La ré-écriture du code du travail à laquelle on assiste actuellement dans le plus grand silence est, dans le privé, l’un des pendants de la remise en cause du statut de la fonction publique (beaucoup plus médiatisée car, dans ce secteur, les syndicats gardent une petite capacité à mobiliser, ce qui oblige l’Etat à sortir l’artillerie lourde du matraquage médiatique afin de les isoler et de les affaiblir).

Dans le privé, la stratégie est bien entendu inverse. Les syndicats étant faibles et très divisés selon les secteurs économiques et les salariés étant "illettrés" en matière de connaissance de leurs droits les plus élémentaires, l’Etat avance masqué et il est d’une discrétion inouïe, se contentant des quelques grosses ficelles habituelles pour faire passer d’énormes couleuvres.

La ré-écriture actuelle du code du travail a peu de chance de sortir du sérail de l’inspection du travail qui n’est concernée qu’au second chef (bien moins concernée en tout cas que le salarié lambda du privé) et qui, comme toute corporation, est très repliée sur elle-même. Peu de chance également de sortir des salons feutrés des hautes instances des "grandes" centrales syndicales qui ont, depuis longtemps, fait le choix de s’émouvoir par des communiqués de presse symboliques et confidentiels plutôt que de faire œuvre d’instruction et d’éducation des salariés. Il n’y a donc rien à attendre d’elles.

Il y a cohérence à mettre cette recodification en corrélation avec la volonté d’enrôler les fonctionnaires de l’inspection du travail dans la chasse à l’étranger. Cohérence également avec la fermeture de 63 prud’hommes sur 271 et avec la transmission aux tribunaux pénaux (qui sont, si on sort de la langue de bois, littéralement à la botte du gouvernement et du patronat) de certains types d’affaire du droit du travail (pendant que d’autres échappent à toute possibilité de poursuite).

Très concrètement, imaginez que votre employeur décide de ne pas vous payer le salaire du mois. Imaginez qu’il préfère un salarié tout frais sorti de l’ANPE et motivé pour retrouver du boulot, plutôt que de recourir à vos services (parfaitement échangeables sur le marché du travail, mais qui ont le démérite de ne pas être subventionnables par l’Etat). Traditionnellement, le salarié allait demander des infos à l’inspection du travail qui passait un coup de fil, faisait un petit courrier... Puis, le salarié saisissait les prud’hommes....

Demain, si vous avez la chance d’être syndiqué (comme 8% des salariés du privé), de travailler dans une grosse boite ou de travailler dans une ville qui a un prud’homme, vous arriverez à récupérer votre dû.

Par contre, si vous travaillez dans une PME, n’êtes pas syndiqué (comme plus de 95% des salariés des PME), habitez un bled pommé, êtes ignorant de vos droits et résigné à tout, vous n’aurez plus qu’à espérer n’être pas dans la catégorie des travailleurs étrangers démunis de titre de séjour et expulsables. Dans tous les cas, vous partagerez leur sort d’esclave. Votre employeur, lui, percevra : 1°) la plus value habituelle que vous aurez payée en tant que consommateur, 2°) le salaire que vous auriez du toucher mais que vous vous êtes fait siffler à la fin du mois de travail, 3°) les subventions pour l’emploi aidé de votre remplaçant. Pour vous : la facture... avec les remerciements du patron !

Franchement, il n’y a ici aucune exagération. La politique menée depuis cinq ans avec Chirac est, comme on peut s’y attendre, accentuée par son héritier. Elle conduit inexorablement à multiplier les marchands d’esclaves quelle que soit la couleur de peau de ceux-ci (surtout dans les petites entreprises qui, pour résister à la concurrence des gros, seront tentées d’en profiter). Elle conduit à organiser l’impunité de leurs abus. Le reste n’est qu’une question de loterie : bons secteurs économiques / secteurs économiques en mauvaise passe, employeurs philantropes (ou du moins légalistes) / employeurs je-m’en-foutistes (ou sans scrupules), etc.

Un militant du syndicat CNT des travailleurs de l’industrie et des services du Nord (STIS-CNT 59), contrôleur du travail à l’inspection du travail de Lille.

Extrait du site de l’UR-CNT 59/62 : http://www.cnt-f.org/59-62

Décembre 2007


Pour en savoir plus, télécharger l’étude réalisée par Richard Abauzit, ancien inspecteur du travail, en cliquant ici :

http://www.cnt-f.org/59-62/CASSE_DU_CODE_DU_TRAVAIL_analyse_Richard_Abauzit.pdf

(format pdf - 45 pages - 439 ko).