Le capitalisme n’est pas humain : si affirmer cela n’est pas inventer l’eau chaude, c’est en tout cas la conclusion à laquelle on arrive, encore, après avoir lu Poste stressante ; en effet, ne se contentant pas de démontrer qu’une privatisation de service public, foireuse par essence, est une très mauvaise idée, le journaliste Sébastien Fontenelle démontre ici que concrètement le management tue, en prenant exemple sur ce qu’il se passe à La Poste depuis quelques années. Considérer ses employés comme des robots qui n’ont pas besoin de marges de manœuvre pour exécuter leur tâche est tout simplement nier leur personnalité, c’est refuser de percevoir ce qu’il y a de précieux, fragile, génial et superbe chez un être humain. Cette technique de gestion sociale, pas qu’appliquée à l’intérieur de l’entreprise, est digne d’un crime contre l’Homme.

Le toyotisme a encore frappé ! Ce n’est pas une maladie honteuse, c’est une mise à mort délibérée, version radicale du taylorisme mise en œuvre chez Toyota, où le projet de vie du travailleur est l’entreprise, où il doit faire de l’aliénation un chemin lumineux vers l’émancipation, où toutes les activités sont, par exemple, millimétrées, chronométrées. À La Poste, on ne produit pas de voitures et on parle de lean management, mais voyez-vous, ouvrir un dossier, c’est tant de minutes, le remplir, le vérifier, le saisir, c’est tant de minutes. Ça fait donc, si on cumule tout ça, tant de dossiers par jour. Si vous n’y arrivez pas, la hiérarchie se charge de vous remonter les bretelles. Harcèlement du petit chef, placardisation, burn-out, suicide (qui, accessoirement, permet de ne pas payer de prime de licenciement)... À La Poste, les tyrans semblent avoir les mains libres.

Extrêmement documenté, cet édifiant ouvrage s’attaque aussi bien à la girouette PS, tantôt préparant la libéralisation tantôt s’engageant contre la privatisation (ils étaient en campagne électorale, faut les comprendre), qu’au processus de privatisation de La Poste, démantèlement, ouverture de capital, au nom, bien évidemment, de la « nécessaire modernisation », du « changement » pour faire face à la concurrence que l’UE a rendu, bonne excuse, obligatoire...

Un travailleur est avant tout un être humain et ça, ça oblige a des considérations morales, ce dont le capitalisme se fiche éperdument. C’est exactement pour ça qu’il nous faut en terminer avec lui...

Bastien
SIPMCS


Sébastien Fontenelle, Seuil, 2013, 185 p., 17 euros