Depuis plusieurs mois, la mobilisation ne faiblit pas dans l’éducation. Les motifs de mécontentement sont nombreux, depuis la maternelle jusqu’au supérieur. Rappelons d’abord, en gros, les différentes raisons de ce mouvement.

Darcos veut laisser son nom en proposant une nouvelle réforme du primaire qui correspond à un retour en arrière sans précédent : apprentissage par cœur, morale… tous les ingrédient de Ferry, Jules. L’école du xixe siècle. Là-dessus vient se greffer le problème de la « Base élèves », fichier tentaculaire permettant de classer la population en bons et mauvais éléments. On sait ce que, en d’autres temps, aurait pu produire un tel fichage : mais la police de Vichy n’avait pas d’ordinateurs. Bref, pour le primaire, la coupe est pleine.

Le secondaire est aussi touché, en particulier par les réductions de postes, l’ambition étant de ne pas remplacer un départ à la retraite sur deux, alors que c’est maintenant que s’arrêtent de travailler les générations du baby-boom. Les dotations horaires vont rétrécir comme peau de chagrin, ne permettant plus les dédoublements, les enseignements rares… Tout cela ne va pas dans le sens d’une amélioration de la qualité de l’enseignement, mais, après tout, le but recherché est de faire des économies. Il faut bien payer les cadeaux aux riches, qui, eux, pourront mettre leur progéniture dans des établissements d’excellence, privés comme il se doit. Sans oublier bien sûr la réduction des études professionnelles, de quatre à trois ans, avec en vue la suppression du BEP.

Pour le supérieur, ce qui agite les esprits, c’est la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités dans les universités), qui va exacerber la concurrence entre les universités et les livre, pieds et poings liés, aux intérêts du privé. La recherche fondamentale, en recul, risque de ne pas s’en remettre. Qu’importe, tant qu’on peut vendre des centrales à la Libye ou à la Chine. Mais pour combien de temps encore ? Dans ce train de mesures, tous, parents, élèves, enseignants, administratifs, doivent se sentir concernés. Malheureusement, trop souvent, l’émiettement dû au syndicalisme corporatif gêne une mobilisation beaucoup plus large, sauf à attendre des grandes journées d’action comme celle du 15 mai dernier, où l’on a pu voir tous les syndicats dans la rue.

Mais les lycéens, qui ont commencé la lutte dès février, sont restés bien seuls et se sentent encore bien seuls face à la répression des administrations et des proviseurs. Après la mobilisation, c’est le retour de bâton. Là aussi, la nécessaire convergence des luttes devrait amener les enseignants à se solidariser avec les élèves pour empêcher les mesures disciplinaires allant jusqu’au renvoi pur et simple. Mais le tableau est brouillé, parce qu’il n’y a pas vraiment de rapport entre la lutte des élèves du professionnel, souvent issus des classes sociales les plus défavorisées, qui sont déjà des victimes du système de sélection, et les lycéens qui sont passés à travers. Surtout lorsque, dans les manifs, on risque de croiser ceux, les profs, qui vous ont impitoyablement rejeté vers un BEP (souvent vécu comme une orientation par l’échec).

Cerise sur le gâteau, pour afficher un peu plus son mépris, le président a décrété que les grèves, c’était fini, que le service minimum va devenir obligatoire, le temps que le parlement croupion vote une loi, pendant l’été, parce que, c’est bien connu, une grève de profs, l’été, ça ne gêne pas grand monde… Ajoutons à tout cela un zeste de mécontentement quant à l’effritement du pouvoir d’achat, alors que certains n’hésitent pas à s’augmenter royalement, et la perspective de travailler encore plus longtemps pour ne pas gagner moins à la retraite, et on obtient ce mélange instable et détonnant. Alors la grève, c’est bien, mais si nous n’allons pas jusqu’au bout, nous serons broyés par cet esprit de revanche de la droite qui hait les fonctionnaires. Mais la grève, ce n’est pas assez. Nous savons ce que nous ne voulons pas, osons réfléchir à ce que nous voudrions, parents, élèves, enseignants, administratifs, comme école émancipatrice, juste, et réellement au service des populations.

Jean Giskan STE 75-