Historique de la CNT

Présentation

Le nom de la CNT circule désormais régulièrement sur les tracts, dans les manifestations et dans les médias. Mais si les trois lettres commencent à être connues, ce qu’elles signifient reste souvent un peu flou. Plusieurs éléments concourent à cela. « Confédération nationale du travail » indique bien qu’il s’agit d’un syndicat ; pour le reste, les termes ne sont guère explicites et comportent un « nationale » bien peu opportun de nos jours, en France. Ensuite, les références de la CNT, le syndicalisme révolutionnaire et l’anarcho-syndicalisme, laissent souvent la place à un « anarchisme » qui ne lui correspond pas. Enfin, son image faussement sulfureuse, teintée d’une violence que les médias présentent volontiers comme gratuite, trouble la perception extérieure de sa réalité militante. L’existence d’une autre « CNT », survivance d’une ancienne scission, contribue parfois, lorsqu’on s’intéresse à la CNT, à en compliquer l’appréhension. Alors, la CNT, c’est quoi ?

I- Références historiques

Historiquement, la CNT a deux références, le syndicalisme révolutionnaire et l’anarcho-syndicalisme.

1) Le syndicalisme révolutionnaire

Le syndicalisme révolutionnaire de la CGT d’avant 1914-1918 a été bâti en grande partie par des militants issus de l’anarchisme (Pouget, Griffuelhes, Pelloutier) avec certains principes hérités de cet anarchisme (la démocratie directe), mais en rupture avec l’organisation politique. Il a développé des modes d’action propres, notamment la grève générale expropriatrice. Le syndicalisme révolutionnaire est né face au développement d’un anarchisme individualiste exaltant la valeur de l’individu au détriment de la société humaine, et usant paradoxalement de l’arme terroriste instrumentalisant la vie humaine. Le syndicalisme révolutionnaire, s’il a interprété l’analyse économique marxiste, s’est également construit contre les partis politiques. Le premier combat de la CGT naissante a été d’empêcher son instrumentalisation par les partis. Sa défaite, après 1918, sera concrétisée par la victoire du courant social-démocrate puis léniniste. En 1926, la CGT-SR reprend le flambeau du syndicalisme révolutionnaire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

2) L’anarcho-syndicalisme

La seconde référence de la CNT, c’est l’anarcho-syndicalisme de la Confederación Nacional del Trabajo, qui s’affirme, de 1910 à 1936, comme la principale organisation révolutionnaire espagnole. Contrairement à la plupart des États industriels occidentaux, la bolchevisation des courants révolutionnaires (qui fait suite à la création de la IIIe Internationale) est un échec en Espagne. Le syndicalisme espagnol invente le projet de société communiste libertaire : la reconnaissance du groupe humain – et non de l’individu – comme base d’organisation sociale, mais selon des principes autogestionnaires, sans délégation de pouvoir. Les collectivités d’Aragon et d’ailleurs ont été la réalisation historique de la CNT hégémonique (2 millions d’adhérent-es) dans la période révolutionnaire et antifranquiste de 1936-1939.

II- Références idéologiques

« Les anarchistes de la CNT », telle était jusqu’à la fin des années 1990 la dénomination la plus courante qui servait aux médias pour nous désigner. On est passé ensuite au « syndicat anarchiste CNT ». On nous appelle enfin « les anarcho-syndicalistes ».

1) La CNT, libertaire ?

Se référant à l’anarcho-syndicalisme et au syndicalisme révolutionnaire, la CNT d’aujourd’hui oscille entre la reconnaissance d’un projet communiste libertaire et le refus de toute étiquette spécifiquement idéologique : pas d’organisation politique, de quelque obédience qu’elle soit, comme tutrice de l’organisation syndicale. Une logique d’adhésion qui est fondée sur l’appartenance de classe. Mais une proximité indéniable avec un certain courant du mouvement libertaire, qui s’explique par le mode de fonctionnement et les grands principes fondamentaux : contrôle des négociations par la base, assemblées générales souveraines, refus des permanent-es syndicaux-ales, refus des hiérarchies salariales, délégué-e-s élu-e-s et révocables, autogestion des luttes…

2) L’action comme axe majeur

C’est dans l’action bien plus que dans les dogmes que la CNT se construit. Parfois accusée d’activisme, soupçonnée d’oublier la réflexion et d’étouffer les débats internes dans un mouvement perpétuel, elle assume ces critiques en considérant la réflexion comme fruit de l’action, l’idéologie issue de la pratique, et non l’inverse. La force de cet état de fait, c’est de permettre de réunir des militant-es ayant des opinions parfois différentes, de ne pas paralyser l’organisation par d’interminables querelles. C’est un des piliers de notre développement. La faiblesse est le risque de détournement progressif du projet révolutionnaire, soit dans une fuite en avant activiste, soit dans un ramollissement réformiste.

3) L’action directe

Il est révélateur que l’un de nos principes primordiaux soit un principe d’action, « l’action directe ». Que faut-il entendre par ce terme ? Souvent, il est détourné de sa signification subversive, en ne renvoyant qu’à une idée erronée de violence. En réalité, si une action directe peut être violente, le plus souvent, elle ne l’est pas. L’action directe, c’est une forme de lutte, décidée, mise en œuvre et gérée directement par les personnes concernées. Grèves, boycott, piquets de grève, occupations, manifestations devant les sièges des entreprises qui licencient sont des formes d’action directe que nous pratiquons régulièrement dans notre travail syndical.

III- CNT, de 1946 à la rupture avec l’AIT

La CNT française est née en 1946. Elle a pris le nom de CNT en référence à la CNT espagnole, bénéficiant d’un immense prestige. Le mot « nationale » s’explique dans le contexte espagnol : le régionalisme étant utilisé par les forces réactionnaires, ce terme affirmait l’unité de la classe ouvrière. Dans la situation française, il est moins pertinent, mais il renvoie à une organisation qui mit en pratique le communisme libertaire. Il est des héritages moins heureux.

1) La CNT groupusculaire

Bénéficiant d’un essor considérable au lendemain de la guerre (100 000 adhérents environ), réunissant tous ceux qui ne se reconnaissaient pas dans une CGT inféodée aux bolcheviks, elle s’est écroulée aussi rapidement qu’elle a grandi, en raison d’affrontements idéologiques de dogmatiques épris de pureté. Mais cette période est historiquement mal connue. Puis la CNT, si elle n’a jamais disparu, a connu jusqu’au milieu des années 1990 une longue existence de groupuscule, oscillant de quelques dizaines à quelques centaines d’adhérents. N’ayant plus de réalité syndicale, hormis quelques expériences ponctuelles, elle s’est naturellement repliée sur des activités propagandistes.

2) Les scissions

La CNT a connu durant cette période deux scissions. La première, dite de la « Tour d’Auvergne », du nom de la rue où se trouvait le local. Existante jusqu’en mars 2006 (date à laquelle elle fusionne avec la CNT-AIT), sous le nom de « CNT – deuxième UR », elle réunissait un très petit nombre d’adhérents, et sa principale activité semblait être l’animation d’un site Internet et la propagande anarchiste. Les origines de cette scission sont assez floues et semblent relever essentiellement de querelles personnelles. La seconde scission date de 1993. Il s’agit de la CNT-AIT : le XXe congrès de l’AIT (Association internationale des travailleurs) en 1996, a en effet exclu « notre » CNT à deux voix contre une (!) et trois abstentions… un vote minoritaire, bien peu représentatif de notre logique de fonctionnement privilégiant le consensus. Une fois encore, des oppositions de personnes ont joué un rôle déterminant dans cette scission. Deux lignes cependant se dessinaient : d’une part, une ligne dogmatique dure, s’opposant radicalement aux élections du personnel et donc à la stratégie de développement des sections syndicales, se repliant de fait sur une ligne propagandiste anarchiste/anarcho-syndicaliste ; d’autre part, une ligne cherchant à développer un syndicalisme de lutte, acceptant la participation ponctuelle aux élections pour protéger ses sections syndicales, refusant la référence idéologique unique à l’anarchisme, défendue par notre organisation (souvent appelée « CNT Vignoles », du nom de la rue qui héberge le siège parisien). La CNT-AIT ne rassemble plus aujourd’hui qu’une poignée d’adhérents dispersés.

IV- CNT, de 1995 à aujourd’hui

Sinon un développement fulgurant, la CNT a connu, au long des années 1990, un développement significatif. En 1993, elle comptait à peine 200 adhérent-es. Presque vingt ans plus tard, la CNT revendique environ 5 000 adhérent-es sur toute la France. La région parisienne, qui réunissait à l’époque une dizaine d’adhérents, en compte aujourd’hui un millier, et parvient à composer des cortèges de plusieurs milliers de personnes (5 000 le 1er Mai 2000, 8 000 en 2002 lors du 1er Mai anti-FN, près de 5 000 le 1er Mai 2007 et 8 000 à 10 000 le 23 septembre 2010, pour une marche vers le Medef contre la réforme des retraites). À Lyon, le rassemblement antifasciste unitaire du 10 avril 2010 initié par la CNT a rassemblé plus de 2 000 personnes ; le cortège syndical du 23 septembre comptait 1 000 personnes. Dans de nombreuses autres villes (Toulouse, Lille, Rennes, Limoges, Bordeaux, Nîmes, Metz, etc.), les cortèges de la CNT rassemblent désormais largement. Remarquons aussi que les mobilisations lors d’initiatives purement syndicales (retraites, licenciements, etc.) ne cessent de progresser, alors qu’il y a dix ans, elles étaient anecdotiques. C’est le signe d’un mûrissement syndical indéniable.

1) La FAU et novembre-décembre 1995

Paradoxalement, c’est le développement d’un syndicalisme étudiant CNT, légèrement antérieur aux luttes contre le CIP, qui a contribué pour une bonne part au développement de la CNT dans le sens d’une organisation syndicale. Dans un premier temps, l’activisme des sections universitaires (FAU pour -Formation action universitaire) a popularisé la CNT et a contribué à la faire apparaître publiquement. Les grèves de novembre-décembre 1995 ont à cet égard été décisives. Fondée sur ses quelques secteurs d’implantation syndicale (PTT, sections du nettoyage, éducation, militant-es isolé-es dans d’autres secteurs, etc.), et bénéficiant de l’activisme tous azimuts des étudiant-es, la CNT est apparue publiquement comme une organisation ayant un poids social indéniable. Loin d’être éphémères, ces sections universitaires se sont pérennisées, avec des hauts et des bas, étendues dans de nombreux campus, et les militant-es qui en étaient issu-es sont venu-es en grand nombre renforcer les syndicats existants, voire en créer de nouveaux, dans toute la France. La fin des années 1990 a ainsi vu le renforcement des structures de la CNT.

2) Mai 2000

Mai 2000 a été l’événement public symbolisant, en France, le renouveau de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire. Durant une semaine, des concerts, des débats publics, des conférences, des projections, des expositions, des pièces de théâtre, se sont inscrits dans un festival baptisé Un autre futur, organisé par la CNT. Divers livres, brochures et journaux furent publiés à l’occasion. Avec 5 000 personnes dans la rue, le 1er Mai fut cette année-là rouge et noir, avec le plus grand cortège depuis des décennies, composé de camarades venant de toute la France et de délégations du monde entier.

3) Implantation syndicale et front social : 2001-2007

Durant ces années, la CNT poursuit son évolution. Non sans heurts, elle continue sa mue, de groupe de propagande en organisation syndicale. Sur le champ politique, elle est présente sur tous les fronts : lutte contre la guerre, antisexisme, antifascisme, lutte contre les lois répressives, contre le système carcéral, mobilisation lors des sommets internationaux, soutien aux sans-papiers… Sur le champ syndical, elle élargit son implantation, la nouveauté étant le développement de contacts avec des syndicalistes d’autres organisations sur des pratiques de lutte de classe. L’image de violence et l’étiquette d’« anarchiste » s’estompent peu à peu, au fil des pratiques communes lors des luttes au quotidien. En revanche, les rapports avec les hiérarchies syndicales sont alors plus mauvais que jamais. De la CGT qui, en mai 2001, demande à la police de nous empêcher de manifester, à l’intersyndicale CGT-CFDT-FO qui, en mai 2002, appelait à un cortège « unitaire »… sans nous ! Le large mouvement social du printemps 2003 a révélé l’immense chemin parcouru par la CNT depuis novembre-décembre 1995. Nous émergions à peine, et c’est seulement dans les universités que nous avions participé au mouvement de manière décisive. Nous étions présent-es sur d’autres fronts, mais surtout de l’extérieur. Le mouvement du printemps 2003 a démarré sur la fronde de l’Éducation nationale, qui durait déjà depuis plusieurs mois. La lutte des emplois-jeunes et des surveillant-es, dans laquelle nous avons eu un rôle central dans plusieurs régions, a débuté dès la rentrée scolaire 2002. Le développement du puissant mouvement de l’Éducation nationale, initié dès avril, voire mars, s’est fondé sur les assemblées générales d’établissements en lutte et sur la recherche d’une convergence interprofessionnelle, dès mai. Là encore, notre rôle fut essentiel dans plusieurs régions, grâce à notre implantation construite ces dernières années. Dans la culture, c’est également là où nous étions le mieux implantés (BNF, la Villette, la Cinémathèque…) que la participation au mouvement a été la plus forte. Les camarades du spectacle (en particulier intermittent-tes) ont mené des actions déterminantes, liées à la renégociation des annexes 8 et 10 (indemnisation chômage).

4) 2008 à nos jours : le développement dans le secteur privé

Depuis la loi du 20 août 2008 qui réforme le droit syndical dans le secteur privé, une ouverture est apparue pour que notre organisation syndicale s’y implante enfin. En effet, la fin de la présomption irréfragable de représentativité, qui réservait en grande partie le droit syndical dans le privé aux cinq « grosses centrales » (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC), a permis à la CNT de créer un certain nombre de sections syndicales, via la désignation de représentant-es de section syndicale (RSS), et ce dans de nombreux secteurs d’industrie (automobile avec Sevelnord, bâtiment avec Lafarge, presse avec Wolters Kluwer France, Lagardère et Impact médecine, petite enfance avec People & Baby, commerce avec Baud, etc.). Avec, en conséquence, la décision en congrès de la CNT d’accepter que ces sections syndicales se présentent aux élections de comité d’entreprise et délégué-es du personnel, afin de devenir représentatives et d’avoir ainsi des délégué-es syndicaux-ales (DS) qui bénéficient de la plénitude des droits. Le patronat a compris le danger, et régulièrement, il conteste et/ou licencie nos RSS et DS. Mais la CNT défend farouchement ses délégué-e-s en vertu du principe de solidarité : « Un coup contre l’un de nous est un coup contre tous ! » Contrairement à l’effet recherché par les patrons, les attaques contre la CNT renforcent la cohésion de l’organisation.

V- Organisation de la CNT

Le mode de fonctionnement de la CNT correspond à la manière dont nous pensons que la société dans son ensemble peut être gérée. Décisions par la base, mandats impératifs, rotation des tâches… Ce n’est pas toujours facile, mais ça s’apprend par la pratique.

1) Le syndicat, structure de base

Les prises de décisions sont effectuées au niveau des syndicats, qui constituent donc la base décisionnelle de la CNT. La CNT est conçue comme une confédération libre de syndicats. Le principe fondamental est le même au niveau local que dans la perspective révolutionnaire : ce sont les prolétaires qui travaillent à leur émancipation, ce sont les travailleur-euses concerné-es qui prennent les décisions les touchant, tant que le pacte confédéral est respecté. Ainsi, les sections d’entreprise affiliées à un syndicat bénéficient également d’une autonomie de décision, dans la mesure où les principes généraux du syndicat et de la confédération sont respectés. Le syndicat est un syndicat d’industrie : en clair, c’est un syndicat interprofessionnel réunissant les différentes catégories de personnel travaillant dans une même industrie. La section d’entreprise est également interprofessionnelle.

2) Les structures de coordination

À ce jour, il existe 150 syndicats confédérés dans la CNT. Le bureau confédéral assure le lien entre les congrès (tous les deux ans). Sa charge est technique, il veille au fonctionnement courant de la confédération, à la circulation de l’information en interne et avec l’extérieur. Il applique les décisions du congrès, il organise tous les six mois le comité confédéral national (CCN). Il est assisté par la commission administrative, qui regroupe l’ensemble des mandatés confédéraux (propagande, site Web, rédaction et administration du mensuel Le Combat syndicaliste, trésorerie, bulletin intérieur, etc.) Les syndicats sont également regroupés en unions régionales (UR), ainsi qu’en unions départementales (UD) et unions locales (UL). Ce sont les unions régionales qui se réunissent tous les six mois en CCN, elles veillent à l’application des décisions de congrès, contrôlent les mandatés confédéraux, prennent les décisions techniques qui s’imposent, assurent le suivi des campagnes confédérales. Les syndicats sont enfin réunis en fédérations d’industrie, lorsqu’ils sont suffisamment nombreux. Il en existe six à ce jour : éducation, PTT, bâtiment, communication-culture-spectacle, santé-social, travailleuses-eurs de la terre et de l’environnement.

3) L’international, une priorité

Au sein du bureau confédéral, le secrétariat international, composé d’une quinzaine de camarades, travaille à développer les contacts internationaux, à coordonner les actions internationales, à mettre en rapport les syndicats de la CNT avec des structures équivalentes afin de concrétiser une réelle dynamique internationale issue de la base. C’est lors de notre congrès de 2001 que nous avons décidé de renoncer à la référence à l’Association internationale des travailleurs, l’AIT n’étant composée que de sections nationales dogmatiques et moribondes n’ayant aucune réalité sur la scène internationale. Nous avons nous-mêmes constitué un réseau international dynamique avec des luttes syndicales menées au niveau international, d’importants cortèges composés principalement, en plus de la CNT, de la SAC suédoise, de la CGT espagnole et de la FAU allemande (Amsterdam 1998, Köln 1999, Paris en mai 2000, Göteborg en 2001, Séville en 2002, Paris en mai 2007 pour l’initiative I07). La stratégie internationale de la CNT est désormais de développer les liens entre tous les syndicats de lutte indépendants des pouvoirs. Car face à la mondialisation du capitalisme, la solidarité syndicale internationale est incontournable. Il ne s’agit pas de se cantonner à un internationalisme rouge et noir européen – même s’il est nécessaire – , mais bien de considérer que les travailleur-euses de tous les continents ont les mêmes ennemis et les mêmes intérêts, avec leurs spécificités de lutte et d’organisation. C’est sur le terrain de l’anticolonialisme et de l’anti-impérialisme que la CNT a décidé d’être plus présente encore : le pillage des ressources naturelles et le soutien aux régimes dictatoriaux qui répriment les mouvements sociaux sont un des piliers du capitalisme. De la Kanaky à l’Afrique subsaharienne en passant par la Palestine ou l’Amérique du Sud, des organisations syndicales existent et des travailleurs défendent leurs droits, et par-là même les nôtres. Notre internationalisme doit être cette solidarité de classe de tou-tes les exploité-es, par delà les frontières et les États qui nous divisent.

4) Les commissions

La CNT se dote de commissions. Émanations des syndicats, elles peuvent être internes à l’un d’entre eux ou s’élargir jusqu’au niveau confédéral. Elles n’ont souvent qu’une existence ponctuelle en rapport avec l’actualité. Quelques commissions parviennent cependant à se pérenniser : la commission femmes est la plus ancienne, elle est mixte et travaille sur le sexisme et les rapports entre sexes ; la commission prison ; la commission juridique, qui répond aux besoins croissant des syndicats, particulièrement pour les procès en représentativité à l’occasion des créations de sections d’entreprise, etc.

Bon, alors, c’est quoi, la CNT ?

Une organisation qui a hérité d’une histoire riche, enracinée dans le mouvement ouvrier, mais qui se construit avant tout dans le présent, dans les luttes auxquelles elle participe, qu’elle impulse. Une organisation encore faible dans le champ syndical, face aux confédérations dites représentatives, mais qui élargit son audience, son influence, et qui retrouve sur le terrain des pratiques de nombreux syndicalistes appartenant à d’autres organisations. Une organisation qui refuse les étiquettes idéologiques, les dogmatismes paralysants, tout asservissement à un parti politique, mais qui inclut dans son champ d’action des luttes éminemment politiques, révélatrices d’un projet de société et d’une autre forme d’organisation sociale. La CNT a de grandes ambitions : l’émancipation des travailleurs, l’abolition des classes, l’égalité et la justice sociale, la gestion de la société par les producteur-rices. Si elle déploie beaucoup d’énergie, c’est pour construire ce rêve, l’ancrer dans la réalité des luttes, le faire partager par toutes celles et ceux qui, un jour, mettront à bas le vieux monde.

Éléments bibliographiques :

– Autogestion et anarcho-syndicalisme, analyse et critiques sur l’Espagne (1931-1990), Frank Mintz, 1999.
– Joe Hill. Les IWW et la création d’une contre-culture ouvrière et révolutionnaire, Franklin Rosemont, 2008.
– Le congrès d’Amiens, Émile Pouget, présentation et notes de Miguel Chueca, 2006.
– Le syndicalisme révolutionnaire, la charte d’Amiens et l’autonomie ouvrière, acte du colloque sur la charte d’Amiens, 2009.
– École : une révolution nécessaire, Entretiens avec des militantes et des militants de la fédération CNT des travailleuses et des travailleurs de l’éducation, CNT-FTE, 2008.

Éditions de la CNT-RP : ces ouvrages peuvent être obtenus auprès du service librairie, 33, rue des Vignoles, 75020 Paris.