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* La nuit sécuritaire

jeudi 4 février 2010, par Greg

Kant, déjà affirmait : « Tout a ou bien un prix ou bien une dignité. On peut remplacer ce qui a un prix par son équivalent ; en revanche, ce qui n’a pas de prix et donc pas d’équivalent, c’est ce qui possède une dignité ». Garder sa dignité devient difficile, quand tout est quantifié au chiffre et à la virgule prêt, même quand il s’agit de rencontrer, d’écouter un autre qui souffre.
Comment résister ? Comment créer ? Tout acte de soins en psychiatrie s’articule autour d’une triade incontournable : ce que je suis, ce que je sais, ce que je fais. Cette articulation ne suppose aucun compromis, ne supporte aucune préférence pour l’un ou l’autre de ces trois composants ; elle détermine notre éthique, la soutient dans sa nécessaire et indis­pen­sable­ réflexion que suscite tout acte soignant.
Cette éthique est une éthique du doute, de l’engagement, de l’incertitude. En ce sens elle nous convoque à une évaluation permanente de nos actes. Ainsi l’évaluation des pratiques professionnelles est au cœur de notre profession.
Tout le travail d’un collectif soignant repose sur ce postulat : échanger, confronter, améliorer, inventer. L’évaluation est alors un mode vivant de construction d’une pensée autour, et avec les patients. Elle participe dans ce contexte de l’évolution de la relation du collectif soignant avec les patients.
L’absurdité des référentiels et des protocoles qui les sous-tendent est destinée à nous aliéner au pouvoir administratif avec de graves conséquences pour notre pratique : le pré pensé, le kit de bonne conduite, le soin du protocole devraient devenir nos références théoriques.
L’attaque est inouïe, frontale, massive. Elle balaie des décennies de praxis. Tout au long de la journée nationale du collectif des 39 – contre la nuit sécuritaire du 28 novembre, la question « quelle hospitalité pour la folie ? » a, dans une atmosphère déterminée, sereine et combative, été le fil rouge du millier de participants qui ont abordé la dérive sécuritaire avec la banalisation de la contrainte, la normalisation des pratiques par le biais des protocoles et des accréditations successives, la déshumanisation du soin par la dislocation des liens entre les acteurs du soin.

(D’après Herve Bokobza, du groupe des 39)

Dernier communiqué du Groupe des 39

COMMUNIQUE DE PRESSE
DU COLLECTIF DES 39

« En amalgamant la folie à une pure dangerosité sociale, en assimilant d’une façon calculée la maladie mentale à la délinquance, est justifié un plan de mesures sécuritaires inacceptables.
Alors que les professionnels alertent régulièrement les pouvoirs publics non seulement sur les conditions de plus en plus restrictives de leur capacité de soigner, sur l’inégalité croissante de l’accès aux soins, mais aussi sur la mainmise gestionnaire et technocratique de leurs espaces de travail et d’innovation, une seule réponse leur a été opposée : attention danger, sécurisez, enfermez, obligez, et surtout n’oubliez pas que votre responsabilité sera engagée en cas « de dérapage ».

Ceci est un extrait de l’appel lancé par le « groupe des 39 » il y a un an contre « la nuit sécuritaire »

Près de 30 000 citoyens (soignants, patients, familles, etc.) l’ont signé.
Nous, soignants en psychiatrie, affirmions dans cet appel :

« Devant tant de « dangerosité » construite, la psychiatrie se verrait-elle expropriée de sa fonction soignante, pour redevenir la gardienne de l’ordre social ? Nous, citoyens, psychiatres, professionnels du soin, du travail social, refusons de servir de caution à cette dérive idéologique de notre société. Nous refusons de trahir notre responsabilité citoyenne et notre éthique des soins dans des compromissions indignes et inacceptables. Nous refusons de voir la question des soins psychiques réduite à un pur contrôle sécuritaire criminalisant outrageusement la maladie mentale. Nous refusons d’être instrumentalisés dans une logique de surveillance et de séquestration. »

Un an après le discours sécuritaire s’amplifie.

Il est appuyé par les projets de réforme de la loi de 1990, par des circulaires dont la dernière, en date 11 janvier 2010, provoque de toute part des réactions de colère tant la main mise du ministère de l’intérieur et « du maintien de l’ordre public » envahit le champ du soin pour tenter de l’assimiler à du gardiennage décidé par le préfet.

Les raisons sanitaires sont bafouées : le préfet décide comme il veut et quand il veut si un patient hospitalisé en HO peut bénéficier de sortie d’essai « décidée » par les équipes soignantes
Par la rédaction de cette circulaire, l’état stigmatise les équipes de soin, jugées laxistes ou incompétentes, s’autorise à restreindre les droits des patients et poursuit le chemin de leur ségrégation.

Le collectif des 39 se félicite des réactions unanimes de la profession contre cette circulaire

Il appelle toutes les associations et syndicats de la profession, les parents, les patients, à mener une action unitaire massive contre cette politique inacceptable et à élaborer des pratiques respectueuses des droits et libertés.

Le collectif des 39 est prêt à engager toute son énergie afin qu’une action de grande ampleur puisse se réaliser. C’est là le seul moyen de stopper cette machine infernale.

www.collectifpsychiatrie.fr

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