Secrétariat international de la CNT

Maroc : la révolte des paysans pauvres d’Aoulouz à Taroudant

Publié le mardi 2 décembre 2008

Les paysans pauvres d'Aoulouz souffrent des survivances du féodalisme qui continue
d'exploiter les terres, l'eau et les hommes en l'absence quasi-totale de réaction
des autorités, depuis la construction du barrage d'Aoulouz à la fin des années 80.

De
nombreuses sources au pied du barrage se sont épuisées, seules en subsistent trois,
qui bénéficient de fuites du barrage.

La source Tafarzazat alimente douze douars,
dont les plus importants sont Zaouiat Si Korchi, Targant, Timelt et Tazmourt, le
plus proche du centre d'Aoulouz.

La souffrance des paysans pauvres a commencé après la construction du barrage, qui a
provoqué l'assèchement de la Saguia de Taboumahaout, la plus proche de la Saguia de
Tafarzazat.


FAUSSES SOLUTIONS

Afin de "sortir" de ce pétrin, le Bureau régional du développement agricole a créé en
2001 une association d'usagers d'eau spécifique aux agriculteurs du secteur
d'Aoulouz pour gérer la crise. Les paysans
pauvres de la Saguia de Tafarzazat, ont refusé de rejoindre cette association.

À partir de ce moment, les Forces auxiliaires ont encerclé le siège de la commune pour
interdire toute expression de refus, réprimer toute dissidence et prévenir un
soulèvement.

Cette association n'était pas destinée à tout le monde : les nouveaux féodaux lui
ont mis le grappin dessus, empêchant les pauvres d'utiliser cette eau pour
l'irrigation. Cela a poussé certains paysans à se tourner vers la justice pour
obtenir réparation. La masse des paysans pauvres a attendu les résultats de la
procédure judiciaire.

Depuis 5 ans, les paysans de la Saguia de Tafarzazat souffrent de l'injustice à leur
encontre, à cause de leurs opinions politiques. Le maire les a punis pour leurs
positions lors des élections de 2003, les privant de l'eau de la saguia, la
détournant vers la Saguia de Taboumahaout, ville alliée qui l'avait l'ont soutenu.

Un sommet
a été atteint au cours de la saison agricole 2007/2008, lorsque le maire a refusé le
droit naturel à l'eau pour l'irrigation, provoquant l'assèchement des récoltes. Ne
pouvant plus récolter un seul grain de blé ni une seule olive – et leurs oliviers
menacés de mourir – il ne restait plus aux paysans qu'à se soulever contre le
féodalisme.

C'est alors, en mars 2008, qu'ils ont rejoint le syndicat agricole
d'Aoulouz, après avoir épuisé les tentatives de dialogue avec le maire, les
autorités se montrant incapables de trouver une solution équitable, face au poids du
féodalisme.

L'UMT a alors entrepris un dialogue avec les autorités de Taroudant en présence de
représentants du Ministère de l'Agriculture et de l'Équipement et de l'Agence de
l'Eau du Sous Massa-Drâa.

8 mois de discussions n'ont abouti à rien.

Un jugement a condamné l'Association d'usagers à verser 1,17 millions de dirhams aux
paysans victimes des privations d'eau.

Face à la faillite de l'association, son président – le maire-adjoint et frère du
maire – a convoqué une assemblée générale le 22 Juin 2008 pour renouveler la
direction, afin de donner une légitimité aux violations subies par l'association.

LES PAYSANS SE SYNDIQUENT POUR FAIRE RESPECTER LEURS DROITS

La syndicat des paysans d'Aoulouz a organisé plusieurs manifestations contre le
maire d'Aoulouz et son frère le président de l'association. La première a eu lieu devant la
sous-préfecture le 9 avril 2008.

Puis une journée de solidarité avec les paysans de
Tafarzazat a été organisée le 18 Mai 2008, à laquelle ont participé plusieurs journalistes,
l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) et des partis politiques, qui ont pu
voir de leurs propres yeux la souffrance des paysans de Tafarzazat.

La manifestation
suivante a eu lieu le 22 Juin devant la mairie, durant l'assemblée générale fantoche
convoquée par le président.

L'association a encaissé en 8 ans environ 700 millions de centimes, dont seuls 40
ont été investis dans un pressoir à olives. Le reste s'est envolé. Le président a
favorisé dans les attributions d'eau des utilisateurs parmi ses amis, qui ne sont même
pas des paysans.

Malgré tout cela, le président de l'association a été reconduit dans ses fonctions
par les autorités.

Les paysans pauvres de Tafarzazat ont alors créé leur propre association pour l'eau
et l'irrigation. Ils en ont informé les autorités, le bureau régional du
développement agricole, les services de l'Équipement et l'Agence de l'eau régionale.
Mais ils n'ont pas le reçu de dépôt de leur association. L'UMT a alors engagé des
discussions avec les autorités pendant deux mois. Conclusion : la faillite de
l'association d'usagers a été constatée, il faut la dissoudre et créer trois
associations, une par saguia. Le mois de septembre 2008 a été choisi pour mettre en
œuvre cette décision. Les autorités d'Aoulouz et les responsables des trois services
gouvernementaux n'ont rien pu faire face aux féodaux. Le syndicat a donc engagé un
dialogue direct avec la province de Taroudant, tandis qu'à l'extérieur, 36 paysans
faisaient un sit-in le 11 Septembre. Leurs délégués syndicaux ont été reçus à
plusieurs
reprises par le chef de cabinet du gouverneur, demandant que celui-ci prenne un
arrêté de dissolution de l'association fantoche.

Lors de la dernière réunion le 23 Octobre 2008, la province a promis une date de
rencontre pour la semaine suivante. Puis plus rien. Comme on était au début de la
nouvelle année agricole, les paysans, déjà stressés, éprouvaient une grande
angoisse, entretenue par les menaces de la milice à la solde du président, qui ont
dressé une liste de paysans contre lesquels engager des poursuites judiciaires. En
tête de cette liste, Mohamed Zorrit, injustement accusé de voler de l'eau de la
Saguia Taboumahaout. Il a été arrêté à Taroudant le 14 Juillet 2008,il a passé 10
jours en prison puis il a été relaxé, après que son innocence a été prouvée.

Cet acte répressif a semé la terreur chez les paysans de Tafarzazat, ce qui a
enflammé la situation. Il ne leur restait plus qu'à exprimer leur colère. Ils ont
donc tenu un sit-in devant la province de Taroudant le 4 Novembre 2008, soutenus par
l'Association marocaine des droits de l'homme, les syndicats, les partis politiques
et les militants. 60 paysans ont passé une nuit devant la province, demandant
à être reçus par la gouverneur, qui les a enfin reçus le 5 Novembre à 13 heures. Ils
ont exposé leurs problèmes et leurs revendications. La date du 20 Novembre était
convenue pour régler le différent entre les paysans de Tafarzazat et le président de
l'association d'usagers de l'eau.

Leur seule revendication était de pouvoir être indépendants de cette association en
faillite et de pouvoir gérer leurs affaires eux-mêmes à travers leur propre
association.


UMT - Fédération des Travailleur-ses de la terre.

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