Les adhérents de la CNT ont lu d’un oeil amusé l’article du 21 mars 2015 consacré à leur Confédération par Le Figaro dans le cadre de la mobilisation du 9 avril. Ne nous attendant pas à nous voir jeter des fleurs dans ce journal, nous n’allons pas hurler au loup. Puisque vous nous offrez votre attention, nous ne voudrions pas rater l’occasion de placer un petit mot.

D’abord, vous poussez un peu : dire que nous souhaitons « profiter » de la mobilisation de FO et de la CGT pour « faire parler de nous », c’est un peu coquin. Quand même, il nous arrive souvent d’être présents sur des mobilisations où ne sont pas les autres syndicats. Quant à attirer l’attention, ça a bien marché : vous êtes entrés en contact avec nous. Néanmoins, nous ne voudrions pas que le fait de donner suite à vos sollicitations et de répondre aux questions de votre journaliste soit interprété comme une tentative assidue de séduction pour tenter de passer dans vos colonnes.

Ensuite, nous saluons votre esprit civique soucieux de mettre en garde vos lecteurs contre la terrible menace que nous représentons. Nous serions « habillés de noir et pas toujours très propres », selon « le patron d’un syndicat plus réformiste », dont une telle révélation valait bien la peine de préserver l’anonymat. Vous avez sans doute, par pure charité, évité d’ajouter pouilleux et alcooliques. Vous avez eu raison, il ne faudrait pas tomber dans la caricature.

Tout de même, comme la plupart d’entre nous ont aussi des enfants, des amis ou un travail, et parfois plusieurs de ces avantages cumulés, nous quittons régulièrement notre uniforme noir et prenons une douche. À peu près autant que la moyenne de la population.

Si comme vous le faites dire à Mme Lecocq de l’Institut supérieur du travail, « [notre] présence dans une manifestation, et c’est la présence des forces de l’ordre qui se multiplie automatiquement », c’est peut-être un peu exagéré. Éventuellement parce que l’Institut supérieur du travail est avant tout un lobby fondamentalement capitaliste dirigé par Bernard Vivier, candidat aux législatives en 1978 avec le soutien de Jean-Marie Le Pen. Mais nous ne doutons pas une seconde de l’impartialité de cette « expertise ».

Et puisque vous évoquez nos origines, nous sommes bien d’accord avec vous : la Confederacion Nacional del Trabajo était en vue dans l’Espagne des années 40. Dans les cimetières, les prisons ou en exil. Votre patron ne doit pas l’ignorer, lui. Son papa aura au moins eu le mérite de fournir des avions aux Républicains. Et si nous n’oublions pas qu’il était patron et marchand d’armes, on ne peut pas le soupçonner d’avoir eu des sympathies pour l’extrême droite européenne. Il aura au moins refusé de mettre ses avions au service des nazis et aura été déporté pour cela à Buchenwald. Un sort qu’il aura eu en commun avec bien des militants de la CNT en exil, qui connurent le camp de Mauthausen.

Les origines de l’IST, elles, sont plus à chercher dans le patronat collaborationniste. Pas le même standing.

Toutefois, nous ne sommes pas rancuniers et nous lançons un appel à l’auteure de cet article et à ses collègues de la rédaction du Figaro : si des fois ils avaient un problème avec leur employeur, nous connaissons un « groupuscule » qui sera prêt à les défendre.

La CNT.