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Démocratie – autogestion dans la classe

jeudi 27 mai 2010, par Greg

Extraits adaptés par l’auteur pour la revue du livre paru aux éditions l’Harmattan : « Pour une révolution pédagogique » de Jean-Luc Van Der Linden

« Il est paradoxal de constater que les maîtres qui sont des démocrates dans leur vie privée, se comportent en despotes dans leur vie professionnelle. Ils forment des sujets et non des citoyens. » Ce jugement de Tolstoï est certes très sévère. Il est indéniable que depuis le XIXème siècle, les systèmes éducatifs européens ont considérablement évolué. Mais les messages délivrés par les grands/es pédagogues progressistes ont-ils été entendus ? Force est de constater que les enseignants dans leur majorité apprennent avant tout aux enfants, bien avant le calcul ou la syntaxe, la soumission à l’autorité. Les Français ne sont pas des veaux contrairement à ce que prétendait De Gaulle, mais un grand nombre d’entre eux n’a jamais développé son libre arbitre ou sa capacité à se révolter dans cette école qui se prétend formatrice de citoyenneté.
Du fait des difficultés sociales, une pression persiste sur l’école. L’enseignant victime de ces pressions se retrouve le plus souvent seul face à son groupe classe et incarne face à des élèves, victimes eux-mêmes, le poids de l’institution. Rompre avec cette image, sortir du mécanisme infernal d’une pédagogie frontale, s’affranchir d’une gestion autoritariste de la classe restent les voies à baliser afin de mieux pouvoir les parcourir.

Le conseil ou réunion de coopérative

Une classe a besoin de règles pour fonctionner. Des problèmes se posent, est-ce à l’adulte de tout régler, de tout décider ?
Pour répondre à ces questions, la responsabilisation, l’investissement dans la vie de la classe vont être privilégiés.
Les problèmes évoqués sont de deux natures :

– l’organisation de la classe (espace, temps, activités...)

– les relations entre les membres du groupe classe de l’école (vie commune).

Il est important de préciser ici ce qui constitue le point de départ d’une pédagogie coopérative : si l’on pense pouvoir tout organiser sans laisser échapper la moindre parcelle de son pouvoir, il est inutile de songer à la mettre en œuvre dans sa classe. Introduire des changements va être sans aucun doute générateur de difficultés. Comment garder son calme, éviter le stress ?
Freinet nous a appris qu’à chaque problème posé correspond une réponse en terme d’outils ou de techniques. La « Réunion de coop » ou conseil, est la technique qui permet d’introduire une nouvelle organisation, de la modifier et donc de l’améliorer.

[…] Il est indispensable que les enfants soient associés à la bonne marche de la classe. C’est là le seul moyen de sortir de ce rôle infernal d’adulte omniprésent, omnipotent et omniscient. L’adulte n’est plus le seul responsable quand ça va mal. Les enfants ne sont plus ces petits animaux qu’il faut guider tel le bon berger aidé de ses chiens de garde : feuilles de punitions, bons et mauvais points. L’enfant sait être responsable autant, parfois même plus, que certains adultes.
L’important est que les enfants comprennent que l’école est un lieu de vie qui leur appartient et qu’ils ont leur mot à dire quant à l’organisation de ce lieu.

Au début, l’adulte préside la réunion de coop. mais il fera tout pour que cette responsabilité soit rapidement prise en charge par les enfants. Il va donc falloir expliquer aux enfants ce qu’est une coopérative scolaire : c’est une association d’enfants gérée par eux avec l’aide d’un mandataire adulte. L’OCCE (Office Central de la Coopération à l’Ecole) est l’organisme associatif qui permet l’existence légale de la coop.
On peut donc gérer des fonds, financer des projets ou acquérir du matériel. Dans toutes les associations, un bureau doit assurer la gestion. Il en va de même dans la classe coopérative. On va donc procéder à l’élection de ce bureau. […] Les règles permanentes sont écrites sur le cahier du règlement coopératif, les décisions de fonctionnement ( pour la semaine, le mois, pour un projet …) sont inscrites sur le cahier de fonctionnement.

Mise en pratique

On s’installe […] en rond, en ovale ou en carré selon les possibilités matérielles mais de préférence sur un seul rang, le président de séance […] donne la parole, suit l’ordre du jour, veille au respect des règles. Après chaque sujet évoqué et avec l’aide des secrétaires ou de l’adulte, il prononce une phrase de conclusion qui sera notée soit sur le cahier de règlement soit sur le cahier de fonctionnement. Si des achats sont envisagés, le trésorier dira si cela est possible. Les mandatés sont élus pour dix semaines mais peuvent être révoqués à n’importe quel moment sur simple demande d’un membre de la coopérative et après un vote majoritaire.
En cycle 2 les fonctions de secrétaire et de trésorier sont rarement prises en charge par les enfants, c’est donc l’adulte qui doit assumer ces charges.
Nous avons inventé un signe « idem » : main levée avec deux doigts collés. Ce signe permet à chacun d’exprimer son assentiment par rapport à un commentaire, une remarque, une proposition... Le président ou l’animateur de séance dit alors : « Vu les idem ». Cette pratique s’avère très utile dans notre fonctionnement autogestionnaire. A l’usage chacun sait que ce signe lui permet de s’exprimer rapidement sans avoir à répéter ou paraphraser ce qui a déjà été dit. Tout le monde gagne du temps et le fonctionnement démocratique s’enrichit d’autant. Ce qui m’a le plus amusé dans cette technique a été de voir lors des débuts de son utilisation, les enfants s’étonner lorsque l’adulte faisait un idem sur l’intervention d’un enfant. Par la suite, l’idem s’est révélé un instrument très performant dans toutes les situations orales pour permettre à plusieurs enfants de participer en voyant leurs réponses ou leurs interventions prises en compte.

Un encadrement autogestionnaire

Les enfants mandatés et les responsables constituent en plus des adultes le nouvel encadrement qui seul va permettre le fonctionnement autogestionnaire. Cet encadrement est présent dans toutes les activités de la classe. Pendant les temps de travail, mandatés et responsables veillent au bon déroulement des activités pendant que le ou les adultes assument l’aide individualisée (devoirs, Enseignement Assisté par Ordinateur…) et ce, dans tous les lieux de travail (classe ou atelier). Pendant les déplacements, l’encadrement par les enfants eux-mêmes évite les mises en rang (sauf dans les conditions très difficiles) et se rapproche davantage d’un service d’ordre de cortège syndical que d’un défilé militaire.

L’autogestion n’a rien à voir avec l’idée d’un certain relâchement des cadres traditionnels de l’école. Il s’agit en fait d’un transfert de compétence de l’adulte vers des enfants ayant fait la preuve de leurs capacités afin de rompre avec une opposition enfants/adultes et de renforcer la surveillance sous couvert de règles tenant à la démocratie directe.

L’encadrement en termes de règles comme en termes de personnes est donc plus important dans la structure autogestionnaire sans pour autant devenir pesant car la transparence, la rédaction, l’explicitation des règles, le recours aux instances de régulation et l’habitude de l’usage de la parole évitent les incompréhensions et les frustrations. […]
En résumé, une réunion de coop. fonctionne comme une assemblée générale. Elle se réunit sous la responsabilité du secrétaire au règlement et du mandataire adulte qui doit obligatoirement être présent. Un secrétaire au fonctionnement et un trésorier viennent compléter le bureau. Chaque enfant titulaire d’une couleur de comportement suffisante et qui souhaite présider la réunion pourra le faire selon une rotation hebdomadaire. Le secrétaire au règlement a le pouvoir de décider seul mais il sait que, comme tout membre du bureau, son mandat peut lui être retiré par vote majoritaire suite à une demande d’un seul membre de la communauté coopérative. Il décidera seul, lorsque le consensus semble évident, ou que le sujet est mineur, ce qui permet de gagner du temps. Mais il peut aussi consulter le bureau ou l’assemblée générale par vote. Il doit toujours annoncer par avance le mode de décision choisi pour répondre à une proposition. Attention, le vote ne règle rien la plupart du temps. Il vaut mieux parler de sondage. En ce qui concerne les décisions, on recherchera le plus souvent possible le consensus. Le vote n’est pas forcément la démocratie. Il n’y a rien de démocratique dans le fait d’imposer à une minorité les décisions injustes prises par une majorité qui de plus peut être manipulée. La recherche d’une solution qui prenne en compte toutes les opinions et satisfasse tout le monde est parfois plus longue mais a l’avantage d’être plus durable et fait donc ainsi gagner du temps à plus long terme. ■

DÉROULEMENT DE LA RÉUNION DE COOPÉRATIVE ÉCOLE

Compte-rendu de la réunion précédente

Organisation de l’école
(On ne cite aucun nom, la résolution des problèmes est sous la responsabilité de la collectivité dans son ensemble)

Choix des responsables de l’hebdo pour la semaine à venir

Critiques
(On critique nommément en sous-entendant qu’une amélioration devra intervenir, aucune sanction n’est exigée)

Questions diverses d’organisation

Situation des comptes de la coop.

Décisions d’achats

Vie commune
(On critique nommément et une sanction peut être envisagée )

Bilan comportement

Félicitations.

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