Né en 1873 à Mayence, Rudolf Rocker fut attiré un temps par la social-démocratie avant de s’orienter vers l’anarchisme. Contraint de quitter l’Allemagne, il se réfugia à Paris puis à Londres, où il continua d’exercer sa profession de relieur et fréquenta le groupe d’anarchistes juifs qui éditait la revue Arbayter Fraynd.

Il revint en Allemagne après l’armistice et, fin 1922-début 1923, participa à la fondation de l’AIT, dont il allait assurer le secrétariat. En mars 1933, peu après l’incendie du Reichstag, il quitte à nouveau son pays natal. Expatrié aux États- Unis, il collabore aux activités du cercle d’ouvriers regroupés autour de la revue Fraye Arbayter Shtime et, sitôt commencée la guerre d’Espagne, fait œuvre de solidarité avec ses compagnons espagnols, en rédigeant les brochures The Truth about Spain et The Tragedy of Spain, et en donnant des conférences sur le territoire nord-américain.

Après la Seconde Guerre mondiale, il se détache de la perspective anarcho-syndicaliste et de la « vision prolétarienne du monde » au profit d’une sorte de libéralisme radical. Mort en 1958, il laisse une œuvre importante dans laquelle deux livres brillent d’un éclat particulier : ses Mémoires, qui retracent une trajectoire personnelle qui est aussi celle de l’anarcho-syndicalisme de la première partie du XXe siècle, et son grand ouvrage théorique, Nationalisme et culture. Fruit d’un long travail achevé à la veille de l’incendie du Reichstag, le livre ne sera publié dans sa langue d’origine qu’en 1949, bien après les versions en espagnol et en anglais.

Il aura fallu beaucoup plus de temps pour que ce grand livre soit enfin disponible en français. Voici donc réparée l’injustice dont a été victime en France celui qui fut une des têtes les mieux faites du mouvement anarcho-syndicaliste, et c’est avec un grand plaisir – et une grande fierté – que nous mettons à la disposition des lecteurs français une des œuvres les plus précieuses de la pensée libertaire du siècle passé, servie par le rigoureux travail de Jacqueline Soubrier- Dumonteil, qui s’était chargée de la version française de La Tragédie de l’Espagne.

Éditions CNT-RP et Éditions libertaires, 668 p., 20€ + 3,85€ de frais de port.