Biométrie, badgage, géolocalisation… Les méthodes de flicage et de contrôle des salariés par l’employeur n’ont cessé de croître avec le développement des technologies de communication, alors que le respect de la vie privée des salariés sur le lieu de travail se réduit comme peau de chagrin.

Comment alors protéger ces Petit Poucet bien maladroits qui laissent derrière eux quantité de cailloux numériques et informatiques ? Une pléthore d’arrêts rendus par la Cour de cassation durant l’été 2007 nous offre l’occasion de revenir sur la question, en examinant les conditions d’utilisation de certaines données téléphoniques et informatiques ainsi que les conséquences de l’ouverture du courrier personnel d’un salarié par son employeur.

Les données téléphoniques et celles figurant sur l’ordinateur

Ce sont les principales questions qui reviennent régulièrement devant les juges de la Cour de cassation : comment respecter la vie privée du salarié sur son lieu même de travail ? La Cour y a répondu par deux arrêts rendus le même jour, le 23 mai 2007. Si l’enregistrement téléphonique n’est pas admis comme mode de preuve, il en est tout autrement pour les SMS, car l’expéditeur ne peut ignorer qu’il y aura toujours une trace notamment chez le destinataire du message. Dans cet arrêt, la salariée avait été bien inspirée de garder les SMS envoyés par son employeur en vue de caractériser le harcèlement moral. Mais l’inverse est vrai aussi ; donc si l’envie vous prend de faire des misères à votre employeur, n’utilisez ni le portable professionnel ni les SMS !

La protection du salarié est en revanche un peu écornée s’agissant des données personnelles du salarié stockées sur son PC professionnel. En effet, l’arrêt Nikon du 2 octobre 2001 pose le principe que le salarié a droit, même sur son lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, en particulier le secret des correspondances. Les lire constitue une atteinte à une liberté fondamentale. Mais l’arrêt rendu le 23 mai 2007 par la Chambre sociale réduit considérablement la portée de ce principe, puisqu’il suffit désormais à l’employeur de se munir d’une ordonnance de référé pour ouvrir les dossiers personnels du salarié à partir du moment où il est accompagné d’un huissier de justice. La Haute Cour estime alors que le respect de la vie privée du salarié n’est pas « en soi » un obstacle à ce que l’employeur demande par voie de justice la permission de farfouiller dans les données du salarié. La mention « personnel ou confidentiel » ne suffit plus à mettre le salarié à l’abri de tels agissements.

L’ouverture d’un pli personnel par l’employeur

Dans cette troisième affaire, le salarié a été sanctionné sur la base d’un élément tiré directement de sa vie privée. L’employeur a réceptionné un pli ne portant aucune mention « personnel ». Le courrier était en réalité une revue échangiste. L’employeur mal intentionné (car il est employeur, bien sûr) a délibérément exposé la revue à la vue du reste des employés, créant de cette façon un trouble au sein de l’entreprise, ce qui lui a permis de sanctionner le salarié pour atteinte à l’image de l’entreprise, etc. Cependant, les juges de la Chambre mixte ne se sont pas laissé prendre par ce raisonnement tordu adopté par l’employeur : ils reconnaissent que la sanction n’avait pas lieu d’être dans la mesure où elle tire sa source dans un élément issu de la vie privée de son salarié. En dépit de l’absence de mention « personnel » sur le courrier destiné au salarié, l’employeur, tout comme pour les SMS, ne pouvait ignorer qu’il s’agissait là de la vie privée du salarié. Il ne pouvait donc se fonder sur ce fait sans méconnaître le respect de la vie privée de son employé pour le sanctionner.

Ce qu’il faut retenir de cette moisson d’arrêts, c’est que le respect de la vie privée du salarié sur son lieu de travail est soumis à un difficile exercice d’équilibre : se maintenir en tant que liberté fondamentale à respecter sur le lieu de travail tout en respectant les principes du droit de la défense de l’employeur. Et la lecture de certaines de ces décisions nous montre bien que les juges du travail ont tendance à vouloir rectifier le tir par rapport à l’arrêt Nikon : pas trop de liberté pour les salariés, ce qui paraît assez dangereux car bien souvent en pratique, ceux-ci ont infiniment plus de mal à réunir des preuves contre leur employeur. On dirait que c’est dans l’air du temps de dire amen aux employeurs. Plus que jamais le salarié doit redoubler de vigilance : ne jamais laisser d’historique quant aux pages consultées, ne jamais envoyer de SMS de et vers le portable professionnel, sinon c’est la fin des haricots !!!

Jamila CNT 33