Nous y voilà, face à cette échéance qui désintéresse les cénétistes, mais qui pourtant ne les indiffère pas pour autant. On a déjà assisté donc à plusieurs mois de joutes verbales très médiatisées, souvent plus centrées sur des questions de forme que des questions de fond, histoire de faire oublier qu’aucun de ces tribuns ne compte réellement changer quelque chose au désordre capitaliste en place.

Les « présidentielles » d’avril 2007 occultent déjà les « législatives » de juin, signe des temps où la république roturière prend le pas sur les programmes de députés. Les élections ne sont alors qu’affaire de personnalités, de verbes, comme si la politique n’était que spectacle. Devant la mascarade électorale, chacun fera ce qui lui semble bon, juste, ou nécessaire. Quelques-un-e-s hésiteront. Comment ne pas être atteint-e par le discours édifiant de bon sens de tous ceux et celles qui ne « font politique » qu’une fois tous les cinq ans en bourrant les urnes, qui vous répéteront : « Va voter si tu veux pas qu’on décide à ta place. »

Abstentionniste, moi ? Jamais !

La Confédération n’est pas abstentionniste ou plutôt ne donne pas de consigne de vote. Mais finalement, peu nombreux-ses sont ceux et celles qui parmi nous se prêtent au jeu électoral. Certains syndicats même participent localement à des campagnes contestataires ou abstentionnistes.

Et quand le premier tour des élections sera passé, on entendra les sempiternels : « Votez, éliminez » ou : « Si tu ne votes pas, tu fais le lit du… », etc. Les élections finies, après avoir cédé aux sirènes de la catastrophe annoncée ou au pragmatisme totalisant, on rediscutera encore avec ceux et celles encore disposés au débat, de la pertinence d’avoir donné (une fois de plus) un « chèque en blanc » à un gouvernement contre lequel ils devront néanmoins combattre.

La déclinaison nationale des élections n’est qu’une vision étriquée de la réalité capitaliste des délocalisations, des transferts de capitaux, des licenciements, du chômage et de la précarité. Nos frontières ne sont pas les leurs. C’est évident, l’entente patronale internationaliste est de loin plus avancée que celle du parti du travail. La nation, la patrie, le drapeau ne sont devenus qu’illusions chauvines pour les desseins capitalistes.

Nous n’avons pas besoin d’une armée nationale inféodée au diktat de l’argent, ni même de l’État policier et encore moins d’un parlement pour gérer nos affaires à notre place.

Alors des initiatives fleurissent sur les murs de nos cités et de nos campagnes, comme la énième campagne abstentionniste de la Fédération anarchiste, la campagne de Patate (www.patate2007.org) initiée par le Réseau No Pasaran, etc. Le mouvement libertaire est riche d’initiatives, parfois teintées d’un surréalisme digne de l’événement consacré, qui partout font débat. C’est parfois là qu’on retrouve aussi des cénétistes… Et l’on y discute des enjeux d’agir au lieu d’élire, des lendemains d’élections que l’on n’ignore pas pour autant selon que tel ou tel candidat s’annonce plus ou moins dangereux.

On voit entre autres pour ces élections 2007 que le monde des travailleurs et des travailleuses (ceux et celles qui produisent, pas les patrons et autres rentiers parasites !) peut s’inquiéter de la défense et du maintien de ses droits.

Les attaques annoncées du droit du travail et syndical

Qu’on l’appelle « réforme du dialogue social » ou « démocratie sociale », cette novlang politique, sous couvert de modernité libérale, ne revêt qu’insidieuses attaques contre le monde du travail et ceux et celles qui s’y battent. Comme à son habitude, le nivellement des droits européens ne se fera que vers le bas, en faveur des gouvernants et des patrons. Il ne s’agit pas d’acheter la paix sociale, mais bien de garantir la libre exploitation des travailleurs et travailleuses.

Le patronat annonce la couleur par le biais de Mme Parisot et sa vision ultralibérale : « La liberté d’entreprendre s’arrête là où commence le Code du travail. » Sa vitrine politique, l’UMP, s’attaquera donc au Code du travail et à l’un de ses fondements principaux : le contrat de travail. Après le CNE, la tentative CPE, un nouveau contrat est envisagé (si l’on peut encore parler de contrat) où le licenciement sera facilité. La période d’essai deviendrait la relation de travail permanente ! La jungle jurisprudentielle, le seul repère juridique !

Le droit de grève serait revu et précontraint par le « fameux service minimum » et le vote à bulletin secret introduit pour casser les dynamiques collectives. Viendront ensuite les attaques contre les systèmes de solidarité de la Sécu et de l’Assedic en vue détourner les cotisations des salariés au profit de spéculateurs en col blanc. Liberté d’entreprendre, liberté de travailler (et de travailler plus), égalité des chances… Tout un verbiage pour travestir une seule idée : la liberté d’exploiter librement. À l’occasion de ces élections, la représentativité syndicale dans les entreprises fait l’objet d’un intérêt tout particulier. Le club des cinq centrales privilégiées (pour ne pas dire bichonnées) s’agite. Comme évoqué récemment dans le Combat syndicaliste, la réforme n’aura d’autre objet que de renforcer le réformisme des appareils syndicaux : plus de hiérarchie syndicale, plus de financement étatique, de syndicalisme de service, vers plus de docilité sociale. De belles perspectives pour tous les carriéristes « syndicaux » ! De l’UMP au PS, les élections professionnelles deviendraient le seul critère d’existence des sections syndicales.

L’avenir n’est pas radieux. Pour faire vivre le syndicalisme d’action directe, la CNT doit se préparer aux coups durs portés par ses ennemis d’hier et d’aujourd’hui. La question se pose. A-t-on plus à craindre de l’approche social-démocrate que de l’approche libérale ?

Les angles d’attaques ne sont pas forcément les mêmes. Là où les uns cherchent à endormir et instrumentaliser le syndicalisme et réduire la capacité d’agir des plus radicaux, d’autres visent à limiter de droit de grève et détruire les protections salariales.

Dans la même veine, notons les annonces de Mme Royal en faveur de l’absurde et très décalée adhésion obligatoire à un syndicat de son choix. Outre la tradition syndicale historique française, les expériences européennes en la matière sont loin d’illustrer la combativité des centrales syndicales concernées par ces dispositions. À noter, quand même, la volonté de l’UMP de s’attaquer aux tribunaux de prud’hommes. Ses élections ont été reportées en décembre 2008 pour permettre ladite réforme. Si cette instance « paritaire » n’est pas chérie par la CNT (voir ses dernières campagnes « Opposons-leur la loi du nombre ! »), elle fait partie du paysage juridique depuis longtemps. Assistera-t-on à une professionnalisation de la justice du travail ? À une liquidation de la justice prud’homale ?

Que fait le-la cénétiste et ses sympathisant-e-s ?

Le-la syndicaliste cénétiste considère avoir sa vie en main quant il-elle produit ses richesses pour lui-elle-même. Il-elle projette une autre société qui émergera en son heure par la lutte et bien sûr, la grève générale expropriatrice. Parce que le syndicaliste révolutionnaire, et l’anarcho-syndicaliste, préfère la gestion directe de ses affaires, de sa lutte, il mène un combat pour un autre futur, une autre société, fédéraliste, collectiviste et libertaire. Il-elle défend vigoureusement les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et n’en fait pas qu’un apparat de fronton. Il-elle est républicain-e, tant que la république est à ses yeux la « chose publique », celle de l’intérêt commun contre celle d’un-e seul-e ou de quelques-un-e-s. Il-elle vote dans son syndicat, son congrès, ses assemblées générales d’entreprise. Il-elle participe à la vie de sa cité, de sa commune, il fait politique. Il-elle est toutefois moins adroit-e et plus songeur face aux urnes.

Manu CNT 30