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Calculée comme la dépense publique, la dépense privée dépasserait 200% du PIB

Calculée comme la dépense publique, la dépense privée dépasserait 200% du PIB
Christophe Ramaux
Economiste atterré, Université Paris I, Centre d’Economie de la Sorbonne

L’affaire semble entendue : la dépense publique représentant en France 57 % du PIB, il ne reste plus que 43 % pour le privé. De quoi justifier l’austérité budgétaire. Le problème est que ce raisonnement est faux.

Avec la méthode retenue pour calculer la dépense publique, on peut estimer la dépense privée à plus de 200 % du PIB. Petite démonstration, sachant que tous les chiffres portent sur 2012 et sont tirés des comptes de la nation de l’Insee.

La dépense publique est calculée en additionnant quatre grands types de dépenses.

Au total, la dépense publique s’élève à 1 151 milliards ce qui équivaut bien à 57 % du PIB (2 031 milliards).

Le détail de la dépense permet toutefois de saisir d’emblée un élément important : la dépense publique ne sert pas « à payer des fonctionnaires improductifs » contrairement à ce que l’antienne libérale, malheureusement ancrée dans les esprits, laisse entendre. Et cela pour deux raisons.

La moitié de la dépense publique va… à la dépense privée

Calculons la dépense privée avec les mêmes méthodes que la dépense publique
Appliquons à présent la méthode retenue pour calculer la dépense publique afin de calculer la dépense privée (des ménages, des sociétés non financières, des sociétés financières…). Ce calcul n’est jamais fait. Il est pourtant instructif.

On obtient au total 4243 milliards, ce qui équivaut à plus de 200 % du PIB. Si on ajoute la dépense de consommation finale des ménages (1130 milliards), ce qui est légitime si on calcule une « dépense privée », on arrive même à 265 % du PIB.
On comprend pourquoi ce type de calcul n’est jamais réalisé : il conduit à des résultats absurdes.
L’absurdité mérite cependant d’être comprise : en procédant comme ci-dessus on a additionné des flux de dépenses privées dont la somme ne fait en aucun cas « une part » du PIB. Mais ce qui vaut pour la dépense privée, vaut pour la dépense publique : ni l’une, ni l’autre, ne sont une « part » du PIB.
En rapportant la dépense publique au PIB, on la compare à une grandeur familière. Cela n’est pas illégitime : on peut ainsi avoir un ordre de grandeur pour évaluer le degré de socialisation des économies, pour faire des comparaisons internationales. Mais que la dépense publique soit à 57 % du PIB ne signifie pas que plus de la moitié du PIB « va au public », qu’il ne reste que 43 % pour le privé. Bref, cela n’est pas un mal en soi.

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/chez-les-economistes-atterres/2014/05/07/calculee-comme-la-depense-publique-la-depense-privee-depasserait-200-du-pib-232861

Christophe Ramaux
Economiste atterré, Université Paris I, Centre d’Economie de la Sorbonne
Publié le 07/05/2014 à 17h20
L’auteur :
Christophe Ramaux est maître de Conférences à l’Université Paris I et chercheur au Centre d’Économie de la Sorbonne. Ses recherches portent sur l’État social, la protection sociale, la politique économique, l’emploi et la précarité.

(*)Consommations intermédiaires
Les entreprises, pour produire, utilisent massivement des entrants (du bois et des vis pour les meubles, etc.) achetés à d’autres entreprises, ce qui explique l’importance des consommations intermédiaires. Le PIB est calculé sans ces consommations intermédiaires : il ne retient que les valeurs ajoutées (la valeur des productions publiques ou privées moins les consommations intermédiaires).

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