C’est un beau roman, c’est une fausse histoire (2/3)

> Billet d’humeur du syndicat du BTP, 17 mars 2022

Depuis l’exil forcé de millions d’ukrainien-ne-s, les pays européens ressortent le mythe de la « terre d’accueil » et définissent les critères du « bon réfugié ».

« Migrant.e.s » ou « exilé.e.s » ?

Dans une interview du 8 mars 2022, Josep Borell, vice-président de la commission européenne, réagit à l’exode des ukrainien.ne.s fuyant les bombardements :

Il faut se préparer à devoir accueillir 5 millions de migrants, non pardon, ce ne sont pas des migrants, ce sont des exilés.

Avec nos modestes prétentions, nous voilà donc contraint.e.s de faire un cours de sémantique à ce brillant ingénieur, membre du Parti socialiste espagnol (PSOE).



«  Migrant.e » est une personne qui migre, qui se déplace d’un point à un autre.

Donc les ukrainien.ne.s, qui sont en ce moment même sur les routes, sont bien des migrant.e.s, n’en déplaise à M. Borell.

Par contre, un.e syrien.ne qui vit en France depuis plusieurs années n’est plus un.e migrant.e, puisqu’il/elle ne se déplace plus !

« Éxilé.e » est une personne qui a quitté, volontairement ou sous la contrainte, son pays. Elle vit donc en exil.

Les ukrainien.ne.s sont aussi des exilé.e.s, au même titre que les afghan.ne.s, les syrien.ne.s, les soudanais.es, etc. qui ont quitté leur pays et vivent donc en… exil.

Ça paraît simple, non ? Alors, pourquoi cette distinction ?

Les mots sont importants.

En fait l’intervention de Josep Borell révèle à quel point ces termes sont instrumentalisés pour leur donner des connotations différentes : le/la méchant.e « migrant.e » contre le/la pauvre « réfugié.e » ou « exilé.e ».

Ceci notamment parce que l’extrême droite est parvenue à imposer l’image du mauvais « migrant » pour alimenter le mythe de « l’invasion migratoire » et du « grand remplacement1».

Derrière les beaux discours.

On aurait pu espérer que la guerre en Ukraine provoque un déclic sur les raisons pour lesquelles des personnes (quelque soit leur nationalité) quittent leur pays et pose donc la question de l’accueil des exilé.e.s. Mais non, il ne s’agit surtout pas d’élargir la réflexion.

Au contraire même. À croire que l’objectif est d’obtenir le « grand remplacement » des réfugié-e-s : n’accepter que celles et ceux qui sont culturellement et « ethniquement » proches de nous.



Racisme, mais pas que…

Dans cet exode, un autre phénomène pèse dans la balance : parmi les personnes qui fuient l’Ukraine on ne compte quasiment que des enfants (certains non accompagnés) et des femmes. Et un certain nombre d’entre elles ont un haut niveau d’étude. Ce n’est pas un phénomène anodin, il y a l’idée de tirer profit de ces femmes.

Jean-Louis Bourlanges, député Modem et président de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, se réjouissait au lendemain du début de l’invasion russe en Ukraine, en déclarant :

On aura une immigration de grande qualité dont on pourra tirer profit.

Car, en réalité, il ne s’agit même pas d’offrir des bonnes conditions d’accueil pour les réfugiées ukrainiennes. On constate rapidement que concrètement rien n’est fait. On laisse les populations organiser la solidarité pour répondre à l’urgence, avec de faibles moyens.

Frontière Pologne/Ukraine – Mars 2022 (Crédits : Chris Melzer – HCR)

Et en refusant de mettre en place des centres d’accueil et d’hébergements, les pays européens offrent une aubaine aux réseaux de proxénètes qui en profitent pour faire leur marché aux frontières de l’Europe.

Les beaux discours larmoyants sur l’accueil ne sont en fait qu’une instrumentalisation politique pour justifier que l’on trie les bon.ne.s et les mauvais.es réfugié.e.s. C’est un calcul qui est fait dans l’intérêt des pays européens.

Il est urgent de revendiquer et d’organiser l’accueil et la solidarité avec les exilé.e.s, tou.te.s les exilé.es !

REFUGEES WELCOME / RÉFUGIÉ.E.S BIENVENUE !

Le syndicat CNT Construction Aquitaine


1Théorie développée par Renaud CAMUS selon laquelle les populations immigrées sont en train de remplacer les populations européennes (blanches) sur le continent.

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