Un syndicalisme autogestionnaire et sans permanent

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Ça presse n° 6

jeudi 12 octobre 2006

Par une intransigeance
de tous les instants,
par une combativité systématique,
avec cette certitude chevillée
au corps et à la plume :
l’information n’est pas une marchandise, ceux qui la font ne sont pas des pions.

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SOMMAIRE

Edito

Politis. (À) la petite semaine d’un hebdomadaire

L’hebdomadaire Politis vit peut-être ses derniers instants.
Depuis le 8 aôut sous administration judiciaire, il risque de disparaître. Mis en danger par son directeur(1), lâché au dernier moment par un repreneur éventuel, le personnel de Politis tente le tout pour le tout :
trouver un million
d’euros en un mois !
Et lance un appel à la solidarité.

(1) Voir sur internet la “lettre de la société des rédacteurs et du personnel de Politis aux adhérents d’Attac” : http://www.pour-politis.org

 Libération. Laminé par la lutte de casse

Chronique de la Libérésina. Ou comment un journal né de l’après 68 s’est retrouvé investi par le capitalisme ravageur.

 Le grand soir de France soir

La lutte de ces salariés a montré qu’ils étaient prêt à se battre jusqu’au bout pour la survie de leur titre. Jusqu’au bout mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas celui de l’infamie.

 Sarkozy, roi des squatteurs

Nicolas Sarkozy fait expulser les squatteurs de Cachan ? Expulsons, kärchérisons même pour être sûrs, place Beauvau ! Car le ministère de l’Intérieur est occupé par un squatteur hors catégorie, si habile que personne ne rivalise actuellement : un squatteur des médias.

 Emap France, quand la lutte paye.

Trois mois de mobilisations, deux jours de grève, et une belle victoire. C’est comme ça qu’on pourrait résumer la lutte des salariés d’Emap France qui s’est étalée de mars à juin 2006.

 Télérama. Vache à lait et presse-citron

Affolé par les gros besoins financiers du Monde, Télérama ne sait plus où donner de la tête pour accroître rapidement sa rentabilité.


“La presse traditionnelle n’a que peu d’avenir en l’état.” La rentrée pour le SIPM commence par un quiz. Qui a pu sortir une phrase pareille ? Vladimir Poutine ? Mon kiosquier ? Arnaud Lagardère ? On vous laisse dix secondes de réflexion, le temps de lire une page de Direct Soir...

Vous avez trouvé ? Eh oui ! C’est bien le fils de... Arnaud, l’homme des JO à Paris, le copain de Sarkozy. Qui fait dans l’édition, dans le magazine aussi. Et qui donne dix ans tout au plus à la presse avant que tout ce qui se lit, s’écoute et se regarde ait fusionné dans le fameux et ultime Grand Tout, l’Internet, la Toile... Qu’il soit grand manitou des NMPP, saint apôtre des Relais H n’est pas le moindre des paradoxes. L’homme fort de la presse vient de nous dire, à l’occasion de quelque présentation annuelle et financière, que la presse allait mourir. Rideau !
Le pire, c’est qu’il est loin d’être seul à penser ainsi. Prenez les conclusions de l’institut Montaigne. En onze propositions, le think tank (“sac à merde” en anglais) de Claude Bébéar se propose de sauver la presse. UNE BONNE FOIS POUR TOUTES ! La première proposition est si belle qu’on ne résiste pas à l’envie de la reproduire in extenso : “Mettre en place un plan de réforme de la presse sur trois ans dans lequel l’obtention des aides est strictement conditionnée à la restructuration des entreprises de presse. Les titres abusant des largesses de l’État seraient, après audit et suite à une période de trois ans, obligés de rembourser les aides perçues à titre exceptionnel. Adopter ensuite une loi prévoyant, au nom de la liberté de la presse, la suppression définitive des aides directes.”
En clair, on vous jette à l’eau, on vous retire les brassières et seuls ceux qui n’auront pas fini au fond de la piscine auront le droit de respirer de temps en temps. Et l’on ne vous raconte même pas ce que l’institut Montaigne pense de la clause de conscience ou des syndicats...
Bien évidemment, tous les patrons de presse, face à ce brûlot ultralibéral, n’ont de cesse de faire leur vierge effarouchée, jurant la main sur le portefeuille que jamais ils n’adhéreront à ce genre de billevesées, jamais ils ne se résoudront à des mesures d’une telle extrémité... Merci patrons, nous voilà rassurés ! Pendant ce temps-là, Le Monde, après son fameux “plan de modernisation sociale” et après avoir sucé jusqu’à l’os son pôle magazine, s’en va restructurer dans le sud-est de la France, histoire de constituer avec Lagardère le troisième pôle de presse régionale de l’Hexagone. Et comme la nouvelle formule du “quotidien de référence” s’est pris un moins 3 % en termes de diffusion, Colombani n’a pas d’autre idée que de lancer ce que jadis il fustigeait : un GRATUIT ! Faut dire, Le Figaro en voulait un, fallait bien les prendre de vitesse. D’autant que le marché n’est pas le moins du monde encombré... Mais, coco, oublie ta déontologie, ce qui compte aujourd’hui, c’est pas le lecteur, c’est l’annonceur...
Alors évidemment, dans ce contexte, le reste de la presse a cet air suranné et maladif qui n’est pas sans rappeler l’Ukraine de 1921. France Soir, sous l’égide d’un ancien marchand de biens et la férule d’un ancien de Minute, a réussi le tour de force éditorial de tomber plus bas que là où on l’avait laissé quand à des Italiens stakhanovistes se substitua un homme d’affaires franco-égyptien faisant dans les compagnies aériennes qui se crashent et les journaux qui s’embourbent. Quant à Libération, après “le loup dans la bergerie” avec l’arrivée de Rothschild et “la mort du père” avec l’éviction de Serge July, le journal maladroit d’être trop mal à gauche envisage une nouvelle charrette, espérant quelque salut dans le retour en grâce d’un pseudo homme providence, un Edwy Plenel ne sachant que faire de ses dix doigts.
Côté presse “indépendante”, Politis est en dépôt de bilan et L’Huma toujours en sursis, attendant les résultats de 2007 pour savoir si l’avenir sera rouge vif ou noir déprime. Et du côté de la presse régionale, les restructurations sont de plus en plus violentes (comme avec le dépeçage de la Socpresse et la remise au pas de titres parfois moribonds tel Le Progrès) au nom de la constitution de bastions pseudo-imprenables avec uniformisation de l’offre par multiplication de celle-ci sur tous les supports possibles et imaginables (télé, radio, Internet).
On ne vous parlera qu’à mots couverts de radios ne sachant plus comment faire pour retenir une audience et des annonceurs de plus en plus volatils. Et, du côté de la télé, la TNT n’aura été qu’un écran de fumée : sous couvert de diversité, la véritable télé qui se prépare est symbolisée par la fusion entre CanalSat et TPS. En clair : la constitution de géants où l’humain n’est qu’une ligne d’un bilan comptable qu’il faut à tout prix comprimer, au nom du sacro-saint marché et au bon plaisir des actionnaires.
Heureusement, des luttes viennent nous laisser entr’apercevoir une autre façon de penser les médias. Non pas tant les cris d’orfraie d’un Bayrou découvrant la concentration des médias et la mainmise de grands groupes industriels sur ces derniers, un constat à peine différent de celui des organisations de “gôche” lorsqu’elles jouent au tiers état pour organiser des pseudo-états généraux pour le pluralisme et les subventions.
Non, on parlera de la lutte exemplaire des salariés de France Soir qui ont refusé que leur idée du journalisme ne soit bradée. Ou celle à Emap, troisième plus gros groupe de presse magazine en France, où la mobilisation a payé, les salariés réussissant à imposer leurs conditions tant à la maison mère britannique, pressée de vendre cette branche pour assurer les dividendes des actionnaires, qu’aux acheteurs, en l’occurrence Mondadori, groupe de presse italien proche de... Berlusconi.
À la veille de 2007, le constat est sombre. Et alors qu’une des plus prestigieuses fabriques de futurs précaires, le Centre de formation des journalistes, voudrait, sous l’égide de Dominique de Villepin, “réinventer le journalisme”, il est plus que de temps de réinventer nos modes de luttes et de revendications.

Par une intransigeance
de tous les instants,
par une combativité systématique,
avec cette certitude chevillée
au corps et à la plume :
l’information n’est pas une marchandise, ceux qui la font ne sont pas des pions.


Syndique-toi !!

 Seul, tu dépends des humeurs de la direction. Syndiqué, ta force est celle de l’ensemble du syndicat.
 La solidarité est notre seule arme face aux offensives contre nos droits, pour en conquérir de nouveaux.
 Cesse de te plaindre : agis !

Contacter le syndicat pour un rdv :
 presse.rp@cnt-f.org
 SIPM, 33, rue des Vignoles, 75020 Paris.
adhére au sipm


Politis. (À) la petite semaine d’un hebdomadaire

L’hebdomadaire Politis vit peut-être ses derniers instants.
Depuis le 8 aôut sous administration judiciaire, il risque de disparaître. Mis en danger par son directeur(1), lâché au dernier moment par un repreneur éventuel, le personnel de Politis tente le tout pour le tout :
trouver un million
d’euros en un mois !
Et lance un appel à la solidarité.

(1) Voir sur internet la “lettre de la société des rédacteurs et du personnel de Politis aux adhérents d’Attac” : http://www.pour-politis.org

Deux grands du journalisme. Le premier, Robert Fisk, spécialiste du Moyen-Orient, s’interroge : pourquoi, sur le même sujet, un même journaliste peut-il être passionnant lors d’une conversation informelle, et rébarbatif dans son article ? Le second, Jim Nachtwey, photographe de guerre, a fait ce que peu font ou peu disent : poser son appareil pour intervenir.

Je ne suis aucun d’eux, bien sûr. Tout juste une pigiste de l’hebdomadaire Politis. Mais cette année, plus qu’une autre, m’a amenée à réfléchir à cet interstice, cette gouttière comme on le dit en bande-dessinée de l’espace blanc séparant deux cases. L’endroit de l’ellipse. Entre ce qui est vécu et écrit. Entre travail et action.
Depuis trois ans, je suis journaliste à Politis. Arrivée là sans formation ni expérience, accueillie pour un stage, j’ai été happée par la petite équipe, le petit immeuble. L’impression d’être enfin là où je dois. Et la chance de voir cette impression partagée, un pacte passé : nous t’apprenons et tu restes parmi nous quelque temps.
Voilà déjà ce qui ne se lit pas, ni dans notre journal ni ailleurs, lorsqu’il est question de la “crise” traversée par Politis. Oui, “mon” canard traverse une crise. Ce n’est pas la première. Dix-huit ans qu’il survit, peine à garder son équilibre. Pourtant, contrairement à d’autres titres, le nombre de lecteurs ne chute pas, au contraire. Réduit, certes, il se maintient, progresse même parfois, lors de la campagne du “non” au traité constitutionnel européen.
Combien lisent Politis ? Disons qu’il est diffusé à 30 000 exemplaires. Il faut savoir que notre taux de lecteurs réels est plus élevé que pour les autres journaux : 4-5 lecteurs pour un exemplaire. Parce que nous travaillons beaucoup sur, et avec, les réseaux associatifs. Pour moi, une source de fierté.
Alors pourquoi cette crise ? “Une gestion XXXX.” Un exemple : parce que notre directeur ne s’est pas occupé des tarifs postaux (La Poste accorde des tarifs préférentiels pour les envois aux abonnés), nous perdons plusieurs milliers d’euros par mois. Ou encore, et pour la même raison, nous ne percevons pas l’aide étatique pour le nouveau poste de maquettiste.
Cette crise n’est pas inattendue. Disons que nous avons tardé à réagir. Là encore apparaît l’interstice. Notre rédaction se compose de journalistes engagés, dont certains militent à l’extérieur, ou l’ont longtemps fait. Action par nos articles. Action dans notre intimité. Mais - paradoxe, schizophrénie - peu quant à la vie du canard. Plus de délégués du personnel depuis des années. Pas de syndiqués. Pas de société des rédacteurs.
Jusqu’en 2006. Conscients de la dégradation, nous avons alerté - sans succès - le directoire. Organisé des élections de délégués. Une société des rédacteurs. Deux d’entre nous se sont syndiqués. Et lorsque Politis s’est retrouvé devant le tribunal, le personnel avait un avocat, bénévole et de grande valeur.
Evidemment, discussions et désaccords sont apparus. Pas tant sur le fond que sur la forme. Comment agir ? Que dire ? À qui ? Comme tout journaliste, je m’agace parfois de la réticence de mes sources, parce que je veux comprendre, éclaircir, parce que leurs hésitations cachent - il y a des éléments qu’on ne veut pas donner - et dévoilent - il y a justement des éléments qu’on ne veut pas donner ! Là, je suis devenue source moi-même. Réticente. Que dire ? Que dire au syndicat (et ce, malgré la confidentialité) ? Plus largement, le personnel devait-il communiquer ? N’allait-on pas desservir le journal, trahir sa cause, mettre certains de nos membres en difficulté ?
Oui. Non. Peut-être. Pas maintenant. Trop tard. Trop tôt. J’ai respecté ce choix, je le comprenais, quand bien même je ne l’approuvais pas. Finalement, dans la presse, quelques-uns sont intervenus, à titre personnel. Mais notre collectivité s’est tue. Jusqu’aux prises de position de la société des rédacteurs - à ceci près qu’il s’agit des rédacteurs et non de tous ceux qui forment Politis ( “l’administratif”, l’accueil).
À l’heure actuelle, le journal est sous administration judiciaire. Nos payes, “garpées”, payées donc avec du retard (un mois, deux mois, qui sait ?). Bientôt, le verdict, un plan de reprise, je l’espère vraiment. Pas n’importe lequel. Un plan qui garantisse notre indépendance, où la rédaction ne se retrouve pas à son corps défendant embringuée dans les conflits d’Attac. Un plan surtout qui assure notre vie, non plus simplement notre survie.
Pour des raisons privée et professionnelle, je n’y suis plus une pigiste permanente. Simplement épisodique. Mon salaire, qui tournait autour des 700 euros, avec des pics et des gouffres, ne connaîtra plus que les gouffres ! Mais j’ai appris. La nécessaire organisation collective. Délicate, fatigante, qui tour à tour déçoit et galvanise. La lucidité face à ce canard. Parce que Politis est ma famille “de plume”, je la critique à l’intérieur et la défends bec et ongles à l’extérieur. Je sais le pourquoi de nos failles. De l’argent gâché, bien malgré nous. J’en sais les conséquences. Comment faire le boulot qu’on veut - bon, évidemment ! - à 30 euros net la pige (soit 1500 caractères). On essaie. On y arrive parfois. Et puis on s’essouffle. On fait moins bien, et on se méprise pour ce moins. On passe le relais. On se motive les uns les autres. Et on enrage : à cause d’une gestion et d’un développement “limite”, combien de dizaines de milliers d’euros perdus (le directeur n’était pas sûr des chiffres...), alors que les salaires du “Lumpen” se comptent en centaines d’euros ?
Voilà. Parce que Politis est en jeu, notre canard et nous, qui le faisons, je n’ai pu me résoudre à faire un “article”. J’ai essayé de me glisser dans l’interstice, de le donner à voir. En partie seulement, cela va de soi...


Libé laminé par la lutte de casse

Chronique de la Libérésina. Ou comment un journal né de l’après 68 s’est retrouvé investi par le capitalisme ravageur.

D’abord, l’épisode du loup galopant dans la bergerie : le journal lancé par Sartre a accueilli à bras ouverts Edouard de Rothschild, le président de France Galop qui refusait de discuter ou de dévoiler son plan aux salariés. Le 20 janvier 2005, l’entrée de Rothschild est approuvée par 57,6 % du personnel, malgré l’opposition de Sud et de la CGT. Le SNJ a appelé à un oui « raisonné et vigilant »...
On avait déjà L’Huma soutenu par Lagardère, voilà donc Rothschild aux commandes de Libé. Ce rejeton de dynastie capitaliste n’est pas le premier entré dans le journal fondé par July. Dans son tour de table, dans ses colonnes, ses éditos, ses points de vue économiques, le journal a depuis longtemps capitulé devant le libéralisme teinté de rose. Avec un tel regard bienveillant sur l’économie de marché, on finit par se faire marcher dessus. Après les Antoine Riboud, Gilbert Trigano et Jérôme Seydoux entrés comme actionnaires de Libé en 1993, le journal détenu à l’origine par ses salariés a laissé les patrons actionnaires s’emparer peu à peu du pouvoir. Avec Rothschild, le réalisme post moderne impose enfin un capitaliste qui a la gueule de l’emploi. Piétinant allègrement le tapis rouge déroulé par Serge July, Rothschild gobe 38,87 % du capital en lâchant 20 millions d’euros. Gloire au sauveur. Mais il faut des sacrifices. Quatre jours de grève en novembre 2005 ne parviennent qu’à garnir les primes de départ des 55 évacués du navire dans les premiers mois de l’année suivante. Pas suffisant. On parle de 13 millions de pertes en 2006. Des archéologues hilares déterrent le premier édito de Libé affirmant en 1973 : « Notre pauvreté est la mesure de notre indépendance » et le supplément de février 1984 claironnant « Vive la crise ! ». Aujourd’hui, on répète la sonnerie aux morts.

Après avoir juré main sur le cœur qu’il ne toucherait pas au contenu du journal, et n’interviendrait pas dans les affaires de la rédaction, et que July resterait en place jusqu’en 2012, Rothschild reprend la main. Le banquier demande et obtient la tête de July qui lui aurait planqué la gravité des pertes. C’est l’épisode mort du père. On oublie à la rédaction qu’on a signé une motion de défiance contre July lors des quatre jours de grève, en pleurant le même July cette fois drapé dans les habits de garants de l’indépendance. L’héritage de la gestion du quotidien par Serge July et son bras droit Louis Dreyfus se fait rattraper par les solutions du banquier à particule, et Libé vire à la logique de casse. Il est temps de retrouver les fondamentaux : le capital, c’est le pouvoir.
Dépossédés des décisions, les salariés ne peuvent que débattre sur les noms de ceux qui pourraient les chapeauter, préférant vaguement un Edwy Plénel en disgrâce mondaine à un Laurent Joffrin très flatté d’être pressé par Rothschild mais qui tient à rester observateur. Logique de caste. Rothschild voulait Joffrin comme personnalité pour son « plan de refondation » de Libé. Joffrin s’est, il est vrai, vanté d’avoir résisté à quatre grèves. Ça pose son bonhomme. En fait de plan, c’est le plan de sauvegarde qui s’impose, un euphémisme prévoyant surtout de virer entre 70 et 100 salarié-e-s sur un effectif de 285. Six mois d’observation, de sursis, de relance tant bien que mal. Mais en diminuant la pagination, en réduisant les points de vente (pour éviter les effets du “bouillon “ des invendus) et surtout un effectif réduit à portion congrue, on se demande bien quelle magie pourrait opérer pour rendre Libé attractif. Et même ne serait-ce que disponible à tout lecteur.

Mais même avec cette procédure de sauvegarde, Libé n’a pas financièrement de quoi passer l’hiver. Certains rêvent de la recréation d’un « journal de gôche ». Si un tel plan-plan marketing s’offrait l’audace folle de rouler pour Ségolène, ça risque tout bonnement de laisser tout le monde en plan.
Juste avant le 10 octobre, on a pu croire que les perspectives de continuation s’articulaient autour de trois options.
  Un Libé de rigueur, soutenu par Rothschild, avec 70 à 100 personnes à lourder, formule tout entier focalisée par les économies à réaliser. Sur la forme du journal pressenti, aucune intention n’était affirmée.
  Un projet autour d’Edwy Plénel, dont on ne savait rien.
  Le projet d’un Libé light présenté par la direction de la rédaction, où certains journalistes ont cru reconnaître la patte de Joffrin. Ce troisième plan évoque la mutation en un « quotidien haut de gamme », light et sans rubriques. Une demi-douzaine de pages seraient supprimées, et l’actualité ne chercherait pas â être traitée exhaustivement. Trois ou quatre grands sujets par jour, et le reste traité en brèves et dépêches d’agence.
L’AG du personnel du 10 octobre a permis d’y voir plus clair. Des trois plans évoqués, il n’y en avait en fait que deux, celui de la direction de la rédaction et celui de Rothschild/Joffrin n’en faisant qu’un seul. Le gérant provisoire Vittorio de Filippis et la SCPL -la société des personnels- se sont ralliés à la solution préconisée par le banquier en chef du journal. Ce ralliement se fait au nom de la raison économique et sous l’aimable pression de l’administrateur, qui considère que seule une équipe unie derrière un projet unique peut échapper au dépôt de bilan. Quant à l’illusion d’une solution avec Plenel, elle a été balayée, et enterré pour la simple raison que Rothschild n’en veut pas. Vittorio de Filippis et sa bande de copains de la SCPL n’ont fait que paver le chemin pour la mise en œuvre du plan de Rothschild. La semaine dernière, cette fine équipe se répandait en rodomontades souhaitant même un dépôt de bilan afin de permettre l’arrivée de Plénel et de dizaines de financiers prêts à apporter leur obole à Libération, une fois Rothschild évincé. Les mêmes appelaient de leurs vœux à l’éviction de la direction de la rédaction.
Une constante dans ces prospectives : l’option peau de chagrin. De guerre lasse, on ne va pas entendre soupirer : Libé, France-Soir, même combat. Après la lutte de casse, voilà la Françoirisation en marche.


Certains estiment qu’il ne valait pas le coup de se battre pour France Soir. Comme s’il y avait des journaux plus nobles que d’autres alors que le principe de solidarité - ne serait-ce qu’au niveau de la distribution - va de Rouge à Présent. Cela valait la peine de se battre pour France Soir car la situation de ce journal et les errements de ses directions successives étaient symboliques de la situation de la presse quotidienne. Et que l’attitude qu’auront eue la justice et la profession à son égard témoigne de ce comment l’État peut accepter de se désengager d’un titre que le pouvoir ne va pas juger “viable”.

Après France Soir tombé entre les mains d’un promoteur immobilier (Jean-Pierre Brunois) ayant placé à la tête de sa rédaction François Mattéi, qui a commencé sa carrière à... Minute, à qui le tour ? Libé, canard si mal à gauche qu’il en devient maladroit au point de tomber entre les mains d’un banquier clairement à droite et près de ses sous ? L’Huma dont les gains en termes de diffusion ne sauraient masquer une situation financière dramatique ?
Plus de 80 personnes sur le carreau, un journal qui n’est plus que l’ombre de lui-même, un tabloïd qui dit l’ouvrir mais avec lequel on n’a qu’une seule hâte, celle de le refermer. Mais, en tête, même si elle s’est soldée par un échec, une des luttes les plus belles et les plus exemplaires de l’histoire récente de la presse quotidienne.
En tête, ces salariés battant les pavés du traditionnel défilé du 1er mai ou ce journaliste, qui, apprenant que le tribunal de commerce attribue le titre à Jean-Pierre Brunois, rédige sa lettre annonçant qu’il va faire jouer la clause de conscience. Et surtout, plus d’un mois de grève.
Une grève qui a vu toutes les catégories unies, malgré les tentatives du Livre de “lâcher”. Parce que les rotatives devaient tourner, qu’importe ce qu’elles imprimeront, et le France Soir pirate, tiré à quelques centaines d’exemplaires n’aura été qu’un avant-goût de ce journal sortant au même moment que le gratuit de Bolloré, Direct Soir...
Une grève de la dernière chance, pour se faire entendre dans un milieu où l’humain doit se taire face au poids de l’argent. Une grève face à la pénurie de moyens annoncés par le peu de repreneurs au chevet d’un titre au bord du gouffre.
De la méfiance, évidemment, ils en avaient face à Ramy Lakah, homme d’affaires franco-égyptien récupérant un journal exsangue après le régime minceur des Italiens de Poligrafici Editoriale. C’est presque sans surprise qu’ils ont appris que leur journal allait finir en redressement judiciaire. Et de voir, impuissants, des candidats tourner autour du cadavre du journal de Lazareff comme autant de charognards. Pas étonnant qu’ils se soient raccrochés, entre candidatures fantoches et seconds couteaux de la presse, aux promesses d’un homme d’affaires israélo-russe, Arcady Gaydamak, interdit de territoire pour fraude fiscale et ventes d’armes pas très légales.
L’État a refusé ce dernier, la justice a tranché. Jean-Pierre Brunois, sans l’encombrant Olivier Rey, éphémère patron de But ! mais avec ses sous, prit possession d’un journal aux allures de sous-tabloïd, envoyant ses vigiles pour empêcher aux futurs licenciés d’aller faire leur carton.
Au lendemain de la sortie de Direct Soir, le gratuit de Vincent Bolloré, France Soir ressurgit au matin dans les kiosques avec un “numéro un” aussi infamant que salutaire. Infamant parce que Brunois et son équipe niaient ainsi l’héritage historique de ce titre. Salutaire parce que le sous-tabloïd qui tire en deçà de 30 000 exemplaires n’a plus rien à voir avec ce qu’était France Soir, un journal de droite, certes, mais un journal malgré tout.
La lutte de ces salariés a montré qu’ils étaient prêt à se battre jusqu’au bout pour la survie de leur titre. Jusqu’au bout mais pas à n’importe quel prix. Et surtout pas celui de l’infamie.


Nicolas Sarkozy fait expulser les squatteurs de Cachan ? Expulsons, kärchérisons même pour être sûrs, place Beauvau ! Car le ministère de l’Intérieur est occupé par un squatteur hors catégorie, si habile que personne ne rivalise actuellement : un squatteur des médias. Ils sont peu nombreux, ce qui n’empêche pas une forte tendance à l’autoritarisme, à la surestime de soi et au recours systématique au populisme : « Les Français, eux, savent que ce que j’dis, c’est la vérité », nous a récemment lâché le premier flic de France. Ce type de squatteur est très habile, il sait passer inaperçu au début, occupe la scène politique comme les autres. Puis un jour approche une élection présidentielle, en l’occurrence celle de 2007, et paf, il est partout, le mal est fait, il n’y a plus qu’à subir les reportages télé sur les vendeurs de shit de Sarcelles et sur la BAC du 19e, puis du 20e, puis du 18e, etc.
Difficile d’être un squatteur des médias : un travail de longue haleine (plusieurs années) est nécessaire pour monter des réseaux et faire pression sur les rédactions. Gros plan sur un squatteur squattant des médias qui veulent bien se laisser squatter.

Incrusté dans le paysage médiatique

2002, date de son entrée remarquée au gouvernement Raffarin comme ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy est partout. Et va le rester, accroché comme un mollusque à son rocher. À la télévision : en pleine guerre du Golfe, 269 reportages lui sont consacrés sur TF1 et France 2, contre moitié moins à Dominique de Villepin, aux Affaires étrangères ; dans des shows savamment orchestrés quand il convoque les caméras à La Courneuve et parle de « kärcheriser » la banlieue de ses racailles, ou encore récemment aux Tarterêts et aux Mureaux, ou pour exhiber un coup de filet antiterroriste ; sur France 3 où il fait figure de victime de harcèlement médiatique quand il s’exprime sur sa rupture avec Cécilia ; en tant qu’invité pompeusement privilégié de Michel Drucker dans Vivement Dimanche, etc. Dans la presse magazine et quotidienne, Paris Match et le Figaro se disputent la première marche du podium dans leur compétition de lèche-majesté. À la radio, France Info et Europe 1 nous régurgitent en chœur et à longueur de journée la même propagande. Sur Internet : les importuns bandeaux de pub pour son parti ne suffisant plus, le patron de l’UMP a mobilisé une armée de bloggers pour raconter son université d’été. Dans l’édition : son livre Témoignage, sorti en août 2006 (présidentielle, quand tu nous tiens...), s’est bien vendu (il annonce lui-même 320 000 exemplaires), sans compter le nombre d’ouvrages complaisants qui lui sont consacrés. Et, surtout, sur nos plages cet été, chaussé des inimitables tongs UMP indélébiles (qui a dit débiles ?), qu’il a d’ailleurs dû offrir à Johnny et à Doc Gyneco en signe de bienvenue.

Ministre de l’Intimidation

Mais comment ce fils d’immigré s’y prend-il ? Simple : il a compris que pour aller loin il devait bichonner son image, et que les grands patrons des médias pourraient l’y aider. Il est donc devenu leur ami. De Martin Bouygues (il a fait du PDG de TF1 le parrain de son fils) à Arnaud Lagardère, tous deux à la tête de conglomérats médiatiques tentaculaires, Nicolas Sarkozy sait s’entourer mais aussi faire savoir ses moult insatisfactions et exigences. Il a ainsi fait pression sur les rédactions de France 2 et TF1 lors des émeutes en banlieue, il y a un an, pour éviter la dramatisation de la situation. Il a mis des conditions à son passage dans le Grand Journal de Canal Plus : il ne viendrait que s’il figurait aux côtés de Michel Denisot en une de TV Mag, hebdo diffusé à près de 5 millions d’exemplaires en France. Il a été jusqu’à convoquer un éditeur à son ministère pour lui interdire la publication d’une biographie de sa femme fin 2005.
Tout comme il sait utiliser la peur des Français en agitant la lutte contre l’insécurité (que les médias couvrent volontiers en montrant des mômes qui vendent trois barrettes de shit, mettons tous les drogués au cachot et qu’on n’en parle plus), le premier flic de France sait aussi utiliser la peur des rédactions qui, du coup, s’interdisent certains sujets ou reportages, voire collaborent carrément avec le ministère de l’Intérieur. La direction de l’AFP est en première ligne, qui, en été 2005, avait discrètement communiqué des photos permettant d’identifier des syndicalistes grévistes corses s’en prenant à un policier en civil. Impuissants, les photographes de l’agence avaient alors refusé de se voir transformer en auxiliaires de police. Paris Match, en bon deuxième, a fait disparaître d’un entretien avec Yannick Noah une petite phrase qui aurait pu égratigner l’image du ministre : « Une chose est sûre : si jamais Sarkozy passe [en 2007], je me casse. » Comment ? Le Français préféré des Français pourrait fuir notre beau pays des droits de l’homme ? Cachez ces errements verbaux que Sarkozy ne saurait voir... Plus récemment, le directeur de la rédaction de la Tribune a censuré un sondage devant paraître et donnant Royal devant Sarkozy pour 2007, ce qui a poussé les journalistes à voter une motion de défiance envers leur dirigeant.

Perquisitions en série

Mais la plus belle manip’ de Nicolas Sarkozy depuis le début de l’année est bien celle qui a abouti en juin dernier : à sa suggestion, son grand ami Lagardère a « remercié » Alain Genestar, directeur de la rédaction de Paris Match, pour avoir publié des photos de Cécilia Sarkozy en compagnie d’un autre que son mari en août 2005. Un journaliste viré sur une frustration d’ordre privé du ministre de l’Intérieur : la liberté de la presse en danger ?
Allez, encore une couche : depuis que Sarkozy est à l’Intérieur, les perquisitions aux sièges de journaux et aux domiciles de journalistes ont fortement progressé. S’accélérant cet été, les plus récentes ont eu lieu à l’Équipe, au Point, au Midi Libre, à Nice Matin, à France 3-Centre et France 3-Toulouse. C’est l’augure d’une remise en cause du droit des journalistes à garder leurs sources secrètes, et ça finit par faire beaucoup pour un pays où les médias sont censés être libres.

Pas de polémique SVP

Devant tant d’injustice à l’égard des potentiels concurrents de Sarkozy à la présidentielle, François Bayrou a récemment alpagué Claire Chazal en direct sur TF1 pour accuser les grands groupes médiatiques d’être à la botte de Nicolas Sarkozy. Un pavé dans la mare, dit-on de part et d’autre. Un soupçon d’agit-prop en réalité, qui aura servi à faire parler de lui, surtout à TF1, et à vendre beaucoup de papier.
À quelques mois de la présidentielle, un semblant de débat s’ouvre tout de même aujourd’hui sur le thème du « Et ça recommence comme en 2001-2002, il faut s’attendre à des tartines sur l’insécurité », mais à qui la faute ? À des médias dirigés par des corrompus, avides de pouvoir et de millions d’euros, à un système médiatique érigé au service de la rentabilité, véritable rouleau compresseur dédié à l’uniformisation de l’info et au consensus. Tant que l’info ne sera pas d’utilité publique mais au service d’intérêts privés, il y aura de dangereux squatteurs des médias comme Sarkozy. C’est déjà trop.


Emap France, quand la lutte paye.

Trois mois de mobilisations, deux jours de grève, et une belle victoire. C’est comme ça qu’on pourrait résumer la lutte des salariés d’Emap France qui s’est étalée de mars à juin 2006. En effet, début mars, la nouvelle tombe : la société mère londonienne veut rendre Emap France. Immédaitement, les représenatnt du personnel convoquent une assemblée générale le 7 mars. Plusieurs centaines de salariés de l’entreprise viennent pour évoquer une double inquiétude : sociale d’abord sur les conditions économiques du rachat, éditoriale ensuite. C’est autour de ces deux sujets que la lutte va d’ailleurs se structurer, comme l’indique le courrier des élus des CE du 3 mars 2006 : « la crainte qu’un fonds d’investissement financier prédateur ne vienne consommer et démanteler les titres et services Emap en France ; nos vœux se tournant bien sûr vers un industriel des médias solide, qualifié et entreprenant [...]. L’ouverture immédiate d’une négociation sociale (clauses de cession, pigistes, formation/reclassement...) permettant de défricher le terrain avant la validation de la cession. » Le 7 mars, la première AG est convoquée par les représentants du personnels, élus et syndiqués. Des réunions de négociation entre des derniers et la direction ainsi que des AG du personnel se succèderont pendant près de trois mois donc, avec notamment un point fort qui est l’AG du 30 mars. A cette occasion est en effet votée une charte sociale, devant servir de base de négociation avec la direction, vers un projet d’engagement social avec les candidats au rachat. Y sont évoquées plusieurs revendications : « le versement d’une prime exceptionnelle, égale pour tous et représentant 3 mois du salaire moyen d’Emap en France, actant le retrait d’Emap PLC de la presse magazine de l’Hexagone et reconnaissant la qualité de la contribution des salariés à la prospérité de cette entreprise ; la mise en place d’un dispositif extraordinaire de formation entièrement pris en charge par la direction présente ou à venir afin de déployer une politique de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences ; les repreneurs s’engagent sur le principe « pas de licenciement sans qu’un salarié n’ait bénéficié d’au moins deux offres valables de reclassement, interne ou externe, ces offres devant garantir une qualification et un salaire équivalents ; la mise en place d’un système de préretraite d’entreprise garantissant aux salariés de plus de 57 ans un « portage » jusqu’à la liquidation de leur retraite ; l’extension de la clause de cession automatique aux pigistes et précaires réguliers mais aussi au personnel employé ; un engagement des reprenuers sur la pérennité des accords collectifs existants : ARTT (35 h), droits d’auteur ; ces dispositions pérennes du présent accord s’appliqueront pendant deux ans. »
Un ensemble de revendications assez exemplaire, parce qu’il avance deux éléments importants : la redistribution des richesses produites par les travailleurs et l’intercorporatisme, élément suffisamment rare dans nos professions pour être souligné. Cette charte posée, les réunions de négociations se succèdent pendant deux mois, sans aucun résultat. Le 23 mais, réunis en AG, les salariés d’Emap font monter la pression : si rien n’est fait d’ici là, ils appellent à une journée d’action le 30 mai. Et les patrons ne comprenant jamais qu’une menace peut-être réelle, le 30 mai, sans nouvelles de la direction, les salariés se mettent en grève. Celle-ci ne durera que deux jours, la direction s’engageant sur deux points : la signature d’une charte sociale et le rachat du groupe par un éditeur de presse et non un fond d’investissement. Le 9 juin, une cahrte est signée : une période de garantie de l’emploi de 6 mois minimun à partir de la cession effective (gel de tout projet d’externalisation, absence de licenciement économique collectif, principe de remplacement de tous les départs volontaires) ; déploiement dès le mois de juin d’un dispositif de GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences doté d’un budget exceptionnel de 500 000 € (financés par Emap et hors budget du plan de formation ordinaire), afin d’harmoniser les emplois et les qualifications existant dans l’entreprise avec les orientations stratégiques du repreneur ; une prime d’environ 2000 € versée (en deux temps) aux salariés présents à l’effectif hors clause de cession ; une augmentation complémentaire de 0,5 % accordée aux salariés touchant moins de 2300 € bruts mensuels hors primes ; il sera également proposé à une quinzaine de CDD le passage en CDI ». Pas de quoi pleurer... Pour ne pas finir sur une note trop optimiste, avançons une réserve sur le repreneur : le groupe Mondadori s’il est le leader italien de la presse magazine, est une filiale à 50,2 % de Fininvest, la holding de Silvio Berlusconi... ce qui n’augure rien de bon sur les lignes éditoriales et la politique sociale future... Mais gageons qu’après leur victoire, les salariés d’Emap sauront reprendre la lutte lorsque le besoin s’en fera sentir. En attendant, l’exemple sera sûrement à suivre dans un monde de la presse d plus en plus confronté à ce genre de transferts de groupe à groupe... Voilà pour le SIPM l’enjeu : faire de la charte d’Emap une charte globale.


Télérama. Vache à lait et presse-citron

Affolé par les gros besoins financiers du Monde, Télérama ne sait plus où donner de la tête pour accroître rapidement sa rentabilité. Et adopte pour y parvenir une stratégie qui (politique salariale exceptée) accumule incohérences et recettes faussement miracles : une nouvelle formule qui aura englouti plusieurs millions d’euros (aucun chiffre fourni par la direction) passés en pub, défraiements faramineux et coups d’essai ratés ; un immeuble Télérama que Le Monde vend à une société bancaire (il doit beaucoup aux banques) à laquelle Télérama loue ledit immeuble ; un nouveau système éditorial censé accroître la productivité, en chantier depuis
un an, et qui n’est toujours pas au point (coût estimé à ce jour : 1,5 million d’euros). Une gabegie d’autant plus dure à avaler pour les salariés que dans le même temps ils ont vu leur temps de travail augmenter, leur salaire horaire baisser et leur charge de travail croître, lentement mais sûrement, à coups de restructuration de services, de budgets piges et CDD rognés et de départs non remplacés.