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Éducation populaire, une utopie d’avenir

dimanche 9 décembre 2012, par Greg

Les conférences gesticulées de Franck Lepage ont remis au goût du jour la riche histoire et le potentiel émancipateur de l’éducation populaire. C’est, entre autres, les entretiens qu’il avait menés il y a quelques années sur ce sujet – et qu’il évoque souvent lors de ses interventions - qui nous sont proposés ici. Mais pas seulement.
L’ouvrage se veut donc à la fois un recueil de témoignages - parfois d’un intérêt inégal, surtout quand l’on se perd un peu dans les enjeux institutionnels ou le récit des querelles entre les différents services administratifs en charge de l’éducation populaire – et une mise en perspective de cette dernière.

Pour les plus jeunes générations, la notion d’éducation populaire, bien que séduisante, reste quelque peu mystérieuse... Le travail de définition porté par ce livre est donc le bienvenu : l’éducation populaire est présentée par Franck Lepage comme la « dimension culturelle du mouvement social ». Très vite en effet on comprend que l’éducation populaire est affaire de culture, c’est-à-dire qu’elle interroge « l’ensemble des stratégies qu’un individu mobilise pour survivre dans la domination » et pose comme principe qu’il ne peut y avoir d’émancipation politique sans émancipation culturelle.

Un temps rattaché au Ministère de la Culture, elle se distingue pourtant radicalement de la démarche prônée, par exemple, depuis Malraux et qui se résume à simplement ouvrir, « offrir » l’accès aux œuvres d’art. Pour l’éducation populaire, la culture est affaire de production, de réalisation, de démystification et non de consommation – et l’on comprend comprend aussi pourquoi l’industrie du divertissement l’a soigneusement tenu à l’écart, tout comme la spécialisation de l’art et le monopole des experts a toujours mis le peuple à distance de la scène culturelle.

De l’éducation scolaire– et du ministère dont on a voulu aussi la faire dépendre – elle conteste le souci de contrôle permanent et la dimension institutionnelle de « police administrative » (selon la formule de Michel Simon) au profit d’une action pédagogique « pure », éliminant les logiques de distinction, de classement, de hiérarchie, etc. communes à la fois au monde de l’art officiel et à celui de l’éducation nationale. Cette ambition est aujourd’hui mise à mal par la volonté de plus en plus grande de faire de la culture un simple instrument d’insertion ou de « réinsertion » sans perspective de transformation sociale.

Nombreux sont les intervenants, d’hier ou d’aujourd’hui, qui insistent à juste titre sur la dimension créatrice de l’éducation populaire ; création et collectif sont probablement les deux termes qui reviennent le plus souvent pour rappeler qu’on ne peut changer le monde sans le comprendre et qu’on ne peut le comprendre sans le changer, une démarche que l’éducation populaire entend mettre en partage et décliner au pluriel. (GC)

Éducation populaire, une utopie d’avenir, coordonné et actualisé par l’équipe de Cassandre /Horschamps à partir des enquêtes de Franck Lepage, les liens qui libèrent, 2012, 198 p., 19,90 €