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Entretien People and Baby (version intégrale) : bébés rentables, éducs jetables

mercredi 27 octobre 2010, par Greg

Et si dans dix ans, les pouvoirs publics pouvaient décider de vendre au plus offrant l’école primaire ou le collège du quartier. Sans que les parents d’élèves ni les salariés n’aient leur mot à dire, bien sûr. Et si l’entreprise gestionnaire dont le but est de faire du profit, quel que soit son secteur d’activité, préférait la rentabilité de la structure aux projets pédagogiques, et la mise aux pas des salariés, au respect du code du travail (s’il existe encore) , pourrait-on le lui reprocher ?

Impossible ? exagéré ? contraire à l’intérêt collectif ? C’est en tout cas ce qui se passe déjà dans la petite enfance, puisqu’une mairie peut décider de lancer des appels d’offre pour la reprise en gestion par le privé de crèches municipales ou associatives. Ainsi en 2006, la halte-garderie Giono, dans le 13ième arrondissement de Paris a été mise sur le marché de la petite enfance, et reprise par la société People and Baby (P&B), qui gère de nombreuses crèches dans toute la France. L’association « La passerelle » qui était à l’origine du projet et qui gérait le lieu n’a pas eu son mot à dire, et les employées ont vu leurs conditions de travail et leur projet mis à mal. Elles ont donc décidé de créer une section syndicale CNT, et après une journée de grève, en mars 2009, elles ont toutes été mises à pied, trois d’entre elles ont ensuite été licenciées sous prétexte de manquements à l’hygiène et d’insubordination.

Depuis, elles ont multiplié les actions auprès de la mairie de paris et de la direction de P&B, avec le soutien des parents et du syndicat avec l’appui de l’inspection du travail et d’autres syndicats (SUD et la CGT se sont portés partie civile au prud’hommes). Le référé des prud’hommes, qui a eu lieu le 29 juin n’a pas ordonné leur réintégration. Le jugement sur le fond aura lieu en décembre. En attendant, elles tentent de faire connaître et reconnaître l’injustice dont elles ont été victime, et de faire valoir leur droit à avoir leur mot à dire sur leur propre travail. N’autre école a rencontré Sophie, la déléguée syndicale, et Marion, éducatrice de jeunes enfants, licenciée par P&B, elle reviennent sur les circonstances qui les ont amené à cette lutte syndicale (et pédagogique !).

Travailliez-vous déjà chez P&B lors de la reprise en 2006 ?

M. : Non, je suis arrivée en 2007.

S. : oui, je travaillais déjà pour l’association la passerelle, j’ai donc vécu la reprise.

Et les autres ?

La plupart de l’ancienne équipe est partie. Il n’y a que Virginie et moi, ainsi que Pierrette, la personne qui vient nous aider à faire le ménage le soir, qui soient là depuis le début. Cindy avait également travaillé pour l’association mais sous un autre contrat.

M : Moi je suis arrivée dans ce cadre un peu tendu de la reprise récente par P&B, si ils cherchaient des éducatrices, c’est parce que plusieurs professionnelles étaient parties suite à la reprise en gestion. Quand je suis arrivée, j’ai postulé pour P&B, mais j’ai surtout adheré au projet. Et la directrice m’a expliqué qu’elle allait partir et que j’arrivais dans un contexte compliqué, mais que si j’adhérais autant au projet ce serait possible de travailler avec le reste de l’équipe.

Peux-tu nous expliquer en quoi consistait ce projet ? Qu’avait-il de spécifique par rapport à d’autres structures ?

Le projet pédagogique était vraiment centre sur l’enfant, ses besoins et ses intérêts. Pour la mise en place des activités, on attendait vraiment que ça parte d’eux, de leurs besoins, de ce qu’on pouvait ressentir du groupe, de l’ambiance qui régnait dans la garderie pour s’adapter au mieux. C’éait aussi axé sur l’autonomie de l’enfant. Au niveau moteur, on attendait que chaque enfant soit capable de faire les choses pour lui proposer de les faire. C’était aussi le principe d’une ouverture entre les différentes classes d’âges, il n’y avait pas de section, il n’y avait qu’au moment des siestes et des repas que les bébés et les grands étaient séparés. Le reste du temps, petits et grand se cotoyaient toute la journée, et l’intérêt était d’apprendre à vivre ensemble et à se respecter meme si tout le monde n’était pas au même stade de développement.

M : Ce qui m’a également frappé dans ce projet, c’était un grand respect des familles, et un accompagnement dans ce respect, avec une très grande importance accordée aux mots utilisés au dessus de la tête des enfants, en particulier concernant les familles. On respectait chaque famille, sans culpabiliser untel parce qu’il arrivait tard le soir. L’importance du langage dans cette structure m’a vraiment séduite, ainsi qu’un grand respect que je n’ai pas trouvé ailleurs.
M : Oui, un grand respect et une chaleur humaine importante, tout en faisant toujours attention à la place de professionnelles qu’on avait , à la distance professionnelle qu’on se devait de garder pour que le projet fonctionne.Il n’y avait aucun copinage avec les parents, ni d’ailleurs avec les enfants, il n’y avait pas de surnoms, on attendait que les enfants viennent vers nouss’ils voulaient faire un câlin. Il y avait une remise en question constante de notre travail, beaucoup de réunions d’équipe, de communication et de dialogue.

Vous étiez vraiment partie prenante dans le projet et la manière dont était gérée la crèche ?

S : Le projet pédagogique était à l’initiative d’une éducatrice de jeunes enfants et d’une psychologue, c’était quand même un peu hierarchisé par les diplômes, mais il y avait une implication de toute l’équipe par l’importance des réunion, des décisions collectives. Donc personne ne pouvait être indifférent à la reprise de gestion, nous étions toutes impliquées dans le projet, même si c’était à des degrés divers.

Vous aviez travaillé dans d’autres structures “petite enfance” avant celle-ci ?

S : Moi, en tant que professionnelle, c’est la première structure dans laquelle j’ai travaillé. En tant que parent, meme si ça n’a rien à voir, j’ai connu d’autres structures, et c’est grâce à ça et aux stages que j’avais pu effectuer ailleurs pendant ma formation, que je me suis rendue compte du décalage et du travail réa lisé dans cette structure. Je me suis rendue compte à quel point c’était important pour moi, et j’aimerais pouvoir continuer ce travail.

M : Après ma formation, j’ai fait une petite pause. Puis j’ai travaillé pour le “club med”. Ca m’a permis de voir exactement l’inverse et de metre le doigt sur ce que je ne voulais absolument pas reproduire, c’est à dire des groupes de 40 enfants, avec des gens pas forcément très motivés, pas de projets individuels, mais une masse à gérer. C’était une impression de travail à la chaine dont je ne voulais absolument pas. Avant d’arriver à la halte-garderie Giono, j’ai ouvert la porte d’autres crèches pour postuler. Et j’ai souvent ressenti une impression d’inertie, des professionnelles assises sur les chaises avec un enfant sur les genoux pour dire qu’elles travaillent. Ce qui m’a plu là, c’est que je sentais qu’il y avait de la vie et du dialogue.

Comment avez-vous appris le projet de reprise ?

M. : Avec l’association, on avait l’habitude de faire des réunions d’équipe au moins deux fois par semaine, et lors d’une de ces réunions, la psychologue, qui était à l’origine de la création du lieu a tenu au courant toute l’équipe de l’appel d’offre, et ce jour-là, on est toutes tombées des nues, on n’a pas compris pourquoi tout ça…La décision qui a été prise a été de ne pas informer les parents pour ne pas les inquiéter et de postuler nous aussi à l’appel d’offre. On pensait qu’on pourrait continuer à travailler dans les lieux. Mais on avait la même impression, à petite échelle, que quand on voit à la télé des enterprises qui apprennent du jour au lendemain qu’elle vont être délocaliséees. On vit dans l’incertitude d’être “repris” par des gens qui ne partagent pas nos idées et notre manière de penser le travail.

Comment s’est passé concrètement ce changement, quelles ont été les réactions quand vous avez su que People and Baby était le repreneur ?

S : On avait des inquiétudes sur nos conditions de travail et surtout sur le projet pédagogique. On pensait bien qu’il ne serait pas compatible avec le système de l’entreprise, avec ce système clé en main de crèche asseptisée. On avait fait l’erreur de ne pas informer les parents, pour ne pas les inquiéter, mais aussi parce qu’on n’était pas censées le faire pour ne pas influencer la décision. Il nous l’ont reproché. Mais au moment de la reprise de gestion, ils sont tout de suite montés au créneau, auprès de la mairie et des pouvoirs publics, P&B nous a donc garanti que rien ne changerait et que tout irait pour le mieux, et on s’est vite rendu compte du contraire.

Est-ce que vous avez constaté des différences dans vos conditions de travail à partir de la reprise pas P&B ?

M : Les conditions de travail se sont déteriorées. La particularité de ce lieu faisait qu’on recevait beaucoup de stagiaires en formation. C’était important car on avait régulièrement les retours de ces formations, ça nous donnait des éléments théoriques pour éclairer notre pratique. De plus, ces stagiaires permettaient d’avoir plus de professionnelles auprès des enfants. On pouvait donc avoir 8 semaines de conges payés. C’était une des particularités de La Passerelle d’accorder 8 semaines de congés payés aux professionnelles. En effet, un des problèmes de cette profession est l’absentéisme, car il y a vraiment un manque de reconnaissance du travail dans la petite enfance, c’est très physique. Le fait qu’il y ait plus de personnel permettait à la fois d’avoir plus de monde auprès des enfants, mais également qu’on puisse avoir davantage de conges payés. A partir du moment ou P&B a repris la structure, il y avait beaucoup moins de stagiaires, donc beaucoup moins de discussions, nous étions moins nombreuses auprès des enfants, et nous n’avions plus que 5 semaines de vacances.

M : De plus certaines professionelles sont parties au moment de la reprise, et leurs postes n’ont pas tous été remplacés.

S : Selon le cahier des charges, on correspond aux normes d’accueil dans la petite enfance, c’est à dire 1 adulte pour 6 enfants qui ne marchent pas, et un pour 8 qui marchent. On était au dessus à l’époque de la passerelle.

Qu’est-ce qui a changé par rapport à votre projet ?

S : Les normes d’hygiène et de sécurités ont été de plus en plus imposées. Il y avait beaucoup de paperasses à remplir, comme par exemple noter le matin a température des frigos, tout le temps passé en paperasses n’était plus du temps pour les enfants.

M : Dans le projet, tout était basé sur le dialogue, lors de l’accueil, on prenait vraiment le temps de discuter avec les parents, mais pas forcément du nombre de carottes mangées ou des centilitres de pipi qu’ils avaient fait dans leur couche. Et on nous a demandé de remplir des cahiers, avec les températures des biberons, beaucoup de details. Au départ, on a un peu résisté, mais on n’a pas pu faire autrement que de les mettre en place, et ça nous prenait beaucoup de temps, qu’on n’avait plus auprès des enfants.

Qu’est-ce qui vous a amené à envisager la création d’une section syndicale ?

À partir de 2006, la directrice est partie, et 4 directrices se sont succédées. Elles sont arrivées sur la structure avec beaucoup d’a priori, puisqu’on avait clairement dit à P&B qu’on ne voulait pas d’eux. Du coup, les premières prises de contact étaient toujours un peu compliquées. Ensuite, les différentes directrices se rendaient compte du travail qu’on faisait auprès des enfants, et elles ne pouvaient rien nous reprocher, et elles avaient souvent une position “tampon” entre nous et la direction.
Les premières étaient des éducatrices de jeunes enfants, il y avait encore un dialogue possible. Mais les Trois dernières étaient des infirmières, qui n’avaient jamais entendu parler de pédagogie. Comme la présence d’une infirmière est obligatoire sur la structure, P&B les mettaient au poste de direction pour faire des économies. Mais elles n’avaient aucunes compétences et c’était encore une présence de moins auprès des enfants. Dans le projet initial, la directrice était impliquée avec les enfants, elle ne faisait pas que de l’administratif. Les deux dernières avaient une pression énorme de la direction sur le taux de remplissage, certaines normes d’hygiène

M : et elles étaient là pour nous “mater”, puisque c’est ce qui avait été annoncé par la direction.

Le principal problème était donc que vous aviez votre vision du travail, qui ne rentrait pas dans le cadre P&B ?

S : Oui, et les directrices ne comprenaient pas non plus que nous prenions les décisions de manière collective, en réunion avec toutel’équipe.

Ça, c’était la base du conflit, comment est venue l’idée de créer une section ?

S : Avec les deux dernières directrices, les conflits se sont exacerbés, il y a eu des conflits directs avec des professionnelles, des pseudo avertissements, des refus de notre part d’aller en réunion quand elles nous le demandaient, avec des traces écrites de la part de la direction.

M : Le principe dans notre projet était de faire les réunions toutes ensemble, pour avoir toutes les mêmes informations au même moment, prendre les décisionsde manière collégiale, pour cela, on étaient obligées de les faire auprès des enfants, au moment de la sieste. La direction considérait que ça pouvait traumatiser les quelques enfants présent de nous entendre discuter de notre fonctionnement, alors qu’on faisait très attention à ne pas nommer les enfants dont on parlait et à garder les points chauds pour d’autres moments. Ce fonctionnement-là n’était plus possible, et un principe de roulement était mis en place.

S : ça scindait l’équipe en deux, et l’information ne circulait pas correctement.

M : Certaines décisions étaient donc prises sans l’avis de tout le monde.

S : Ensuite une de nos collègues a eu un avertissement, et suite à cet avertissement, on a decidé de se réunir en dehors du travail. On était déjà en lien avec des camarades de la cinémathèque qui étaient à la CNT. On a discuté avec l’un d’entre eux. Et on a décidé de formaliser la lutte informelle qu’on menait depuis un certain temps. La CNT nous a semblé le meilleur outil pour défendre à la fois nos conditions de travail et notre projet pédagogique, car pour nous, les deux sont liés. De plus, on a été séduites par la CNT du fait de son fonctionnement en autogestion, et que toutes les décisions soient prises collectivement, car déjà dans nos pratiques professionnelles, on avait ces habitudes-là. C’est ce qui nous correspondait le plus humainement et idéologiquement.

M : C’était aussi pour ne pas rester isolées et pour rencontrer éventuellement d’autres professionnelles qui subissaient les mêmes problèmes, et se regrouper.


Y a-t-il d’autres syndicats à P&B ?

S : non, il n’y a qu’une élue CGT au CE, qui ne veut rien faire.

M : Pour une entreprise de plus de 1000 salariés.

Comment s’est passée la création de la section ?

S : elle a été créée en novembre 2009, une représentante de section syndicale a été désignée. Il n’y a eu aucune réaction de la part de l’entreprise. On a commence à distribuer des tracts dans les autres structures avec nos premières revendications.

Quelles étaient ces revendications ?

L’amélioration des conditions de travail, la signature d’une convention collective, l’augmentation des congés payés, l’augmentation de la formation, l’arrêt des heures supplémentaires imposées. Bref, le minimum qu’on puisse demander. Dans un de nos premiers tracts, plus spécifique à Giono, on évoquait également nos horaires de travail, qui avaient été modifiées juste après la création de la section, et qui ne permettaient plus à celles qui le souhaitaient de travailler sur 4 jours. Il fallait également fermer la halte garderie à 19h00 au lieu de 19h30, ce qui réduisait le temps d’accueil et de communication avec les parents, et on tenait à garder un qualité d’accueil et une souplesse avec les parents.

M : Quand j’ai demandé à une coordonnatrice pourquoi ces changements d’horaires n’avaient lieu que maintenant alors qu’on nous disait que c’était pour être en conformité avec les règlements, elle m’a répondu que c’était parce qu’avant, nous ne nous rebellions pas….

S : Il y a eu un rendez-vous assez tardif avec le patron et lors de ce rendez-vous, il n’a pas du tout parlé de tout cela. Il m’a proposé de signer une rupture conventionnelle de contrat (RCC), sinon, je risquais des sanctions disciplinaires. Il m’a dit qu’il allait convoquer toutes mes collègues. Sur six professionnelles travaillant auprès des enfants, six étaint syndiquées, et les six ont été ensuite convoquées par Durieux (le directeur).

M : Quand on a vu comment les choses étaient en train de tourner, on a dit qu’on ne se rendrait à aucun rendez-vous sans convocation écrite. On a finalement été convoquées pour “bilan sur notre situation professionnelle”. On savait qu’il ne s’agirait pas exactement de ça, mais on a joué là-dessus en considérant qu’on allait enfin pouvoir parler d’avenir, de projets, et de ce qu’on a envie de metre en place, même si il n’a jamais été possible de parler pédagogie avec P&B (Durieux, quand j’ai signé mon contrat m’a dit “ne me parlez pas pédagogie à moi, je n’y connais rien”). Effectivement, on m’a dit qu’il n’était plus possible de travailler comme ça, que l’équipe allait être explosée et on m’a aussi proposé de signer une RCC. J’ai refusé, et une par une on a été convoquées et on nous aproposé des RCC ou des mutations.

S : face à ces intimidations de la part de la direction, et toujours pour demander de meilleures conditions de travail, on a decidé de faire une journée de grève.

M : C’était le lundi 1er mars. Au cours de la journée, on a continué à recevoir des appels de la direction tentant de nous faire accepter les mutations ou les ruptures de contrat. La journée s’est bien passée, les parents étaient au courant. Le mardi matin, on est arrivées, sur les nouveaux horaires qui nous étaient imposés, et on s’est retrouvées face à une équipe de la direction qui était auprès des enfants qu’on accueillait d’habitude. Un quart d’heure après, j’ai été convoquée dans le bureau, on m’a remis une lettre de mise à pied conservatoire et on m’a demandé de quitter les lieux dans les cinq minutes qui suivaient, sans parler aux enfants ni à qui que ce soit, avec quelqu’un qui me suivait pendant que je préparait mes affaires pour me surveiller. C’était très violent, on entendait les enfants qui pleuraient parce qu’ils étaient confiés à des inconnus, les parents ne comprenaient pas du tout ce qui se passait, ils étaient dehors et ont vu les professionnelles sortir une à une, en larmes ou sous le choc. Mais certaines ont été gardées sous pression toutes la journée, et elles on continué à se voir proposer de signer des RCC. L’une d’entre elles a fait toute sa journée en pleurs auprès des enfants, et on venait régulièrement lui demander si elle voulait signer la RCC. Quand on est sorties et qu’on a discuté avec les parents on a decidé d’aller à la médecine du travail, qui a constaté notre état de stress et de choc.

S : Ensuite grâce au syndicat, qui a eu une très grande capacité de réaction, on a été au courant qu’un salon de la petite enfance se tenait à la Villette. Ça a été notre première démonstration de force, on s’est bien fait entendre alors que P&B parlait à la tribune.
Quand je suis retournée travailler le lundi d’après (j’étais en congés pour une semaine j’étais donc absente le jour et le lendemain de la grève), j’ai également été mise à pied au bout d’une heure. Il y a eu ensuite les entretiens préalables aux licenciements, trois d’entre nous ont été licenciées, alors que la lutte était déjà engagée, et malgré une lettre de l’inspection du travail qui s’interrogeait sur la corrélation entre la journée de grève et les mises à pied. À partir de ce moment là, on a été très soutenues, et on a été convaincues qu’on ne pouvait pas faire autrement que de lutter.

M : Ces licenciements ont eu lieu un mois après la mises à pied, donc pendant un mois, on n’avait pas de salaire, et on ne savait pas à quelle sauce on serait mangées.

S : Parallèlement à ce que nous vivions à Giono, il y a eu la mobilisation contre le décret Morano, “pas de bébé à la consigne”.

Quels sont les points essentiels de ce décret ?

M : la diminution du nombre de professionnels présents avec les enfants, on passe de un pour 5 bébés et un pour 8 enfants qui marchent, à un pour 8 et un pour 12, (rappelons qu’un enfant marche souvent autour de un an...). Il contient également une baisse de l’aide à la formation, donc moins de diplomé(e)s auprès des enfants. Il y a aussi un volet sur le développement des jardins d’enfants pour accueilir les enfants ayant l’âge d’aller en maternelle.
Notre lutte s’est donc inscrite dans un contexte particulier : enfin, la petite enfance se bougeait. Une brèche s’est ouverte à ce moment-là pour parler des conditions de travail des professionnel(le)s de la petite enfance.

S : On a donc participé à toutes les manifestation “pas de bébés à la consigne”, avec de beaux cortèges CNT.

Quel est le lien entre le décret Morano et le risque de privatisation ?

M : le lien n’est pas direct, c’est nous qui le faisons à cause du soucis de rentabilité et des dégradations que cela entraine dans l’accueil de la petite enfance.

S : Le fait qu’on casse la petite enfance dans le public, laisse supposer que c’est pour attirer des entrepreneurs privés.

Quel rôle garde la mairie de Paris dans les crèches gérées par le privé. Gardent-ils un droit de regard ?

S : Il y a très peu de crèches privées sur Paris, environ 3%. Et il y a très peu de liens entre la mairie et les crèches privées, à part un cahier des charges qui ne se souciait pas des employé(e)s. Mais grâce à notre lutte, nous avons obtenu qu’il y ait une clause sociale dans ce cahier des charges pour protéger les salarié(e)s lors des prochaines reprises en gestion. C’est une première victoire du syndicat, meme si nous sommes contre la privatisation des crèches.

M : Le directeur du cabinet du chargé de la pette enfance à l’hôtel de ville a reconnu lui-même qu’il n’avait pas vraiment lu le cahier de charges auparavant, qu’ils ont été impressionnés par le dossier mirobalant de P&B, mais qu’il n’y a pas eu de suivi après la reprise.

Lorsque la mairie répartit les enfants dans les crèches, elle informe les parents s’il s’agit d’une crèche privée ?

S : Non, la directrice de P&B fait partie de la commission d’attribution des places, et les parents ne savent pas que leur enfant est dans une crèche gérée par une enterprise privée.

Et quelle est sa position par rapport au conflit actuel ?

S : La réponse de la mairie de Paris et de la Mairie du 13ième est de dire qu’il s’agit d’un conflit de droit privé, et qu’ils ne peuvent rien faire. On a beau leur dire que ce sont leurs locaux, et que ce sont eux qui sous-traitent, ils ne se sentent pas concernés.

M : Il ont assuré qu’ils ne se positionneraient ni du côté du patron ni du notre, mais il y a eu un témoignage contre nous au procès, de Monsieur Bailly, de la DFPE (direction de la famille et de la petite enfance). Ils se sont donc positionné, mais pas de notre côté.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

S : Par rapport à notre avenir collectif et individuel, on en a parlé à de nombreuses reprises, d’autant que Durieux, pour nous faire cesser notre lutte nous a même proposé un local, pour créer notre proper structure (ce qui, pour des professionnelles qui sont supposées metre en danger les enfants est assez invraisemblable). On a décidé, pour l’instant de mener la lutte jusqu’au bout, aussi bien au niveau de l’action directe qu’au niveau juridique, pour obtenir gain de cause.
A delà de la lutte, on a des pistes de réflexion, on aimerait monter une scoop. Mais il est clair que par rapport à P&B, si on veut garder une légitimité pour mener à bien cette lutte, il faut qu’on reste dans l’entreprise pour continuer à dénoncer leurs exactions et à demander de meilleures conditions de travail pour l’ensemble des salariées. Pour le moment, on est dans l’attente des résultats aux prudhommes.