Secrétariat international de la CNT

L’état espagnol sort la "loi muselière"

Publié le mercredi 2 avril 2014

Décidément, l’Espagne est devenu un pays précurseur en Europe. C’était déjà le cas en 1936 quand la révolution espagnole et la guerre qui la suivit annonçaient le futur de l’Europe.

Aujourd’hui les événements sont moins dramatiques au premier abord, mais outre le démantèlement des droits que les travailleurs avaient obtenus de haute lutte, parfois sous le franquisme même, est venu s’ajouter la menace sur les droits des femmes à disposer de leur corps. Comme une suite logique la criminalisation de la liberté d’expression et de manifestation est au programme législatif du gouvernement espagnol. Le 29 novembre la « loi muselière » a été adoptée et devrait être votée au Parlement.

Cette loi faite sur mesure pour contrer le mouvement social punit de peines de prison ou d’amendes exorbitantes toute manifestation de mécontentement. Elle définit trois types d’infractions : très grave, grave et légère. Les premières sont passibles de peines d’amende allant de 30 à 600 000 euros, les deuxièmes à 1001 à 30 000 et les dernières de 100 à 1000 euros. La participation à une manifestation non autorisée pourra coûter jusqu’à 30 000 euros. Initialement, elle était comptée parmi les actes les plus graves, mais magnanime, le pouvoir a concédé que cet acte n’était pas “très grave” mais seulement “grave”, ce qui a fait redescendre la pénalité.
Appeler sur des réseaux sociaux à participer à une manifestation pourra aussi être puni d’une peine de prison. De même que l’occupation d’édifices publics, ou de bâtiments officiels. Résister même pacifiquement à l’autorité sera assimilé à un acte terroriste et pourra occasionner 4 ans de prison. Si on s’est contenté de bloquer les transports publics, on en sera quitte pour deux ans de prison. Par contre, l’insulte à policier passe de très grave, donc passible de 600 000 à légère, soit 1000 euros. On ne peut que conseiller aux manifestants espagnols qui seraient arrêtés dans une manifestation non autorisée de se laisser aller à insulter les policiers. Quelques milliers d’euros en plus ou en moins à ce niveau-là, ça ne changera pas grand chose.

Plus sérieusement, cette loi totalement liberticide et rédigée sur mesure pour réprimer le mouvement social allie l’iniquité au cynisme. Non seulement on interdit toute expression de révolte, mais on en profite pour remplir les caisses de l’État en volant l’argent des opposants. Et en remplissant les prisons déjà surchargées en Espagne comme en France.
La loi prévoit aussi des peines pour la diffusion d’images de policiers, pouvant porter atteinte à leur sécurité et leur honneur, définition vague qui interdira de fait toute prise de photos non seulement de policiers maltraitant quelqu’un et usant de violence mais même une simple photo où le policier est reconnaissable pourra valoir à son auteur des milliers d’euros d’amende. La diffusion d’images où apparaîtraient des membres des forces de sécurité était quand même classée “très grave” avant de devenir “légère”...
Bien entendu le fait de porter un foulard ou une casquette sera “très grave” ainsi que la destruction de mobilier urbain ou l’incendie de poubelles. Un autre crime sera d’offenser ou d’insulter par écrit ou verbalement l’Espagne, les communautés autonomes, leurs symboles ou emblèmes. Pour cette nouvelle infraction créée de toutes pièces, les peines seront de 7 à 12 mois de prison et 30 000 euros d’amende.

Cette loi ubuesque ne sort pas d’un esprit malade mais est bien représentative de ce que nous propose la démocratie ultra libérale, nouvelle forme du capitalisme. Il est probable qu’anticipant les protestations de la gauche parlementaire et radicale le gouvernement espagnol ait mis la barre très haut pour négocier avec l’opposition une loi moins liberticide, mais qui introduira encore des reculades pour les libertés fondamentales. Même si le PSOE est aujourd’hui dans l’opposition, il ne faut pas oublier que c’est en 1992, sous le gouvernement de Felipe Gonzalez, que les premiers coups ont été portés, par la loi Corcuera qui autorisait entre autres les perquisitions sans demande préalable au juge.

C’est là le visage du capitalisme actuel, celui qui a laissé tomber le masque de la social démocratie : disparition du code du travail et aggravation du code pénal.

avril 2024 :

Rien pour ce mois

mars 2024 | mai 2024

S'abonner à notre lettre d'information :