Éducation Nationale : stop à l’hypocrisie !

Il y a les masques qui manquent et il y a les masques qui tombent.     Les masques qui manquent sont ceux des « premières lignes ». Les masques manquent aux soignant·e·s, aux profs, aux caissièr·e·s, aux livreur·se·s… et à toutes celles et tous ceux qui tiennent le pays debout. Ce sont ces gens « ordinaires » qui luttent depuis plus d’an contre le définancement criminel de l’hôpital public, l’austérité budgétaire qui mine l’école, la réforme des retraites qui leur fait les poches et la reforme de l’assurance chômage qui jette les précaires dans la misère. « Ils comptent leurs sous, nous compterons nos morts », voilà ce que disait une banderole dans la manif des soignant·e·s parisien·ne·s en décembre : nous y sommes.

L’heure n’est pas à la polémique ! Il faut rester soudé·e·s ! On nous l’a assez dit.

    Nous, travailleurs et travailleuses de l’éducation, prenons toute notre part dans la solidarité collective, mais nous n’oublions pas ceux qui nous ont précipité dans cette situation. Il n’y aura pas que des morts à pleurer ou des « héros » à remercier. Il y aura des responsabilités à établir et des réformes à abolir.Les masques qui tombent sont ceux des « premiers de cordées ».

    Ces gens responsables ont tenté de garantir l’enrichissement d’une classe de privilégiés en rognant sur les budgets de la solidarité et des services publics et en s’accaparant la manne des cotisations retraites. La crise dans laquelle nous sommes plongés va coûter environ mille fois plus cher que les quelques milliards qu’il aurait fallu pour nos systèmes de santé et d’éducation.

    Les masques tombent quand la loi sur « l’état d’urgence sanitaire » sacrifie les droits élémentaires des salarié·e·s qu’elle prétend « protéger ». En augmentant les durées légales de travail en journée ou en semaine, en banalisant le travail du dimanche et en privant les salariés de la liberté de choisir leurs dates de congés, l’exécutif tout puissant impose une nouvelle régression sociale historique. Le ministère de l’EN n’est pas en reste quand il procède de façon inédite à des retraits de salaires de plus de 4 jours, amputant ainsi parfois les salaires des collègues mobilisé.e.s de plus de moitié en pleine période de confinement. Les masques tombent aussi quand les faits démentent les discours autant que leurs auteurs : « les écoles ne fermeront pas, les masques ne sont pas nécessaires, le travail doit continuer, les élections peuvent se tenir, tout est prêt pour assurer les cours à distance », …

Dans l’Éducation Nationale, le roi est nu et notre ministre va finir par prendre froid.
    La continuité pédagogique « virtuelle » et sa « nation apprenante » cache mal l’aggravation d’une politique bien « réelle » :

  • amplification des inégalités sociales plus encore en « distanciel » qu’en « présentiel ».  « Faire semblant » d’agir pour l ‘égalité dans ce contexte relève d’abord de la continuité démagogique pour un ministre déjà premier de la classe en la matière.On ne combat pas les conséquences en accentuant les causes.
  • amplification du contrôle (fichage, tri, traçabilité, sélection) de l’école sur les enfants et le contrôle du pouvoir technocratique des managers de l’Education Nationale sur ses agents (nous).

    Le risque pour les profs voulant assurer coûte que coûte la « continuité pédagogique », c’est de trahir les valeurs fondamentales de notre métier. Surtout s’ils essaient de suivre un ministre qui continue de faire semblant de maîtriser une situation imprévisible comme le rappelle la FCPE.
    Nous disons qu’il est dangereux de se voiler la face sous prétexte de « rester positif » et qu’il est hypocrite d’affirmer que la continuité pédagogique est effective. Car, sur ces bases, notre institution peut nous enrôler dans sa fuite en avant vers une éducation libéralisée qui ne profitera qu’à un seul profil d’élève : celui des enfants des couches sociales privilégiées bénéficiant du cadre de travail et de toutes les aides techniques et pédagogiques dans le cadre familial. A l’heure de la fracture numérique, cette posture est un abandon aux déterminismes sociaux des élèves les plus pauvres et les plus fragiles, quoi qu’on en dise.

    Il faut affirmer les priorités clairement  : bien qu’enseignant·e·s, le social et le sanitaire sont aussi nos priorités actuellement, la pédagogie est notre outil de travail mais ça n’est pas un remède aux inégalités sociales, la poursuite à toute force du programme est une faute morale et déontologique.   

    NON aux cadences infernales pour nous comme pour les élèves et refus des contrôles ayant une valeur institutionnelle ! Le rectorat lui même a indiqué qu’il n’était pas souhaitable d’aborder de nouvelles notions.
    NON : les notes du « contrôle continu » ne doivent pas servir de base pour octroyer les diplômes
comme le bac sous prétexte de tenir les délais. Que valent les notes obtenues cette année dans un système scolaire ravagé par ses réformes ineptes, la violence institutionnelle et policière et les calamiteux E3C ?

    Pour nous, il faut donner le bac et le diplôme du brevet à tous les inscrit·e·s cette année et « banaliser » le troisième trimestre. Le bac ne vaudrait plus rien ? C’est le ministère qui a transformé ce premier grade universitaire en un simple bout de papier. Bien sûr, il faudra tout reconstruire autrement mais pour l’heure, il ne faut pénaliser aucun élève. Il est hors de question de maintenir un « oral » de français dans ces conditions kafkaïennes.

Report des concours ! Validations de stage (comme à l’INSPE) automatiques.

    S’il doit y avoir une continuité pendant les vacances, elle doit avoir comme but de lutter contre l’isolement social,culturel et intellectuel, mais il faut se défaire urgemment de tout objectif quantifiable d’acquisition de savoirs ou de compétences sauf à ajouter de la pression à l’anxiété.
    Comme disait Hannah Arendt « Un fonctionnaire, quand il n’est rien d’autre qu’un fonctionnaire, c’est quelqu’un de très dangereux ». La situation nous impose d’être d’abord des individu·e·s conscient·e·s et solidaires. Mieux vaut s’occuper des mal logés ou des personnes vulnérables que de passer du temps à faire des fiches de travail pour les élèves « connectés ». L’école de demain sera à la hauteur de ses missions si on la débarrasse de cet « élitisme républicain » qui ne profite qu’aux bourgeois et de cette fausse intelligence connectée très « artificielle ».

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