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Chronique radio lecture La grève enseignante en quête d’efficacité ?

vendredi 15 mars 2013, par Greg

La chronique radio "lectures d’école" de l’émission de la CNT éducation région parisienne sur Radio Libertaire (89,4) du mardi 12 mars 2013 par G. Chambat.

La chronique à télécharger au format MP3

Le texte de la chronique

Bonsoir à tous et à toutes,

C’est à la question de la grève enseignante – son histoire, ses spécificités et ses enjeux – que l’institut de recherche de la FSU a consacré, en octobre dernier, un colloque.
Les éditions Syllepse en publie aujourd’hui une synthèse, sous le titre « La grève enseignante en quête d’efficacité ».
Cette interrogation et cette réflexion ne peuvent que susciter notre curiosité : ritualisée, caricaturée, calomniée ou encensée, la grève dans l’éducation nourrit nombre de fantasmes.
Recueil de plus d’une vingtaine de contributions très brèves, ce petit ouvrage de 180 pages ne prétend ni à l’exhaustivité ni à l’uniformité mais il se laisse aborder à travers plusieurs niveaux de lecture.

C’est d’abord un outil de compréhension et d’analyse de la grève enseignante. De son histoire, à travers quelques épisodes parfois oubliés et d’autres, toujours omniprésents dans l’imaginaire militant (décembre 95, 2003 et 2010). Ce retour sur les expériences grévistes du passé n’est pas sans apporter quelques surprises : le syndicalisme révolutionnaire enseignant se construit initialement en tournant le dos à la grève scolaire. L’un des premiers mouvements des professeurs du second degré – la grève des examens de 1927 - est inspirée par des revendications élitistes et la dénonciation d’une hausse des salaires des instituteurs qui les auraient rapproché du statut des professeurs ! Autre épisode, la première grève reconductible dans l’éducation, menée par les instituteurs de la Seine en 1947, qui s’achève sur un douloureux échec qui entache pour longtemps ce mode d’action.
L’analyse est aussi statistique – le ministère de l’Éducation nationale, qui emploie 3,5 % de la population active, représente à lui seul 70 % du total des jours de grève de la fonction publique d’État et 28 % de l’ensemble des salariés. Cependant, une comparaison entre les modes d’actions dans le public et le privé invite à relativiser ce parallèle, d’autant que l’instructif article sur la dimension juridique des restrictions au droit de grève dans la fonction publique en souligne la spécificité.
Cette spécificité, justement, c’est bien le recours aux journées rituelles de 24 heures. Sa problématique est abordée à travers le compte rendu d’une table ronde judicieusement intitulée « La grève de 24 heures, souvent critiquée, toujours pratiquée ». De nombreux intervenants s’efforcent de la réhabiliter ou de la justifier, sans grand succès... Il est vrai aussi que, si la démarche de l’Institut de la FSU est de croiser expertise universitaire et regards militants, ces derniers sont trop souvent le fait des seuls dirigeants syndicaux (à l’heureuse exception du texte sur l’action intersyndicale au Havre en 2010) ce qui nous vaut la lecture d’interventions souvent indigestes des secrétaires successifs de la FSU, du SNES et du SNUipp. Ces paroles officielles n’apportent rien, si ce n’est quelques réécritures de l’histoire et une auto-satisfaction assez irritante...
Ce décalage met d’ailleurs en relief l’intérêt d’une des contributions les plus stimulantes de l’ouvrage, celle de la sociologue Nada Chaar, avec son étude sur le non-engagement des stagiaires pendant l’année scolaire 2011-2012. L’une des conclusions de cette étude, éclaire de manière assez surprenante le profil des stagiaires grévistes. À la fois plus méfiant que les non-grévistes vis-à-vis des organisations syndicales, plus enclins à l’action collective, ils sont aussi plus abstentionnistes aux élections présidentielles. Il semble se dessiner, dans un milieu qui se prétend politisé, une ligne de partage entre l’action directe collective et l’intégration au système à travers ses différents rouages.
Le lien entre participation à la grève et politisation au sens étroit et institutionnel en devient plus problématique qu’il n’y semblait au premier abord.

Outre l’omniprésence de la bureaucratie syndicale dans cette réflexion sur la grève, le lecteur y trouvera aussi, en creux, la vision restrictive qu’en propose le syndicat majoritaire dans la profession. Les Ag de grévistes y sont souvent ignorées et marginalisées quand elles ne sont pas tout simplement déconsidérées. N’était-ce pas pourtant une porte d’entrée pour interroger ce problème de l’efficacité de la grève. Ou bien, à trop vouloir s’en tenir à la spécificité enseignante, l’ouvrage ne passe-t-il pas à côté de la dimension plus générale du recours à la grève ?

Voilà, vous pouvez retrouver sur le site de la revue N’Autre école, à la rubrique « audio & vidéo » toutes les références des ouvrages présentés ainsi que l’intégralité de cette émission des syndicats CNT éducation.

Quant à nous, on se retrouve le mois prochain pour d’autres lectures...

La grève enseignante en quête d’efficacité ? sous la direction de Laurent Frajerman, Editions syllepse, 178 p., 8 €.