La gratification des stagiaires en travail social est rendue désormais obligatoire pour les stages de plus de trois mois, dont la convention a été signée à compter du 2 février 2008, par le décret du 31 janvier 2008. Les modalités d’application de ce décret, qui rentre dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances, sont précisées par une circulaire de la DGAS du 27 février 2008 qui, loin d’apporter un éclairage rassurant concernant cette mesure, vient au contraire renforcer les inquiétudes légitimes des travailleurs sociaux en formation.

Communiqué

Gratification des stagiaires en travail social : une mesure à double tranchant

La gratification des stagiaires en travail social est rendue désormais obligatoire pour les stages de plus de trois mois, dont la convention a été signée à compter du 2 février 2008, par le décret du 31 janvier 2008. Les modalités d’application de ce décret, qui rentre dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances, sont précisées par une circulaire de la DGAS du 27 février 2008 qui, loin d’apporter un éclairage rassurant concernant cette mesure, vient au contraire renforcer les inquiétudes légitimes des travailleurs sociaux en formation.

Si le principe de gratification des stages constitue à priori une avancée pour les étudiants en travail social, dont bon nombre est confronté à des situations de précarité, il s’avère que sa mise en œuvre est à double tranchant, et ce pour plusieurs raisons.

En effet, l’instauration de cette gratification des stages révèle une profonde inégalité. Seul le secteur associatif est tenu de verser une gratification aux stagiaires qu’il accueille alors que les services de la fonction publique ne sont pas concernés, sans que cela soit justifié. Cela implique donc que, pour une formation et une durée de stage identique, certains stagiaires seront gratifiés alors que d’autres ne le seront pas. En outre, le surcroît budgétaire qu’entraîne pour les associations l’obligation de gratifier les stagiaires n’a pas été prise en compte dans la prévision des budgets 2008, déjà bouclés au moment de la parution du décret. Ainsi, cette incohérence de calendrier et cette disparité entre services publics et secteur privé feront que les étudiants en travail social seront dans l’impossibilité de trouver des stages dans le milieu associatif, terrain pourtant innovant et particulièrement formateur pour de futurs professionnels.

Par ailleurs, la circulaire de la DGAS ne fournit aucune indication précise sur les modalités de prise en charge financière de la gratification. Sans pour autant donner de garantie, elle avance le fait que les collectivités territoriales et les centres de formation doivent être mis à contribution. Il apparaît cependant que le financement par le biais des collectivités territoriales soulève certaines interrogations portant notamment sur les conditions qui pourraient être imposées aux associations concernant leurs orientations en contrepartie de l’octroi d’enveloppes budgétaires, ce qui aurait comme effet possible de renforcer le clientélisme local. De plus, les disparités en terme de moyens qui existent entre les régions ne feraient que placer les étudiants face à une autre inégalité, géographique cette fois.

Puis, la rétribution directe du stagiaire par l’institution qui l’accueille risquerait, de fait, d’instaurer entre eux une relation quasiment salariale et donc de créer un lien de subordination. Cela ne manquerait pas d’accentuer les dérives déjà existantes qui consistent bien souvent à considérer les stagiaires comme des salariés d’appoint ou des « bouches trou ». Le stagiaire reste un professionnel en formation qui a vocation, dans le cadre de son stage, à se confronter à la réalité du terrain mais pas nécessairement à la réalité salariale. Assujettir le stagiaire en travail social à son terrain de stage, c’est appauvrir la qualité de l’expérience qu’il pourrait en tirer.

Rappelons aussi que le montant de cette gratification est plafonné à 398.13€, soit nettement moins que le seuil de pauvreté. Comment imaginer que les étudiants puissent vivre et couvrir les frais directs ou annexes de leur formation avec un si faible revenu ? Logement, transports, coût de la vie quotidienne…représentent une charge bien supérieure au montant de cette gratification qui ne sera que ponctuelle. Donc, même si cette mesure est dans son principe positive, elle est du point de vue financier également insatisfaisante et ne règle pas la question de la précarité.

Dans ce contexte, de nombreux étudiants risquent aujourd’hui de ne pas trouver de terrain de stage et de ce fait de compromettre leur formation.

La fédération CNT santé social & collectivités territoriales considère que c’est à l’Etat, initiateur de cette mesure, de prendre ses responsabilités et de financer les gratifications par le biais de budgets gérés de manière déconcentrée dont l’octroi serait en dernier ressort confié à un tiers. De plus, la gratification des stagiaires doit être appliquée au secteur public dans les mêmes conditions que dans le domaine associatif puisque rien ne vient justifier cette inégalité de traitement. Enfin, cette gratification doit concerner l’ensemble des étudiants en travail social indépendamment du diplôme préparé, notamment les moniteurs éducateurs.

Ainsi, la fédération CNT santé social & collectivités territoriales appelle les travailleurs sociaux en formation mais également les travailleurs sociaux en poste et les formateurs à intensifier la mobilisation. Elle soutiendra les étudiants en lutte et prendra part au mouvement qui se dessine pour défendre leurs intérêts et obtenir satisfaction à leurs revendications.

Fait à Paris, le 22.03.08