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Nouvelles des désobéisseurs

mercredi 16 septembre 2009, par cnt66

Communiqué des enseignants parisiens sanctionnés pour « abus de liberté pédagogique ».

Pour les 13 enseignants ayant refusé publiquement de mettre en place l’arnaque de la pseudo « aide personnalisée », le rectorat de Paris a procédé à de nouveaux retraits de salaire jusqu’à juin, malgré toutes les irrégularités de la procédure reconnue désormais par les tribunaux administratifs.
A Montpellier comme à Marseille, le juge a ordonné la suspension des retraits de salaire décidés par les IA, retenant comme motif « lorsque l’agent, bien qu’effectuant ses heures de service, n’exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s’attachent à sa fonction telles
qu’elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l’autorité compétente dans le cadre des lois et règlements ; qu’en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que les modalités des obligations de service ... n’ont pas été précisées est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ».
C’est aussi tout un ensemble d’abus illégaux, illégitimes que nous souhaitons soulever par le recours que nous avons déposé au Tribunal Administratif de Paris, et, sur le fond, d’atteintes à la liberté d’opinion inadmissibles, puisque nous l’avons constaté à plusieurs reprises, c’est la liberté de critique de la politique gouvernementale qui devient tout simplement intolérable pour le pouvoir.
Nous ne manquerons pas d’attaquer la confusion entre « service non-fait » et « désobéissance hiérarchique » qui permet à l’IA de sanctionner financièrement le fait d’organiser autrement les 60 heures.
Ainsi que l’a déjà jugé le Conseil Constitutionnel, une sanction disciplinaire ne saurait être assimilée à une sanction financière.
Mais pour engager une procédure disciplinaire il faut un constat. Et un constat qui atteste d’un manquement par rapport à la définition de l’aide personnalisée, et de la non exécution d’un service défini. Or le problème c’est que justement l’aide personnalisée n’a pas de définition précise et que son cadre est l’objet de caractérisations les plus floues et contradictoires ! C’est d’un côté du « temps d’enseignement » et d’un autre côté ça n’est pas compris dans les 24 heures « d’enseignement » !
C’est du « temps scolaire » et à la fois « périscolaire » ! Est-ce du « soutien », de l’aide, de l’aide « spécialisée », du renforcement, de l’étayage…Et de quelle « difficulté » parle t-on ? Puisque c’est bien là le cœur de l’amalgame et de la confusion qui vise à réduire la complexité d’un problème qui dépasse l’école à la « solution » simpliste énoncée par Darcos :
« …nous voulons que les professeurs consacrent deux heures aux élèves en grande difficulté, repérés grâce aux évaluations. Ces enfants …..on va les aider à faire leurs exercices. Pour ceux-là, le fait de réussir les exercices mécaniques est beaucoup plus rassurant que toute autre méthode. "(débat avec J.Lang)

D’où découle ce qu’annonçait Luc Ferry : "Les deux heures pour les élèves en difficulté… les deux heures de soutien cela permet de supprimer ce que l’on appelle les RASED, c’est-à-dire les réseaux d’aide, de soutien dans les départements et cela fait économiser 8 000 postes."
Quand on parle de "difficulté", on renvoie à l’élève ce qui relève d’une inadéquation, on attribue à l’élève ce qui tient à la nature de la relation ! Mais désormais, la difficulté relève d’un traitement unique.
La question de la recherche de la modalité de l’aide disparaît pour celle de simple reprise de ce qui est déjà fait. Bien plus, elle signifie directement aux enseignants qu’ils seront désormais seuls face aux difficultés, là où justement ils réclament de l’aide et du soutien pour des actions de prévention, médiation. Ne reste plus que la perspective du "renforcement" pour ceux qui n’obtiennent pas "les bons résultats", c’est-à-dire au fond en exerçant une violence inutile, on produit très exactement l’inverse du résultat escompté.
On voit très clairement que ce dispositif est le pendant de la refonte d’un programme scolaire redéfini par l’extension hégémonique et contraignante de l’évaluation.
Ce choix des deux heures de soutien est aussi la conséquence logique de la mise en place des "nouveaux programmes" et la façon dont ils définissent de manière caricaturale la transmission et les contenus, le modèle mythique du maître qui dispense un savoir et de l’élève qui reçoit, déjà dénoncé en son temps par Montaigne dans ces mêmes termes.
Les "nouveaux programmes"imposés par le ministre sont fondés sur un retour à ce schéma simple (excluant la réalité de l’apprentissage comme expérience existentielle, activité de construction, d’élaboration, de mise en relation, de confrontation, de changement de soi, de transformation globale de celui qui le mène) qui pour être vérifié doit opérer un ensemble de restrictions, de simplifications, des contenus et des méthodes. L’essentiel se résumerait à : la norme, la règle déterminent et permettent l’usage et il suffit de commencer par les plus simples pour aller ensuite au complexe !
D’où la confusion entre enseigner et apprendre, qui va permettre à la fois de sélectionner ceux qui sont en adéquation et les inadaptés, et induit un rapport de pouvoir où se transmettent des contenus fragmentés dont il suffit de contrôler la bonne acquisition, de mesurer le résultat, pour juger de la réussite ou de l’échec.
Le slogan "retour aux fondamentaux" opère une confusion entre ce qui est fondamental dans un apprentissage et cette vieille croyance qu’il y aurait des composants élémentaires de la connaissance, qui de plus constitueraient des préalables à maîtriser, à connaître, avant de savoir !
Et c’est bien sûr tout autre chose que cette mécanique simpliste qui vise à réduire les dimensions relationnelles constituantes du sujet en apprentissage, à isoler ce qui constituerait un processus endogène d’acquisition, de ses conditions, contraintes, de ses liaisons, contextualisations sociales, subjectives que nous tentons de mettre en œuvre dans nos pratiques.
"Cela étant dit," le caractère politique de la répression des « désobéisseurs » n’aura échappé à personne.
Au moment même où les opposants aux contre-réformes sont sanctionnés, d’autres sinistres réactionnaires attachés aux méthodes archaïques simplistes et indigentes, des adeptes de cette "pédagogie de l’abrutissement" dont nous parle J.Rancière dans son ouvrage sur Jacotot, le maître émancipateur, sont récompensés de la Légion d’honneur !
Alors que eux sont des « désobéisseurs » notoires qui se sont vantés de ne pas appliquer les programmes officiels sans jamais être inquiétés !
Notre opposition aux contre-réformes Darcos sur la question des programmes, des évaluations, de base-élève, des EPEP doit emprunter de nouveaux chemins collectifs qui puissent rassembler tous les collègues qui se sont retrouvés sur la plate forme de l’AG nationale.
Nous appelons nos collègues à se retrouver en AG locales pour repenser les modalités de la lutte.
Premier rendez-vous, le 17 septembre en soutien à Erwan Redon ! à 17h vers le ministère de l’éducation (M° rue du bac)