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Les conseils municipaux d’enfants à Montpellier

ou l’apprentissage de la démocratie selon Georges Frêche

jeudi 27 mai 2010, par Greg

En 2002 je débutais dans le métier et je venais d’arriver sur le poste que j’occupe toujours :
professeur des écoles adjoint à la Paillade, en ZEP, à Montpellier. Peu de temps après la rentrée,
j’ai été contacté par une employée de la mairie responsable des conseils municipaux d’enfants
pour me dire que notre école avait été sélectionnée pour y participer (quel honneur !).

Elle me proposa de venir me présenter le projet, ce que j’acceptais. En fait de présentation, elle déboula dans la classe (je m’attendais à la rencontrer d’abord sans les élèves) et fit une publicité ostentatoire de l’opération aux enfants en la présentant comme acquise. Je me suis donc retrouvé embrigadé dedans, sans avoir eu mon mot à dire. Comme il se doit, tout commençait avec une élection. La responsable exhorta les enfants à mener une campagne électorale : slogan, affiche... A aucun moment il n’a été question de définir un projet ou un programme, ce qui comptait c’était la forme. Des urnes et un isoloir ont été ramenés sur l’école, puis la cérémonie a eu lieu en grandes pompes. Une fois les délégués élus, ils se sont réunis pour élire des super délégués. Ensuite, des réunions avaient lieu le mercredi matin assez régulièrement (toutes les deux ou trois semaines), les élèves délégués en faisaient le compte rendu, mais à aucun moment il ne s’agissait de se prononcer sur l’une ou l’autre des options. Puis une grande messe fut organisée sur le temps scolaire. On me demanda d’emmener ma classe dans la grande salle de la mairie pour écouter le discours de M le maire, ce que je refusais n’y voyant aucun intérêt pédagogique et ayant déjà du mal à assurer les déplacements (pour l’EPS par exemple) avec une classe plutôt agitée. Après plusieurs appels à la directrice et à moi et des explications réitérées, la responsable du projet contacta madame l’inspectrice de l’éducation nationale afin que celle-ci fasse pression sur moi. Comme je ne baissais pas les armes, un arrangement fut trouvé, les élèves délégués de ma classe s’y rendraient avec une autre classe. Ils revinrent bien sur chargés de cadeaux (ce qui arrivait d’ailleurs fréquemment lors des autres rendez-vous). Une autre fois, ils se rendirent à la réunion habituelle du mercredi, mais comme la fois précédente les animateurs de la mairie s’étaient fait ouvrir leur voiture, ils eurent droit à une séance de morale sur le vol en lieu et place de la réunion prévue.

Sur le moment ma première réaction fut de penser que c’était une vaste farce et que la mairie était gonflée à bloc de présenter ce dispositif comme de l’éducation à la démocratie. Réflexion faite, je me suis rendu compte que c’était moi qui était dans l’erreur, j’avais cru qu’on parlait de notre démocratie alors qu’il s’agissait uniquement de la leurre [1]. En effet, de ce point vue tout était cohérent : campagne publicitaire pour les élections, multiplication des échelons hiérarchiques (élèves, délégués et super délégués), cadeaux aux élus, abandon du pouvoir de décision individuelle par la délégation... ■

Franck antoine,
CNT éducation-santé-social 34


[11. Voir le numéro 23 de N’Autre école : « contre leurre école »