Le nouveau ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, a récemment envoyé un projet d’« agenda social » (un calendrier de réunions) aux syndicats dits “représentatifs” en proposant une première réunion le 7 novembre autour du « projet de loi fonction publique ».

Concrètement Kasbarian envisage de reprendre le projet de réforme de la fonction publique initié par son prédécesseur, Stanislas Guerini, et laissé en plan sur la dissolution.

C’est l’occasion de revenir sur le projet de réforme de la fonction publique qui signe ni plus ni moins la fin du statut des fonctionnaires. Cinq ans après une loi de « transformation » de la fonction publique accroissant déjà la part variable et individuelle des rémunérations, le pouvoir des hiérarchies locales, l’opacité dans les mutations, le gouvernement avait cette fois décidé de s’attaquer frontalement au statut des fonctionnaires.

Car ce qui est annoncé maintenant n’est ni plus ni moins qu’une destruction en bonne et due forme de ce statut : fin de l’avancement de la rémunération à l’ancienneté, fin de la garantie d’emploi, nouvelle augmentation de la part des contractuels au détriment des fonctionnaires, etc. Le point commun étant la destruction de nos droits et garanties collectives, des services publics, le tout, comme d’habitude, au nom de l’« efficacité » et de l’invocation démagogique du « mérite ».

De quoi le mérite est-il le nom ?

Qu’on ne s’y trompe pas, cette nouvelle réforme n’est pas une énième réforme accroissant la part individuelle du salaire comme nous en avons déjà vu dans le passé, il s’agit cette fois de remettre en cause frontalement l’avancement de la rémunération à l’ancienneté au nom du « mérite ». En un mot un avancement totalement individualisé au bon vouloir des supérieurs hiérarchiques contre une logique de droit collectif.

Nous n’imaginons que trop bien les conséquences de ce type de réforme sur le collectif de travail. Les effets, parfaitement prévisibles, seront catastrophiques. Le soit-disant « mérite » des agents va se révéler, dans sa mise œuvre concrète, comme étant le règne du fayotage vis-à-vis du supérieur hiérarchique, des stratégies de communication et de la valorisation permanente au détriment de la qualité du travail, et va accroître et institutionnaliser les phénomènes de mensonge déjà existants sur le travail réel. Derrière le slogan démagogique du mérite, le risque est celui d’une explosion des collectifs de travail, des solidarités, au profit de pratiques déloyales. En un mot, sur fond d’asphyxie au niveau des effectifs, le mérite est l’autre nom de l’arbitraire et de la valorisation de la guerre de tous contre tous sous supervision hiérarchique.

Quant aux naïfs ou aux opportunistes qui penseraient que la « récompense du mérite » signifiera augmentation de leur salaire, nous pouvons d’ores et déjà annoncer que ce système ne favorisera qu’une infime partie des agents les plus zélés et aboutira plus que jamais à une stagnation des salaires sans précédent pour l’immense majorité.

Au final, au nom du mérite, c’est bien le travail réel qui sera encore dégradé et le service public rendu aux usagers qui sera encore piétiné.

Précarisation pour tout le monde !

Vers une mise en concurrence des contractuels et des fonctionnaires

La précédente réforme avait déjà largement ouvert la voie au recrutement de contractuels. Ce type de recrutement permettait de piocher dans un vivier de contrats précaires pour tenter de pallier ponctuellement à la pénurie d’effectifs généralisée dans les services publics.

Le gouvernement veut maintenant franchir un nouveau cap en mettant les contractuels et les fonctionnaires en concurrence.

Fondamentalement la massication des contractuels promue et voulue répond à un projet de sabotage progressif du statut des fonctionnaires de l’intérieur. Nous ne manquons pas de précédents exemples d’anciennes entreprises publiques comme La Poste ou l’ONF où le recrutement et l’augmentation progressive des contractuels pendant des années a eu pour effet et pour objet de marginaliser les fonctionnaires avant de mettre un terme définitif aux recrutements de ces derniers. La privatisation des missions n’est alors que la dernière marche à franchir.

Si ce projet n’était pas suffisamment explicite dans la bouche du gouvernement, le patron des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau, devenu depuis ministre de l’intérieur, s’était chargé d’être plus direct en jugeant sur BFM-TV que « dans la fonction publique, la règle devrait être le « contrat », le statut de fonctionnaire devant selon lui « être réservé par exemple aux magistrats, à des fonctions régaliennes ». Cette précarisation ne pourra elle-même que fragiliser les agents dans l’exercice de leurs missions.

Vers la fin de la garantie d’emploi

La massification des contractuels ne suffisait pas pour précariser les personnels, Guerini proposait également d’attaquer frontalement les fonctionnaires en revenant sur la garantie d’emploi. Il faudrait selon lui lever « le tabou du licenciement dans la fonction publique ».

Si Guerini n’évoquait pas directement des licenciements économiques, il déclarait de façon une nouvelle fois démagogique qu’il faudrait sanctionner les agents qui ne feraient pas leur boulot. Le licenciement pour insuffisance professionnelle, qui existe déjà, ne serait pas assez utilisé. En rapportant seulement 13 licenciements pour ce motif en 2022, Guerini décrétait que ce nombre n’est pas assez élevé et, ce faisant, jette les fonctionnaires en pâture à l’opinion publique en entonnant insidieusement la petite musique des fonctionnaires fainéants. Il faut donc s’attendre avec ce projet de réforme à une nouvelle définition extensive de l’insuffisance professionnellefacilitant les licenciements pour ce motif.

On achève bien les services publics !

Jeter en pâture les fonctionnaires à l’opinion publique pour mieux attaquer leurs statuts, diviser les personnels entre eux pour mieux les précariser, nous reconnaissons bien là ce gouvernement et sa volonté d’achever les services publics.

Dans cette lignée, le gouvernement a décrété une saignée sans précédent pour les services publics et les dépenses sociales avec 40 milliards de réduction des dépenses publiques.

Ce gouvernement des riches pour les plus riches continue son œuvre de destruction de tous les droits sociaux et biens publics sous le regard bienveillant de l’extrême-droite. Nous assistons bien à la même continuation d’une violente politique de classe que nous subissons déjà depuis 7 ans. Pour ce faire, il faut désigner régulièrement des boucs-émissaires. Là où il faudrait regarder l’augmentation exponentielle des dividendes depuis 15 ans, les 160 milliards d’aides publiques aux patrons par an, les gouvernements voudraient nous faire regarder le fonctionnaire, le chômeur ou l’immigré .

Face au saccage annoncé de la fonction publique, il n’y a pas de fatalité, il ne tient qu’à nous de nous mobiliser pour faire échec à ce projet mortifère !

Parce que le statut et l’indépendance des fonctionnaires permettent de conserver un service public fondé sur les besoins des usagers et non sur la demande politique.

Parce que les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

Mobilisons-nous !

La Confédération nationale du travail