Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

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SIPM-CNT

Pressés d’en finir avec la presse ?

mercredi 17 décembre 2003

Quand on voit Science Po sortir de son chapeau le projet de monter une école de journalisme -et ce, après les déboires financiers du CFJ- on se demande quel avenir ils vont pouvoir vendre à leurs élèves. Sale temps pour la presse, coco...

Dernier coup de semonce en date ? L’annonce par Yves de Chaisemartin, patron du « Figaro », qu’il quitte le Syndicat de la presse parisienne. En clair, la remise en cause de la convention collective du Livre, et surtout de ses avenants. Avec comme conséquence une redéfinition des métiers. Non pas pour plus de clarté. Ce que vise le patronat, c’est la sacro-sainte polyvalence. Là où vous aviez cinq personnes, il n’y en aura plus qu’une ! Et d’ores et déjà, on imagine les journalistes prendre eux-mêmes leurs photos, monter leur page, la corriger. En attendant l’ultime réforme où ils iront porter les journaux le matin dans les boîtes aux lettres des abonnés... A terme, dans un contexte on ne peut plus tendu, ce départ, prévu au 1er janvier 2004, signe l’explosion du système mutualiste des NMPP. La mort de « France Soir », de « L’Huma »...

Le précédent, c’était au « Parisien ». Milieu des années 70. Le conflit avec le Livre avait duré trois ans. Et le groupe Amaury avait pu sortir des NMPP, distribution au rabais et conditions de boulot ad hoc. De Chaisemartin joue sur du velours : crise de la presse, baisse de la pub, hausse des tarifs postaux, éditeurs se tâtant pour suivre ou non le patron de la Socpresse, divisions syndicales et corporatistes...
Désormais, les tauliers n’ont qu’une idée en tête : produire plus avec moins de monde. Symptomatique : tout le monde réfléchit en ce moment à lancer son gratuit pour... concurrencer les gratuits, jadis présentés comme l’antéchrist !

Les attaques viennent de tous les côtés. En témoigne le projet de transposition de la directive européenne sur la société de l’information. Pour ceux qui ne goûtent guère ce genre d’intitulé, comprenez que les éditeurs veulent tout simplement s’attaquer au droit d’auteur pour y substituer le très avantageux et so british copyright. Ami photographe, journaliste, réalisateur, l’entreprise à laquelle vous vendrez votre travail aura tout droit sur vos œuvres. C’est ainsi qu’un photographe a vu l’AFP vendre, sans le prévenir bien sûr, une photo à Marine Le Pen pour la campagne du FN !

Même du côté législatif, ça se corse. Perben veut faire des journalistes de simples auxiliaires de justice, puisque, désormais, quand on vous demandera vos papiers, pas besoin de sortir votre carte de presse : ce qui les intéresse, ce sont vos sources, vos carnets de note. Et, au regard de l’extension du délai de prescription des délits de presse et de l’aggravation des peines en cas de diffamation, vous avez tout intérêt à écrire soft. Le journalisme du 21e siècle sera édulcoré ou ne sera pas. Significatif, lors du projet de lancement de ce pétard mouillé qu’est la CNN à la française et au rabais, le gouvernement l’a dit : ce qu’ils veulent, c’est qu’on entende la « Voix de la France ». On a vu ce que cela signifiait avec le traitement médiatique des derniers mouvements sociaux...

Et pendant ce temps-là, concentration, précarisation... Si on vous souhaite une bonne année, là, vous n’allez pas nous croire. Pourtant, les combats que mènent le SIPM n’en sont que plus d’actualité. Défendre nos droits au-delà de tout corporatisme est on ne peut plus nécessaire. Pour ne pas dire vital. Il en va de l’existence même de nos métiers. Et d’une « certaine idée » de l’information. Alors, dans la rue, comme dans nos boîtes et à travers notre travail, à nous de prouver aux tauliers et à l’Etat que la plume est plus forte que l’épée.