Du Sud-Gironde à Athènes, Solidarité internationale !

> Témoignage d’un militant de la CNT Sud-Gironde de retour d’Athènes

Le convoi solidaire et la rencontre avec les militant-e-s grec-que-s

J’ai participé au convoi solidaire de novembre 2017 en Grèce organisé par Maud et Yannis Youlountas et le collectif ANEPOS en prolongement des films Ne vivons plus comme des esclaves ! et Je lutte donc je suis. Le syndicat Culture Aquitaine et l’Union Locale Sud-Gironde et Entre-2-Mers de la CNT ont participé aux collectes correspondant aux besoins matériels, financiers et politiques exprimés par les collectifs et lieux alternatifs, autogérés, anticapitalistes, antifascistes, anti-autoritaires… (squats de migrant-e-s, réseau de cuisines sociales autogérées et gratuites, dispensaire médical autogéré, centres sociaux, activistes,…).

Mon syndicat m’avait mandaté pour remettre un soutien financier à nos camarades anarchosyndicalistes de l’ESE (Eleftheriaki Syndikalistiki Enossi, Union Syndicaliste Libertaire). La rencontre s’est déroulée à Exarcheia, le quartier rebelle d’Athènes aux multiples initiatives autogérées. Le K*Vox, où nous avons longuement discuté, est un bar occupé et autogéré, vaste espace à la déco antifa, noire et rouge, dont les bénefs vont essentiellement au soutien des prisonnier-e-s politiques. Au fond de la salle, une fresque CNT-FAI de la révolution sociale espagnole nous confirme, s’il en était besoin, que nous sommes dans un lieu ami. À proximité se trouve le Dispensaire médical autogéré qui apporte soins et médicaments gratuitement à la population. En effet, environ 1/3 des grec-que-s n’ont plus de couverture sociale ! Le convoi solidaire Anepos a livré colis et argent, entre autres, à ces deux espaces.

Autour d’un vin rouge frais et fruité, nos camarades grec-que-s ont parlé de leur orga. La traduction de l’anglais était faite par un militant d’ELAF (Écolos Libertaires Antifascistes Féministes) du Tarn. La double barrière linguistique grec-anglais-français a peut-être provoqué quelques incompréhensions et/ou approximations… La pratique de la langue anationale esperanto n’est pas encore assez développée dans nos échanges internationaux…

L’ESE existe depuis une quinzaine d’années. C’est une petite orga qui se développe à Athènes, Thessalonique et quelques villes moyennes. En Grèce, les partis et syndicats sont minoritaires et il y a beaucoup de petites orgas. Le mouvement social est très divisé. Depuis 2015, la résignation populaire est remontée de même que la violence policière des « chiens fous du pouvoir ». La peur et la crise sociale provoquent une sorte de décadence du mouvement ouvrier. La police grecque agit comme une mafia, comme un État dans l’État, sans rendre de comptes, ou très peu, au gouvernement. Les escadrons anti-émeute sont déployés quotidiennement. Les flash-ball sont utilisés depuis 2016. Dans ce contexte, l’ESE poursuit ses actions. En voici quelques exemples.

Dans une clinique d’Athènes, le Conseil d’administration – constitué de riches chirurgiens avec maisons et voitures luxueuses – a reçu de l’argent public qu’il a camouflé. Les salarié-e-s et les services n’en ont pas vu la couleur. Le syndicat réformiste n’a porté aucune revendication. Une action en justice a été intentée. Deux travailleur-euse-s révolutionnaires ont fait appel à l’ESE qui a alors organisé des manifs de protestation régulièrement en dehors du lieu de travail pendant quelques mois. Puis la clinique a fermé.

En octobre 2017, lors d’un Congrès médical dans un hôtel de luxe, le président du CA de la clinique devait prendre la parole. Des militant-e-s de l’ESE se sont introduit-e-s discrètement dans l’hôtel et ont perturbé le Congrès avec tracts et banderoles au milieu des petits fours. Il-le-s se sont éclipsé-e-s avant l’arrivée de la police. Le président a eu la trouille de sa vie. Depuis, il hésite à se rendre à son cabinet. La peur a changé de côté !!!

L’ESE a également mené une action contre une ONG philanthropique récoltant de l’argent de l’État depuis le début des années 90 pour des jardins potagers destinés aux réfugié-e-s politiques de l’ex-URSS. Actuellement, elle prétend venir en aide aux pauvres mais la réalité est toute autre. Une salariée, découvrant les magouilles, a porté plainte pour vol. La direction ayant falsifié ses comptes, il semble qu’il n’y ait pas eu de suites judiciaires. Par contre, la salariée ayant démissionné, l’employeur lui a fournis de mauvais documents afin qu’elle ne puisse bénéficier d’aucune allocation. Elle a rejoint l’ESE qui a organisé des manifs avec une banderole « Derrière la philanthropie se cachent des emplois non-payés et le chômage ». Une pub dont se serait bien passé cette ONG…

En 2008, six anarchosyndicalistes serbes ont été arrêtés par la police de Belgrade sous prétexte de jets de cocktails molotov sur l’ambassade grecque. L’ESE a organisé une fête pour les soutenir. Les contacts et la solidarité internationale sont importants pour ces militant-e-s.

L’ESE tient en permanence une table d’infos à l’École Polytechnique d’Athènes, haut lieu de la résistance grecque, fer de lance contre la dictature des colonels (1973).

Pour l’ESE, il est essentiel de disposer d’une caisse de solidarité pour soutenir les grévistes, les licencié-e-s, les chômeur-euse-s. Ils organisent des fêtes en soutien à cette caisse, vendent un calendrier des travailleurs depuis 2010, publient une BD sur une grande grève à Thessalonique en 1976…

Nos camarades de l’ESE étaient très touché-e-s de la petite solidarité financière que nous leur avons apporté ainsi que des affiches et stickers cénétistes et antifa que nous leur avons offert. La CNT de France, dans toutes ses composantes, est une référence pour eux. C’est une forte responsabilité internationale que nous portons et qui nous encourage à poursuivre le développement unitaire du syndicalisme révolutionnaire et de l’anarchosyndicalisme en France.

Nous avons fini cet échange en parlant du retsina, le vin résiné. L’origine de cette recette viendrait de l’antiquité lorsque sa conservation était assurée par des amphores étanchéifiée avec de la résine. Ce vin est devenu celui de la classe ouvrière. Et un anarcho-syndicaliste grec a conclu par le slogan “Η τάξη μου, η υπερηφάνειά μου! ” « Ma classe, ma fierté ! ».

Christian, CNT Culture Aquitaine, UL sud-Gironde et Entre-2-mers


Retour sur la manifestation du 17 novembre

Le vendredi 17 novembre, une manifestation massive s’est déroulée pour l’anniversaire de l’insurrection de 1973 contre la dictature des colonels, début de la fin pour ce régime. Celle-ci était aussi l’occasion pour le mouvement social grec de rappeler ses revendications actuelles. En tête de manif se tenait l’École Polytechnique. Le cortège anti-autoritaire, antifa, anar, autonome était impressionnant. Les militant-e-s de l’ESE y ont participé individuellement. À l’occasion de cette manif, 7000 policiers étaient déployés à Athènes. La place Syntagma (parlement) a été interdite d’accès par la police lourdement armée.

Après une longue marche jusqu’à l’ambassade des USA, la manif devenue sauvage s’est poursuivie, toujours encadrée par les robot-cops aux casques blancs. Devant un stade, elle s’est faite huer par des supporteurs de foot renforcés par des néo-nazis d’Aube Dorée. Quelques dizaines de mètres plus loin, sans aucune raison ni sommation, les « chiens fous du pouvoir » ont chargé les manifestant-e-s dans un matraquage d’une violence aveugle au milieu des grenades et des lacrymos. Certains militant-e-s ont pu se réfugier chez des commerçant-e-s solidaires qui ont ouvert leur porte, planqué les fuyards dans la cave, fermé le rideau de fer du magasin et fournis les premiers soins. Plus d’une centaine de manifestant-e-s ont été blessé-e-s dont six membres du convoi solidaire Anepos.

Le soir même, l’École Polytechnique, occupée depuis quelques jours, a été expulsée. Les émeutes ont éclaté dans le quartier voisin d’Exarcheia pour protéger tous les espaces de lutte de l’intrusion policière. En fin de soirée, une cinquantaine de personnes ont été matraquées et blessées, autour de la place Exarcheia investie pendant de courtes minutes par les CRS bombardés de cocktails Molotov depuis les terrasses et balcons alentours. Au total, il y a eu 43 arrestations. 23 personnes ont été relâchées dans la nuit et 16 sont poursuivies par la Justice dont un membre du convoi. Les avocats militants d’AK (mouvement anti-autoritaire pour la démocratie directe) ont commencé à intervenir pendant la nuit en soutien aux arrêté-e-s, et ont réussi à faire sortir de prison notre camarade et plusieurs autres. Dylan sera représenté par ces avocats-militants lors du procès et son comité de soutien lance un appel à soutien financier :
https://www.lepotcommun.fr/pot/3cjea6x2


Message de solidarité de l’UL SGE2M (sud-Gironde et Entre-2-mers) à destination des camarades du mouvement social grec à l’occasion du convoi du collectif Anepos de novembre 2017

La Solidarité est notre arme! Ηαλληλεγγύη είναι το όπλο μας!

Et cette arme, nous savons l’utiliser! Nous la pointons contre nos ennemis de classe: la bourgeoisie et ses kapos gouvernementaux et politiciens! Toute chargée de nos colères et de notre détermination, nous la tenons fermement dans nos mains pourtant tremblantes du poids de nos responsabilités.

Mais pour nos ami-e-s, nos frères et soeurs, nos camarades, cette solidarité est une main tendue, chaleureuse et fraternelle. Prenez la comme telle camarades, qu’elle vous transmette nos pensées, notre soutien, notre confiance et sachez que nous sommes conscient-e-s qu’en vous aidant, nous nous aidons nous même.

L’hiver sera dur, triste et froid, comme toujours, mais le soleil se lèvera à nouveau sur le printemps à venir, soyons en sûr-e-s!

Que ces quelques mots vous accompagnent dans vos luttes camarades pour que nos mains se joignent enfin, un jour, pour une Grève Générale Illimitée Européenne!

Sincères salutations anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires depuis les plaines vallonnées du sud de la Gironde, sud ouest de la France.

Novembre 2017

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Syndicat CNT de la Gironde

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