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Parmi les perdants du meilleur des mondes / Le quai de Ouistreham

jeudi 28 octobre 2010, par Greg

Tout en bas

En 1985, Günter Wallraff, journaliste d’investigation en RFA, bête noire du patronat et de la presse de caniveau, se grime et se crée une identité de travailleur turc prêt à faire n’importe quel travail… Tête de turc racontait de l’intérieur l’exploitation effroyable, proche de l’esclavage des immigrés en Allemagne. Le livre vendu à plus de 2 millions d’exemplaires fit l’effet d’une bombe. En 2010, Parmi les perdants du meilleur des mondes rassemble plusieurs enquêtes récentes : Wallraff se glisse dans la peau d’un Noir (comme Griffin à la fin des années cinquante dans le sud des États-Unis), d’un ouvrier d’une boulangerie industrielle ou d’un SDF. Il mène également d’autres enquêtes fouillées sur les cafés Starbucks et ses méthodes redoutables de management et d’exploitation, décrit la corruption au sommet à la Deutsche Bahn, la SNCF allemande, en marche vers la privatisation ou le système souvent illégal et sordide des centres d’appel. À chaque fois, c’est un coup de massue qui dévoile la violence du système et de ses marges !

Avec Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas, dans la filiation de Wallraff, s’est immergée six mois durant dans le monde de la précarité et des petits boulots. Elle nous donne un récit très fort du quotidien et de la galère d’une chômeuse sans qualification, d’une intérimaire qui navigue entre Pôle Emploi et petits chefs et tente d’enchaîner les heures de ménage pour bouffer… Loin du journalisme bobo dont elle a été parfois injustement affublée, ce reportage nous fait partager la vie des prolétaires humiliées et exploitées, travailleuses précaires qui ne sont même plus vraiment des ouvrières tant la déshumanisation et la dévalorisation les éloignent de la vie sociale.

Parmi les perdants du meilleur des mondes, Günter Wallraff, La Découverte (Cahiers libres), 2010, 323 p., 19 €.

Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas, L’Olivier, 2010, 276 p., 19 €.