d’un dossier « pied de nez à l’usine » de la revue Z (re­vue itinérante de critique so­ciale n°3).

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C’est nous qui TRAVAILLONS, C’EST NOUS QUI DECIDONS !

Le slogan : « De l’autogestion des luttes à l’autogestion so­ciale » résume à la fois notre pratique syndicale et notre projet de société. L’auto­gestion est un système social dans lequel les décisions sont prises collectivement, les rap­ports de domination sont défi­nitivement abolis, l’égalité éco­nomique est la pierre angulaire de cette nouvelle organisation basée sur la démocratie directe de l’atelier à la commune.

Pour que le travailleur puisse s’informer, se responsabiliser et être acteur dans les prises de décisions, la fonction so­ciale du travail et le temps qui lui est consacré sont totale­ment transformés. En détrui­sant le système capitaliste la société future aura à charge de repenser la finalité du travail, de mettre un terme à l’obso­lescence programmée des objets de consommation courante et de stopper ce pro­ductivisme suicidaire qui nous conduit actuellement au dé­sastre.

Il y a une incompatibilité formelle entre le Pouvoir éta­tique et le fédéralisme auto­gestionnaire. Nous constatons historiquement un consensus au sein de la classe politique pour condamner ou entraver toute expérience d’auto or­ganisation de la classe ou­vrière. Il est vrai qu’une société autogérée sur les bases d’un fédéralisme libertaire sonne le glas pour tout politicien aspi­rant au Pouvoir. C’est en quelque sorte son fonds de commerce qui se trouve en perdition.

Dans l’histoire du mouvement ouvrier on note une tendance constante à l’auto organisa­tion : la commune de Paris en 1871, le mouvement des Soviets dans la Russie de 1917, les conseils italiens en 1920, les collectivités agricoles dans l’Espagne républicaine de 1936.

C’est incontestablement dans l’Espagne révolutionnaire que fut réalisée la plus grande expérience autogestionnaire de tous les temps. Cette réali­sation constructive menée par les anarcho-syndicalistes de la CNT espagnole est pratique­ment occultée dans l’Histoire officielle.

Pour conclure nous pouvons affirmer que tout changement profond dans la nature du tra­vail ne pourra se réaliser sans un bouleversement radical dans notre façon de vivre. Construire aujourd’hui un pro­cessus révolutionnaire est le seul moyen d’aboutir demain à une société plus juste. Nous devons nous doter pour cela d’une organisation syndicale à la hauteur de nos exigences.

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