Le droit de grève dans le privé

En dépit des attaques incessantes dont il fait l’objet, le droit de grève demeure encore un droit constitutionnel, car inscrit dans le bloc de constitutionnalité formé, entre autre, par le préambule de la constitution de 1946. La grève se définit comme une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles. Si la grève est limitée à une entreprise ou si les revendications sont exclusivement spécifiques à cette entreprise, elle doit réunir au moins deux personnes de l’entreprise. S’il s’agit d’un mouvement dont les revendications vont au-delà du cadre de l’entreprise, on peut être le seul de son entreprise à se déclarer gréviste car on répond alors à un mot d’ordre de grève national et interprofessionnel. La grève est donc un droit individuel, mais exercé collectivement, et qui, en principe, se passe des syndicats (qu’ils aient été jugés représentatifs ou pas) ; ces derniers n’ont pas de rôle exclusif dans le déclenchement d’une grève, mais dans la pratique, il est fréquent que les organisations syndicales initient ou appuient le mouvement.

Il n’existe aucun préavis légal dans le secteur privé. Les grévistes peuvent donc cesser le travail dès que l’employeur a eu connaissance de leurs revendications (il est important de le mettre au courant pour éviter que le mouvement ne soit qualifié de mouvement illicite et non de grève). Par ailleurs, la grève n’est pas limitée dans le temps (heures, jours, semaines). Elle cesse lorsque l’ensemble des revendications ont été satisfaites. Enfin, une convention collective ne peut pas fixer de durée de préavis dans la mesure où celle-ci ne peut avoir pour effet de limiter ou de réglementer pour les salariés l’exercice du droit de grève constitutionnellement reconnu ; seule la loi peut créer un délai de préavis de grève s’imposant à eux (Cour de cassation, Chambre sociale, arrêt du 7 juin 1995).

L’exercice du droit de grève portant sur des revendications, ces dernières peuvent prendre différentes formes :

- les revendications des salariés grévistes peuvent dépasser le simple cadre de l’entreprise (grèves générales pour les salaires, les retraites, etc.) ;

- les grèves « mixtes » (revendications qui revêtent à la fois un aspect politique et un aspect professionnel ; par exemple, grève contre la politique économique et sociale du gouvernement) sont licites. En revanche, sont considérées comme illicites les mouvements qui revêtent un caractère purement politique sans rapport avec des questions d’ordre professionnel ;

- les grèves de solidarité (mouvements consistant, pour certains salariés, à faire grève afin de défendre les intérêts d’autres salariés) sont licites si les grévistes peuvent se prévaloir d’un intérêt collectif et/ou de revendications professionnelles les concernant eux-mêmes.

Dans le cas d’un préavis de grève pour les entreprises privées chargées d’une mission de service public (ou d’intérêt général), le Code du travail impose un préavis de cinq jours francs, motivé aux agents de la fonction publique et dans les entreprises chargées d’une mission de service public (ou service d’intérêt général), avant tout déclenchement de grève. Ce préavis doit émaner des organisations syndicales représentatives et doit permettre, selon la loi, d’éviter la grève par la négociation. Le non-respect du préavis constitue une faute. Un décret d’application de cette loi (D.134-1 du Code du travail) cite les entreprises privées soumises au préavis de grève. D’autre part, il faut savoir que la jurisprudence fait une différence entre les salariés qui sont à la production, ou qui sont en contact du public, et ceux qui ont une tâche administrative interne à l’entreprise (les premiers sont soumis au préavis, les autres pas).

Le droit de grève dans le public

La loi du 31 juillet 1963 et insérée à l’article L.2512-2 du Code du travail, a réglementé l’exercice du droit de grève dans la fonction publique territoriale et d’État. Ainsi, le dépôt d’un préavis de cinq jours francs, avant la grève, est obligatoire afin d’amener les parties à discuter et tenter, au mieux, durant ce délai, de se concerter. Le préavis est déposé par une ou plusieurs OSR (organisation syndicale représentative).

En pratique, les délégués syndicaux ou du personnel savent si des préavis ont été déposés (dans l’éducation par exemple, des préavis de grève illimitée ou à la semaine couvrent à tout moment l’ensemble des personnels). Vérifiez auprès des instances régionales ou nationales des syndicats, car certains délégués peuvent ne pas savoir ou vouloir la grève. Si aucun préavis n’a été déposé dans votre secteur, faites pression sur les délégués syndicaux et leurs instances. À la SNCF, à la RATP, ou encore pour les écoles maternelles et élémentaires, en raison des nouvelles lois sur le « service minimum » (dont on a vu l’efficacité à la gare de Paris Saint-Lazare récemment…), tout dépôt de préavis doit être précédé d’une demande de « négociations préalables ». Dans l’éducation (1er degré), la procédure restreint le droit de grève (cf. BO n° 6 du 5 février 2009) ; en effet, la ou les organisations syndicales doivent tout d’abord notifier à l’autorité administrative les motifs qui pourraient les conduire à envisager un préavis de grève. L’autorité administrative est tenue de réunir, dans un délai maximal de trois jours, la ou les organisations syndicales représentatives ayant procédé à cette notification. Si les négociations échouent, un préavis légal de grève (de cinq jours francs) doit être déposé, au plus tôt, à l’issue des huit jours francs de négociations. D’autre part, le dépôt d’un nouveau préavis portant sur les mêmes motifs que le précédent, et avant que celui-ci ne soit arrivé à échéance (« préavis glissant »), est désormais interdit pour les enseignants du 1er degré. L’enseignant, lui, toujours en lien avec cette loi sur le service d’accueil minimum des élèves du 1er degré, doit déclarer à son inspecteur de circonscription quarante-huit heures avant la grève (avec au moins un jour ouvré) « son intention d’y prendre part » (suite à cette déclaration, il n’est pas obligé de faire grève). L’enseignant, qui fait cette déclaration d’intention sur la base d’un préavis de grève illimité (article L. 2512-2 du Code du travail), ne se déclare qu’une fois au début de la grève, quelque soit sa durée (la loi du 21/08/08 ne pose donc pas d’obstacle à une grève reconductible).

Eric Dussart@UL-CNT de Lille