Le fichier Edvige prévoyait de ficher les mineurs de plus de 13 ans « susceptibles de troubler l’ordre public », et « les personnes ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, ou jouant un rôle institutionnel, économique, social ou religieux ». On le voit bien, tout le monde était concerné. Tous ? On imagine mal la police renseigner les fiches des barons du Medef, pourtant capables de ruiner une région entière par un licenciement boursier, ou le sinistre Sarkozy pourtant capable de déclencher des émeutes par son simple mépris des jeunes de cité affiché dans les médias. Évidemment, ces gens qui imposent l’ordre, leur ordre, ne peuvent être suspectés de le troubler. Avec Edvirsp, nouveau nom d’Edvige, il s’agit toujours de surveiller toute personne ou groupe qui peut à un moment ou à un autre aller à l’encontre de cet ordre parce qu’il les exclue, les licencie, les réprime, les marginalise…

Et ce qui choque dans Edvirsp, c’est que tout le monde est potentiellement concerné. Ce fichier révèle au grand jour l’horreur d’un système qui, depuis des années, pose les moyens technologiques d’une dictature totalitaire en construction et qui attend l’événement (attentat, guerre, émeutes) capable de plonger dans une peur panique une population anesthésiée de consommation et de télévision et qui appellera au secours une main de fer. Jusqu’ici, la manipulation sécuritaire fonctionnait tant bien que mal, on mettait le focus sur certaines populations désignées comme menaces par les gouvernements et les médias : immigrés, musulmans souvent assimilés aux terroristes, délinquants sexuels, jeunes de cité, prisonniers, et dernièrement… anarchistes, afin de faire croire au reste de la population qu’elle n’était pas surveillée mais au contraire protégée d’individus présentés par les médias comme rodant autour de nous prêts à nous envahir ou à nous égorger, véritable caricature moyenâgeuse du brigand, de l’assassin, du voleur de poules. Le but étant de détourner l’attention des vrais fauteurs de violence : l’économie et l’État.

C’est pourquoi peu de gens s’étaient soulevés quand la gauche a commencé à lâcher les chiens : n’est-ce pas Michel Rocard qui a créé le fichier étendu et officialisé aujourd’hui par le fichier Edvirsp ? Puis en 2001, quand Jospin créait le fichage ADN, soi-disant réservé aux délinquants sexuels, et qui aujourd’hui peut être utilisé pour avoir volé un paquet de chewing-gums ? Les mesures antiterroristes sont maintenant étendues aux opposants radicaux par une circulaire antianarchiste du ministère de la Justice. Le fichier Eloi fiche tous les étrangers et toute personne qui les côtoie. Les tasers, les flash-balls, les policiers infiltrés, les bandes de la bac… et s’il est possible de hiérarchiser dans cette accumulation d’horreurs, la pire des mesures à combattre serait la rétention de sûreté, qui permet à l’État de garder en prison une personne sans limites s’il juge qu’il est « suceptible » de recommencer.

Toutes ces mesures font partie d’un tout : les dirigeants économiques et politiques savent que le capitalisme craque déjà, et peut craquer à tout moment, provoquant la révolte de millions de personnes. Sauver l’ordre social passerait alors par une violence considérable, et le but de ces mesures est d’entourer le plus possible les individus dans des dispositifs de contrôle qui se refermeront sur eux comme un piège au premier signe de révolte, afin d’éviter toute extension de celle-ci. Dénoncer Edvirsp aujourd’hui est nécessaire, car c’est la première grosse erreur du système sécuritaire, puisqu’il révèle enfin à la population que tout le monde peut-être fiché, arrêté arbitrairement, mis sur écoute, violenté par les forces de l’ordre… Mais ce ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, et tout le monde doit prendre conscience que la peur qu’on nous injecte à chaque journal télévisé, à chaque « allocution » d’un ministre, est un poison qui nous divise, et qu’à chaque fois qu’on abandonne une population à la violence de l’État qui prétend nous protéger des immigrés, des prisonniers, des jeunes, etc., on se retrouve soi-même de plus en plus surveillé par les outils de contrôle et de répression créés sous ce prétexte. Ceux qu’on cherche à protéger, ce ne sont pas les bons petits Français qui rentrent chez eux le soir, et qui paient leur carte Orange, non, ce sont les spéculateurs, les grandes fortunes boursières et les patrons, et surtout l’économie capitaliste qui doit leur assurer des profits permanents, coûte que coûte, et pour qui tout mouvement de grève, de révolte exprimée dans la rue, constitue une menace pour leur pouvoir et leurs profits. Il est temps maintenant de stopper cette évolution sécuritaire du système, et d’affirmer haut et fort les vraies préoccupations sociales de l’écrasante majorité de la population qui subit la régression sociale permanente qu’on lui impose.

Luté Cévivre Santé-Social RP

Ce 1er juillet, par un simple décret, le gouvernement a révélé à la population française l’horreur du système que l’État met en place depuis que la fin de l’URSS a laissé le monde occidental sans l’ennemi n° 1 qui était jusque-là le « communiste » criminalisé, les « rouges », caricature facile pour dénigrer tous ceux qui voulaient changer la société. Edvige était née. Par un second décret, transmis à la Cnil le 19 septembre, Edvige devient Edvirsp (Exploitation documentaire et valorisation de l’information relative à la sécurité publique), version édulcorée, mais tout aussi dangereuse. Sans même parler de Cristina, sa petite soeur classée secret défense…

LE COLLECTIF « NON À EDVIGE » APPELLE À L’ORGANISATION CE 16 OCTOBRE, PARTOUT EN FRANCE, DE RASSEMBLEMENTS CITOYENS DEVANT LES PRÉFECTURES POUR RÉCLAMER LE RESPECT DES DROITS DÉMOCRATIQUES FONDAMENTAUX.