Quand le rectorat de Créteil tue la pensée critique !

À Créteil, d’inquiétantes menaces d’annulation d’une formation sur l’intersectionnalité à destination des enseignant-es

Dans l’académie de Créteil, une formation sur l’intersectionnalité proposée aux enseignant-es dans le cadre de journées d’études est menacée d’annulation par la direction de l’ESPE (École supérieure du professorat et de l’éducation) et du rectorat. Ces deux journées d’études prévues les 18 et 19 mai visent à « Penser l’intersectionnalité dans les recherches en éducation », en analysant le croisement au sein de l’institution scolaire des discriminations racistes, sexistes, homophobes, transphobes et des inégalités de classe.

Ces journées d’études et de formation, animées par des intervenant-es chercheur-euses en sciences sociales, reconnu-es par la qualité de leur travaux, ont reçu le soutien de la MAIF, du Conseil départemental du Val-de-Marne, de l’ESPE de Créteil, du Ministère de l’Enseignement et de la Recherche, ainsi que du rectorat de Créteil, qui avait lui-même inscrit ces journées au plan académique de formation depuis juin 2016. Plus d’une trentaine d’enseignant-es ont demandé en début d’année scolaire à participer à ces journées d’études, ce qui montre le besoin de formation en ce domaine. Il s’agit pour certain-es d’entre eux-elles de leur unique vœu de formation pour cette année scolaire.

Depuis quelques jours, les dates et le lieu des journées d’études ont disparu du site du plan académique de formation et les enseignant-es inscrit-es n’ont à ce jour reçu aucune convocation ou information leur assurant que la formation était maintenue.

Ce possible retrait serait-il le fait des critiques infondées portées sur les réseaux sociaux par la candidate du Front National, Marine Le Pen et de groupes aux idées réactionnaires (le site identitaire Fdesouche,le MRC – Mouvement Républicain et citoyen et le Printemps républicain). En tant qu’organisations syndicales défendant l’indépendance de la recherche et le droit à la formation des enseignant-es, nous souhaitons poser la question au rectorat de Créteil et à l’ESPE.

Au-delà de la lutte générale contre l’obscurantisme, la formation répond à des besoins urgents. Comment combattre effectivement les inégalités à l’école si on en ignore les ressorts ? Oui, il est urgent de mieux connaître les facteurs des inégalités, donc d’échanger avec des chercheurs et des chercheuses sur les rapports de force qui hiérarchisent la société, à commencer par l’école, et qui articulent « race » sociale, classe, genre, orientation sexuelle, mais aussi handicap ou état de santé. En censurant cette formation, l’académie de Créteil et l’ESPE entretiendraient l’ignorance et empêcheraient l’élaboration de pratiques pédagogiques et de discours à même de lutter contre les inégalités.

Rappelons qu’en 2014 déjà, les responsables académiques avaient censuré les formations touchant aux études sur le genre, répondant à la vindicte illégitime des mouvements religieux, homophobes, réactionnaires et sexistes comme la Manif pour Tous. Le rectorat de Créteil s’apprête-t-il encore à céder face à de telles injonctions réactionnaires ?

Les personnels de l’éducation doivent-ils être privés de formation sur le racisme, l’homophobie, le sexisme, l’éducation à la sexualité ou à la prévention du VIH car la direction de l’ESPE craint des polémiques alimentées par des organisations d’extrême-droite ? L’annulation de cette formation sur l’intersectionnalité – champ de recherche reconnu internationalement – formerait un dangereux précédent après celui concernant les études de genre.
Nous demandons donc au rectorat et à l’ESPE de Créteil de réinscrire les deux journées d’études au plan académique, telles qu’elles ont été validées par leurs services de longue date, de confirmer aux inscrit-es la tenue de cette formation et de ne pas céder aux instrumentalisations politiciennes, réactionnaires et obscurantistes.

Communiqué intersyndical CGT éducation, SUD éducation 93, CNT éducation 93

Auteur : CNT STE 93
Publié le : 10 mai 2017
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