Ils comptent leurs profits, on compte nos pertes.

> Billet d’humeur du 27 novembre 2018

 

À Bordeaux et dans sa métropole, les immeubles et les nouveaux projets urbains poussent comme des champignons. Il n’y a qu’à voir le paysage truffé de grues pour se faire une idée de l’ampleur des travaux. Mais qu’en est-il pour les salarié-e-s de la construction ?

On meurt et on se blesse toujours autant dans le secteur du BTP ! En France, en 2017 on compte un-e mort-e tous les deux jours dans le secteur du BTP (sans comptabiliser les intérimaires1) ! En Gironde, la multiplication des chantiers dans des délais intenables provoque une augmentation des accidents du travail.

Notre syndicat n’a pas vocation à tenir une macabre rubrique nécrologique mais nous voulons visibiliser ce que le secteur de la construction, qui rapporte beaucoup d’euros aux entreprises et aux investisseur-se-s, coûte en vies humaines pour la classe ouvrière.

 


© PERL
Hugues Fourmentraux, président directeur général de Vinci Construction France
Virginie Calmels, présidente de l’EPA Bordeaux – Euratlantique et vice-présidente de Bordeaux Métropole
Alain Juppé, maire de Bordeaux et président de Bordeaux Métropole.

 


 

Ces quatre derniers mois, la presse a évoqué quatre accidents mortels en Gironde.

  • Mercredi 25 juillet, à Saint-Vincent-de-Pertignas, un ouvrier des travaux publics, âgé de 28 ans, a perdu la vie sur un chantier de réfection de voirie. Il a été écrasé par un rouleau compresseur. (source Sud-Ouest 25/07/2018)
  • Mardi 21 août, à Bordeaux centre, un autoentrepreneur de 45 ans, est tombé d’une dizaine de mètres, alors qu’il posait une menuiserie. L’ouverture de la fenêtre n’était pas munie de garde corps. (source Sud-Ouest 22/08/2018 ainsi que Ouest-France 23/08/2018)
  • Mardi 9 octobre, sur un des chantiers du projet Bordeaux « Euratlantique », un intérimaire a été écrasé par l’effondrement d’un plafond. Deux de ses collègues ont été blessés dans ce bâtiment en cours de démolition (source Sud-Ouest 10/10/2018).
  • Jeudi 8 novembre, un salarié d’une entreprise de construction de Bouliac, âgé de 38 ans, est décédé, écrasé par un stock de 3 tonnes de barres métalliques (source France 3 Nouvelle-Aquitaine 08/11/2018).

Ceci n’est que la partie visible de l’iceberg car beaucoup d’accidents mortels ou graves ne sont pas relayés par la presse. Nous savons notamment que le 5 octobre, un jeune apprenti charpentier (scolarisé à Blanquefort) a trouvé la mort suite à une chute. Nous avons également appris que le 8 octobre un salarié, âgé de 25 ans, travaillant pour la coopérative de matériaux Art Bois (à Cestas), a été amputé d’une jambe après un accident lors d’une opération de manutention.

S’il est toujours aussi dangereux de « gagner sa vie » au turbin, ce n’est pas que nous, salarié-e-s, prenons des risques inutilement, travaillons n’importe comment ou que nous devons l’accepter comme une fatalité liée « aux risques du métier » ! C’est bien parce que les employeurs ne se préoccupent que trop peu de la sécurité et font très souvent l’économie des moyens de protection, qu’ils considèrent comme une perte de temps et d’argent (à croire qu’il vaut mieux perdre un ouvrier).

Et puis il y a les mauvaises conditions de travail, le recours à l’intérim et à la sous-traitance (notamment d’anciens ouvriers devenus auto-entrepreneurs) qui sont des facteurs importants dans la multiplication des accidents du travail.

Notre syndicat tient également à dénoncer les comportements de patron-ne-s qui cherchent par tous les moyens à dissimuler les accidents du travail. Certain-e-s n’hésitent pas à faire pression sur leurs ouvrier-ère-s pour qu’ils ne les déclarent pas, tantôt en recourant au chantage tantôt en les soudoyant avec de l’argent liquide.
L’un d’entre nous a même été témoin d’une situation ou un patron a équipé une salariée d’un harnais après qu’elle est tombée d’un toit et avant que les secours n’arrivent.

Le syndicat de la construction de la gironde (SUBTP33) mène depuis quelque temps une campagne de sensibilisation sur la sécurité et contre les accidents sur les chantiers. Cela consiste en :

  •  Un soutien et une solidarité aux salarié-e-s qui nous sollicitent.
  • Des distributions, à l’embauche des chantiers, de tracts informant par exemple sur le droit de retrait.
  • Des signalements à la DIRECCTE (inspection du travail) de chantiers dangereux
    qui ont été fermés en attendant d’être mis aux normes.
  • Mise en lumière des chantiers où il y a eu des accidents mortels connus.

N’oublions pas que pour le moment les patron-ne-s sont toujours responsables de la santé physique et mentale des salarié-e-s. C’est à dire qu’il-elle-s doivent garantir notre sécurité lorsqu’il-elle-s nous font travailler (article L. 4121-1 du Code du travail). C’est actuellement encore une obligation de résultat. Cependant le 28 août dernier une députée (Charlotte Lecocq : La REM) a remis un rapport intitulé «Vers un système simplifié pour une prévention renforcée » qui vise à réduire les obligations et les sanctions pour les patron-ne-s en matière de santé/ sécurité au travail.
De même il faut savoir que le maître d’œuvre, c’est à dire le client, a une responsabilité en ce qui concerne la sécurité des travailleur-euse-s de son chantier. Il doit notamment évaluer les risques et définir des mesures de prévention (article L. 4531-1 du Code du travail).

Méfions-nous donc des employeurs qui font pression (au niveau des tribunaux et de la législation) pour diminuer leur responsabilité sur ce sujet. Organisons-nous, syndiquons-nous pour faire respecter nos droits. Inversons le rapport de force pour ne plus perdre nos vies à essayer de la gagner !

Solidarité de classe !

SUB-TP-BAM33


1 Les accidents du travail des intérimaires (même si il-elle-s travaillent dans le secteur de la construction) sont comptabilisés dans le champ « activités de services » et non dans « l’industrie du Bâtiment et des Travaux Publics ». Cette subtilité statistique permet de masquer de nombreux accidents survenus dans le BTP.


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