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Latelec, sous-traitant d’Airbus et du néo-colonialisme, face à la révolte de sa main d’œuvre tunisienne

Les tunisiennes : une main d’œuvre bon marché pour le capitalisme aéronautique français

samedi 19 juillet 2014, par Emile

Tunis, le 19 juin 2014, après avoir épuisé tous les moyens qui étaient à leur disposition pour obtenir leur réintégration, deux ouvrières tunisiennes, licenciées par l’usine française Latelec entament une grève de la faim. Un an après leur licenciement, et trois ans après avoir créé un syndicat qui voulait combattre les cadences infernales et les salaires de misère imposés par la direction, ainsi que le harcèlement sexuel de la part des cadres hommes, aujourd’hui ces ouvrières préfèrent mourir que se taire.

Les tunisiennes : une main d’œuvre bon marché pour le capitalisme aéronautique français

La société Latelec, filiale de Latécoère, fabrique des câblages aéronautiques pour les grandes multinationales françaises du secteur : Airbus, Dassault, SNECMA. En 1998, Latelec s’installe en Tunisie, dans la zone industrielle de Charguia, dans la banlieue de Tunis. En 2006, au sein de la zone industrielle d’El Mghira, non loin de la ville de Fouchana et du gouvernorat de Ben Arous, à quelques kilomètres au sud de Tunis, Latelec ouvre une deuxième usine. C’est dans cette dernière qu’une lutte d’ouvrières tunisiennes débute au début de l’année 2011, dans le souffle de la révolution partie des régions intérieures marginalisées – insurrection de Redeyef en 2008, et soulèvement du gouvernorat de Sidi Bou Zid qui s’étend à tout le pays en décembre 2010 et janvier 2011.

230 ouvriers travaillent à l’usine Latelec de Fouchana, 90% sont des femmes. Elles réclament des salaires dignes, le paiement des heures supplémentaires, des congés qui leur sont refusés, et la fin des insultes et du harcèlement sexuel qu’elles subissent de la part des cadres locaux et dirigeants français.

Le salaire n’est pas seulement trop bas, les conditions de travail sont terribles, nous subissons des insultes, du harcèlement sexuel, des abus envers le code du travail et la loi tunisienne. Ils ne respectent même pas le code du travail, il y a beaucoup d’heures sup’ et nous n’avons pas le droit de dire non. Nous risquons le licenciement, des sanctions, des jours de mise à pied. Les heures sup’ sont normalement encadrées par la loi, c’est à dire que la loi permet à la société de dégager des heures supplémentaires, 20 heures par mois par employé. Mais nous travaillons 60 à 70 heures par semaines, nous travaillons 3 à 4 heures de plus par jour et nous revenons pour travailler le week-end, nous explique Sonia Jebali, une des grévistes de la faim.

En mars 2011, elles créent une section syndicale UGTT, syndicat « de base » dynamique, et indépendant de la bureaucratie syndicale tant régionale que nationale, afin de satisfaire leurs revendications, mènent plusieurs grèves, et arrivent à gagner sur différents points grâce à la lutte, notamment le paiement des heures supplémentaires et par conséquent l’embauche de nombreuses salariées. Mais la question de l’établissement d’une grille de salaire correspondant au travail effectué a été le combat le plus dur. Jusqu’à aujourd’hui, la direction française de Latelec ne se contente pas de repousser d’un revers de la main leurs demandes, elle réprime violemment ces ouvrières tunisiennes qui ont osé hausser le ton. Après les promesses mensongères qu’elles surent déjouer, suivirent les menaces de morts, les passages à tabac dans l’usine, les propositions de corruption au bureau de la section syndicale de Fouchana (comme cela a certainement pu être fait dans l’autre site Latelec pour y maintenir le silence), et finalement le licenciement en avril 2013. Les déléguées syndicales sont licenciées, mais aussi des membres de la « ceinture syndicale », c’est à dire les plus actives et politisées, dix ouvrières au total. Quant aux ouvrières encore en poste, elles ne touchent toujours pas plus de 120 euros par mois (un peu plus de 240 dinars), et sont de nouveau contraintes de réaliser de nombreuses heures supplémentaires non payées sous la pression d’une direction qui a réussi à « virer » les « éléments subversifs ».

Des ouvrières syndiquées qui dégradent « l’image de marque » d’Airbus

Pendant une longue année, les ouvrières licenciées ne renoncent pas à leurs droits, certaines d’entre elles partent en France pour tenter de trouver du soutien chez les syndicats, notamment à Toulouse, où se trouve le siège de Latécoère. La mobilisation continue en Tunisie, où plusieurs manifestations sont organisées devant l’ambassade de France. Ce qui vaudra à Airbus de porter plainte contre ces femmes, déjà licenciées, pour atteinte à son « image de marque ». Mères de famille, certaines reçoivent aussi des plaintes des banques, dont elles ne peuvent plus rembourser les crédits. Début mai 2014, cinq des ouvrières licenciées sont réintégrées, mais pas les autres, et surtout pas les déléguées, sans lesquelles le syndicat ne peut plus exister légalement.

Le 19 juin, les deux déléguées débutent donc leur grève de la faim dans les locaux de l’inspection du travail à Tunis, avant d’en être délogées par la police. Elles se replient dans les locaux de l’UGET (union générale des étudiants tunisiens). Alors que l’union régionale UGTT de Ben Arous, à laquelle est reliée l’usine de Fouchana, appelle à la grève les 16 et 17 juillet, sous la pression des ouvrières, la direction régionale et nationale de l’UGTT fait durer un silence embarrassant, alors que le gouvernement tunisien ignore purement et simplement ces tunisiennes qui font face toutes seules aux patrons français.

Monia Dridi, une des déléguées syndicales licenciées envoie dès octobre 2013 son message à l’Élysée :

L’État français, François Hollande, a une responsabilité directe dans la situation. L’État est actionnaire d’Airbus dont Latécoère est sous-traitant. Lorsque Hollande vient en Tunisie pour parler des droits de l’homme, qu’il commence par s’occuper de nous. Nous voulons des actes pas des paroles, pour voir si la France respecte les ouvriers en Tunisie.

Elie Octave et Julie C.

Voir en ligne : http://www.cnt-f.org/international/Latelec-sous-traitant-d-Airbus-et-du-neo-colonialisme-face-a-la-revolte-de-sa-main-d.html

Soutien aux ouvrières tunisiennes en grève de la faim contre leur licenciement par une multinationale française

Publié le 17 juillet 2014

En Tunisie, deux ouvrières de SEA Latelec-Fouchana sont en grève de la faim depuis le jeudi 19 juin, soit vingt-cinq jours au 13 juillet. L’une d’entre elle, la déléguée UGTT Sonia Jebali, est aujourd’hui sous la menace de séquelles physiques irréversibles.

SOUTENEZ LES OUVRIÈRES DE LATELEC EN GRÉVE DE LA FAIM POUR LEURS DROITS !!!

Dans la région de Tunis, depuis le 19 juin 2014 soit plus de 25 jours, deux salariées de Latelec-Fouchana sont en grève de la faim. Elles luttent depuis de longs mois contre le licenciement abusif de quatre ouvrières, dont les deux principales animatrices du syndicat UGTT. La dégradation de l’état de santé des grévistes de la faim a nécessité plusieurs séjours à l’hôpital. Ejectées par la police de l’Inspection du travail où elles avaient entamé leur grève de la faim, elles sont aujourd’hui dans les locaux de l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET) où elles poursuivent leur action en compagnie d’un salarié licencié de l’entreprise voisine Leman Industrie, également en grève de la faim.

Des délégations d’organisations de la société civile leur ont rendu visite et ont ainsi permis de les soutenir moralement.

Lundi 23, un rassemblement de soutien devant l’ambassade de France à Tunis a été dispersé par la police.

Dans l’usine, des ouvrières ont porté des brassards rouges en signe de solidarité, puis ont débrayé massivement.

Vendredi 27, la direction avait enfin accepté de recevoir une délégation de quatre personnes mandatées par les grévistes de la faim (la direction refuse en effet de discuter avec les deux déléguées UGTT Sonia et Monia). Mais à l’heure du rendez-vous, la direction a annoncé par téléphone qu’elle refusera de signer un procès-verbal à l’issue de cette réunion. Elle a de plus essayé de diviser les salariées en lutte en ne voulant discuter que du cas des deux déléguées syndicales, et pas celui des deux autres licenciées.

Conformément au mandat qui lui avait confié, la délégation a alors refusé de rencontrer la direction dans de telles conditions. Elle a obtenu le report de la rencontre au lundi 30 après-midi, de façon à pouvoir négocier dans des conditions plus correctes.

Encore une fois, c’est bien la direction de la multinationale française Latécoère et sa filiale tunisienne Latelec, avec un aveuglement digne d’une autre époque, qui bloque l’avancée de la négociation. Elle se permet, avec cette attitude arrogante, de traiter ces salarié-e-s comme le faisaient les entreprises françaises au temps de la colonisation.

La suite à lire sur : http://rebellyon.info/Soutien-aux-ouvrieres-tunisiennes-en.html