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La Coutume ouvrière, la revue de presse

- N’Autre école, n° 15, printemps 2007

Maxime Leroy (1873-1957), juriste de formation, docteur en droit de l’université de Nancy en 1898, entre, à partir de 1903, dans plusieurs
cabinets ministériels avant d’être nommé juge de paix, une fonction qu’il exerce jusqu’en 1944. De 1938 à 1949, il enseigne à l’École
libre des sciences politiques. Il est admis en 1954 à l’Académie des sciences morales et politiques. Situé dans le courant du socialisme
juridique de la fin du XIX e siècle et du début du suivant, il prend d’abord parti pour le droit des fonctionnaires à se syndiquer puis élargit son champ d’intérêt à l’ensemble du syndicalisme, auquel il
consacre de nombreux articles avant la publication en 1913 de La Coutume ouvrière.

L’évolution du mouvement ouvrier après 1918 ne l’empêchera pas de continuer à s’intéresser de près à la question syndicale, comme l’atteste, entre autres, son livre Les Tendances du pouvoir et de la liberté en France au XX e siècle, paru en 1937. Cependant, rien de ce
qu’il publiera de 1913 à sa mort n’est comparable, par sa profondeur et son ampleur, à ce qui reste son plus grand livre, La Coutume ouvrière, fruit d’une dizaine d’années de travail, mené à une époque
où M. Leroy est un des rares intellectuels proches du syndicalisme révolutionnaire, avec les dirigeants duquel il entretient des relations suivies : on prétend même qu’il aurait été présent au moment de l’élaboration, en octobre 1906, de la motion issue du IX e Congrès de la CGT, la fameuse « charte » d’Amiens.

Le présent livre offre le tableau le plus fidèle de ce que fut la CGT d’avant la Première Guerre mondiale, de ses structures internes, de
son histoire et de la doctrine qui inspira ses fondateurs et ses animateurs. Malgré son souci d’impartialité, Leroy n’y cachait pas ses sympathies pour ce « régime d’égalité et de liberté, basé sur le travail,
que les syndicats préparent patiemment depuis la scission qui s’est produite entre producteurs et bénéficiaires de la production ».
Il était temps sans doute que cet extraordinaire ouvrage soit enfin tiré de l’oubli dans lequel les éditeurs l’ont laissé pendant des décennies et que les lecteurs soucieux de mieux connaître l’histoire du mouvement ouvrier français puissent enfin en prendre connaissance.

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- Alternative Libertaire, n° 162, mai 2007

Lire : Leroy, « La Coutume ouvrière »

Les éditions CNT-RP portent à leur catalogue un ouvrage mythique, paru en 1913 et jamais réédité depuis, une référence de premier ordre pour les historiennes et les historiens du syndicalisme.

La Coutume ouvrière du juriste Maxime Leroy (1873-1957) est, sans aucun doute, un très grand livre. Par son format, bien sûr, mais aussi par la masse de lectures sur laquelle il repose, qui en font une somme sans pareille sur un sujet peu exploré, le syndicalisme français d’avant 1914, dont l’auteur fut un “ compagnon de route ” bien plus discret que les flamboyants théoriciens du Mouvement socialiste, Georges Sorel et Hubert Lagardelle.

Représentant du “ socialisme juridique ”, son intérêt pour le mouvement syndical se manifesta très tôt par la publication de nombreux textes consacrés au droit des fonctionnaires à se syndiquer, intérêt qui alla de pair avec l’attention portée au syndicalisme ouvrier, auquel il dédia dès le début du siècle une série d’articles qui sont autant d’essais préparatifs à La Coutume.

Voulant marquer ce qui fait l’originalité de sa démarche, Leroy note que son livre n’est pas “ une histoire du mouvement ouvrier mais le travail d’un juriste face à un système juridique particulier : le droit ouvrier spontané, œuvre directe et originale du prolétariat groupé dans ses fédérations, coutume libre sans caractère judiciaire ”. Il s’agit, ce faisant, d’expliquer “ les statuts des associations ouvrières comme autant de lois ”, puisque “ confronter les règles d’atelier, les règles de grève, les règles de la coopération entre ouvriers, c’est étudier un système juridique qui n’est que prolétarien ”. Leroy rompt là-dessus avec la quasi-totalité de ses pairs, lesquels ne reconnaissent pas le caractère juridique de règles qui “ ne dépendent pas, même indirectement, de l’autorité publique ”.

C’est donc sur la “ vie intérieure, [la] vie autonome juridique ” des syndicats que porte en priorité son effort, un terrain négligé par tous ceux qui, avant lui, se sont penchés sur le mouvement syndicaliste. Et, en effet, on trouve dans l’ouvrage de Leroy, le tableau d’une précision incomparable, de tous les rouages de la “ machinerie ” syndicale. Mais Leroy n’omet jamais de mettre en perspective historique les thèmes abordés, que ce soit la formation des syndicats ou l’idée – fondatrice du syndicalisme français – de grève générale, ou encore les relations entre le syndicalisme et les partis, un sujet magistralement traité dans “ L’obligation syndicale à la neutralité politique ”, qui fait justice de la prétendue “ nouveauté ” de la déclaration d’indépendance contenue dans la “ charte ” d’Amiens.

Il accorde de même de longs développements aux pratiques propres au syndicalisme révolutionnaire (l’action directe, le boycottage, le label, le sabotage) et à sa théorie de la grève, à sa doctrine antimilitariste et apatriotique, et, enfin, à son inspiration fédéraliste dont il signale (Livre VIII) combien elle est redevable à l’héritage proudhonien et à celui du courant anti-autoritaire de la Première Internationale.

Et s’il n’hésite pas à prendre ses distances avec certaines pratiques du syndicalisme révolutionnaire, s’il défend – à l’instar de Lagardelle – l’idée d’une politique syndicaliste ou s’il met le doigt sur les contradictions qu’il croit percevoir parfois entre la pratique et la doctrine syndicalistes, il n’en avoue pas moins sa “ sympathie pour le régime d’égalité et de liberté, basé sur le travail, que les syndicats préparent patiemment depuis la scission qui s’est produite entre producteurs et bénéficiaires de la production ”, un sentiment qui ne se démentira pas tout au long du livre. Ce n’est pas là un des moindres mérites d’un ouvrage paru en 1913 et qui nous apparaît à présent comme un monument de l’histoire du syndicalisme. Il est heureux qu’il soit mis enfin à la disposition des lecteurs d’aujourd’hui.

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- Gavroche n° 150, avril 2007

Livre culte pour les passionnés d’histoire sociale, La coutume ouvrière de Maxime Leroy (1873-1957) est, à n’en pas douter, un très grand livre. Et il ne l’est pas seulement par son format mais aussi, et surtout, par l’extraordinaire masse de lectures sur laquelle il repose, qui en font une somme sans pareille sur un sujet en définitive assez peu exploré, le syndicalisme français d’avant la Grande Guerre , dont l’histoire a surtout retenu la fameuse « charte » d’Amiens, à la rédaction de laquelle on a voulu parfois associer le nom de Maxime Leroy (1).

Sa réputation étant bien loin d’égaler celle d’un Georges Sorel, il convient de dire quelques mots de la vie et de l’œuvre de M. Leroy (2), « compagnon de route » discret du syndicalisme français d’avant-guerre, lié à certains des animateurs les plus connus de la CGT de l’époque. Ces fréquentations, plutôt inhabituelles chez les diplômés des facultés de Droit, ne l’empêchèrent pas d’accomplir un parcours professionnel et académique des plus (bourgeoisement) honorables, qui, à partir d’un doctorat de droit obtenu à Nancy en 1898, le mena à l’École des sciences politiques puis à l’Académie des sciences politiques et morales, où il fut admis en 1954. Auteur étonnamment prolixe dans des domaines qui excédaient souvent sa spécialité d’origine, on lui doit même une série de livres dédiés à des figures philosophiques ou littéraires, entre autres Descartes, Fénelon ou Sainte-Beuve. Plus attendue, en revanche, sa collaboration à l’édition des œuvres complètes de Proudhon, qui fut – avec Saint-Simon – un de ses plus constants inspirateurs.

Représentant sui generis du socialisme juridique, son intérêt pour le mouvement syndical se manifesta très tôt par la publication de nombreux textes consacrés au droit des fonctionnaires à se syndiquer, qui accompagnèrent la campagne menée en ce sens par des syndicalistes de la fonction publique. Cet intérêt alla de pair avec l’attention portée au syndicalisme ouvrier, auquel il dédia dès les premières années du siècle une série d’articles qui furent autant d’essais préparatifs à son chef-d’œuvre paru en 1913 chez Giard et Brière.

Voulant marquer ce qui fait l’originalité de sa démarche, Leroy note que La coutume ouvrière n’est pas « une histoire du mouvement ouvrier » mais le travail d’un juriste qui aborderait un système juridique particulier, le « droit ouvrier spontané, coutume libre sans caractère judiciaire ». Il s’agit pour lui d’expliquer « les statuts des associations ouvrières comme autant de lois » puisque « confronter les règles d’atelier, les règles de grève, les règles de la coopération entre ouvriers, c’est étudier un système juridique qui n’est que prolétarien » en rompant là-dessus avec l’immense majorité de ses pairs qui ne reconnaissent pas « le caractère juridique de ces règles parce qu’elles ne dépendent pas, même indirectement, de l’autorité publique ». En conséquence, c’est sur la « vie intérieure, [la] vie autonome juridique » des syndicats que porte en priorité l’effort de Leroy, un terrain négligé par tous ceux qui, avant lui, n’ont retenu du mouvement syndicaliste que la « doctrine, la valeur des syndicats, leur force de résistance, leur nombre, leurs défaites, leurs victoires ».
Cependant, si l’ouvrage, fidèle en cela aux promesses de son auteur, brosse un tableau d’une énorme précision de tous les rouages de la « machinerie » syndicale, depuis sa cellule de base – le syndicat – jusqu’à son « sommet », la Confédération générale du travail, en passant par la formation des fédérations professionnelles et les bourses du travail, Leroy ne néglige jamais de mettre en perspective historique les thèmes qu’il aborde, comme l’atteste, par exemple, le chapitre inaugural du Livre I, significativement intitulé « Formation historique de l’obligation ouvrière d’adhérer à un syndicat ». Et il en va de même de la formation des syndicats, de l’idée de grève générale ou des relations entre le syndicalisme et les partis, un sujet traité exhaustivement dans « L’obligation syndicale à la neutralité politique », qui montre la continuité dans laquelle s’inscrit la déclaration d’indépendance de la « charte » d’Amiens.

Il accorde de même de longs et passionnants développements aux pratiques caractéristiques du syndicalisme révolutionnaire (l’action directe, le boycottage, le label, le sabotage) et à sa théorie de la grève, à sa doctrine antimilitariste et a-patriotique, et, enfin, à son inspiration fédéraliste dont Leroy signale (cf. Livre VIII) combien elle est redevable à l’héritage proudhonien et à celui de la faction anti-autoritaire de la Première Internationale.

Et s’il n’hésite pas à marquer les réserves que lui inspirent certaines des pratiques auxquelles pousse le syndicalisme révolutionnaire – le sabotage au premier chef, auquel il répugne autant que Sorel –, s’il défend, contre les principaux porte-parole de la CGT, l’idée d’une politique syndicaliste (« dans un sens autre que le sens gouvernemental ») ou s’il met en relief les contradictions qu’il croit apercevoir parfois entre la pratique et la doctrine syndicalistes, il avoue dans sa préface avoir écrit son livre « avec sympathie pour le régime d’égalité et de liberté, basé sur le travail, que les syndicats préparent patiemment depuis la scission qui s’est produite entre producteurs et bénéficiaires de la production », un sentiment qui ne se démentira pas tout au long du livre.

Ce n’est pas là un des moindres mérites d’un ouvrage qui nous apparaît, près de cent ans après sa parution, comme un monument d’histoire sociale. Il était temps, certainement, qu’il soit mis à la disposition des lecteurs d’aujourd’hui.

Miguel CHUECA

1. Au passage : contrairement à ce que dit Daniel Lindenberg dans le n° 24 de la revue Mil neuf cent, le mot « charte » figure bel et bien dans La coutume ouvrière.
2. Sur le parcours de M. Leroy, on lira l’article « Maxime Leroy, la réforme par le syndicalisme » d’Alain Chatriot (Mil neuf cent, n° 24.).

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- Sur le site Anarlivres

Coutume ouvrière. Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le syndicalisme d’action directe et sur la Confédération générale du travail (CGT) d’avant la Première Guerre mondiale avec cette monumentale étude enfin rééditée. Maxime Leroy (1873-1957), juriste de formation, fut un des rares intellectuels proches du syndicalisme révolutionnaire. Publié en 1913, cet ouvrage constitue une analyse sociologique, juridique, organisationnelle et historique irremplaçable. Passant en revue la composition du syndicat, son organisation, les obligations réciproques, il aborde ensuite les fédérations professionnelles, les bourses du travail, la CGT, les sociétés coopératives, les moyens de lutte, le fédéralisme et l’internationalisme ouvrier. C’est un outil indispensable pour tous ceux qui souhaitent mieux connaître l’histoire du mouvement ouvrier et qui veulent construire un syndicalisme de combat, libertaire et révolutionnaire. Indispensable !

 
A propos de éditions CNT-RP
Michel Bakounine, présentation de Frank Mintz, 2006, 72 pages. Ce court livre, le second de la collection « Classiques » des Éditions CNT, rassemble deux textes essentiels de Bakounine, « La politique de l’Internationale » (paru en 1868 dans L’Égalité) et « Organisation de l’Internationale » (publié (...)
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