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SIPM-CNT

Une Europe antisociale

mardi 26 avril 2005

Protection sociale et services publics en ligne de mire. Derrière les beaux discours de la Charte des droits fondamentaux, une destruction programmée. Analyse d’un texte volontairement sinueux.


Sommaire général (télécharger le dossier en pdf) :
Traité constitutionnel européen : la grande arnaque du capital


Sommaire de l’article :
1) La protection sociale
2) Les services publics

Le démantèlement des acquis sociaux, assurances sociales et services publics, est au programme de l’Union depuis Maastricht, réalisé pour la première par la baisse des prélèvements sociaux (assurés et entreprises) et pour les seconds par la libéralisation des services. Un démantèlement également mis en œuvre grâce au principe de limitation du déficit public que la Banque centrale européenne impose aux pays membres. Il faut bien comprendre que les « acquis sociaux » du traité constitutionnel sont un leurre à tous les niveaux :
 d’abord, l’art. II-111 précise que l’application de la charte des droits fondamentaux est subordonnée au respect des principes de libre concurrence « la présente Charte [...] ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution » ;
 ensuite, l’art. II-112 prévoit la possibilité de « limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte » ;
 enfin, l’Acte final, déclaration 12, art. 52, qui explicite le contenu du TCE, précise sans ambiguité : « selon une jurisprudence bien établie, des restrictions peuvent être apportées à l’exercice des droits fondamentaux, notamment dans le cadre d’une organisation commune de marché ».

LA PROTECTION SOCIALE

Anonyme

Concernant la protection sociale, la double politique de baisse des prélèvements à la source (essentiellement par celle des cotisations patronales, voir la Ça presse sur le régime par répartition) et de contraintes budgétaires provoque un déficit constant des caisses d’assurances sociales, déficit bien utile aux intérêts capitalistes :
 d’une part il permet de désorganiser toujours plus les régimes par répartition et de rogner peu à peu nos acquis : recul de l’âge de la retraite, baisse et mise sous conditions des allocations chômage, accès aux soins de moins en moins gratuit ;
 d’autre part il prépare, par cette même désorganisation, la privatisation de nos assurances, un marché prometteur que convoitent depuis longtemps les assurances privées.

Les quelques déclarations du TCE qui semblent établir l’existence d’une protection sociale dans l’Union non seulement ne constituent qu’un recul par rapport à la Déclaration des droits de l’homme mais sont contredites par le reste du texte. L’article II-94 de la Charte « reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et services sociaux » :
 primo ce droit d’accès n’a rien à voir avec le droit à la protection sociale inscrite dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Et la « reconnaissance » n’implique ni création ni protection ni garantie de ce « droit d’accès » aux droits sociaux. S’il y avait un doute, l’art. 34 de la déclaration 12 de l’Acte final n’en laisse aucun : « la référence à des services sociaux vise les cas dans lesquels de tels services ont été instaurés pour assurer certaines prestations, mais n’implique aucunement que de tels services doivent être créés quand il n’en existe pas ».
 secundo ce droit d’accès n’est applicable que s’il ne contrarie pas la politique libérale établie dans le reste du traité (II-111, II-112-2, etc.) ;
 tertio le TCE ne propose aucun outil pour organiser la protection sociale mentionnée dans la Charte. Et pour cause, c’est la compétitivité du marché européen qui est censée l’assurer (art. III-209).

LES SERVICES PUBLICS

voir aussi la directive sur les services

AdeLe

Même processus pour le démantèlement des services publics et mêmes raisons. La libéralisation des services programmée par Bruxelles - qui interdit aux Etats de subventionner le secteur public sans subventionner aussi le secteur privé - et les mêmes contraintes budgétaires entraînent une asphyxie financière des services publics. Cette asphyxie, qui vise à les rendre moins efficaces, en prépare la privatisation partielle ou totale. Bien entendu l’investissement privé n’est pas gratuit : il doit être rentable. Ça tombe bien, les services publics recèlent d’immenses perspectives de profits (poste, énergie, transports, santé...).

Depuis le traité d’Amsterdam (1997) le terme de services publics disparaît et est remplacé par ceux de services d’intérêt économique général (SIEG) et services d’intérêt général (SIG). Le premier désignant les services dits marchands, le second les services non marchands. Il n’existe aucune autre définition précise de ce que recouvrent ces termes. Par contre un Livre blanc pondu par la Commission européenne précise bien que ces services ne doivent pas être confondus avec les services publics.

Le TCE, lui, ne fait même plus état de services non marchands, il ne reste que les SIEG, qui ne sont toujours pas définis. Seul le terme de services est défini : « des prestations fournies normalement contre rémunération » (art. III-145). Une définition qui couvre la totalité de nos services publics, excepté l’éducation primaire et secondaire (pour l’instant). Ne demeure plus dans le TCE qu’une référence à la notion de service public, celle concernant le service public de radiodiffusion, inscrite dans les annexes (Dispositions générales et finales A-27).

La politique des services inscrite dans le TCE est simple : pas de frein à la libre concurrence (art. III-144), un encouragement à libéraliser toujours plus (art. III-148) et l’interdiction faite aux Etats de subventionner les entreprises publiques (art. III-166). Ces trois principes équivalent à une condamnation sans appel des services publics tels que nous les avons construits : un service assuré par tous au bénéfice de tous, selon les moyens et les besoins de chacun.

Au bout du compte, ce sont les salariés qui paient trois fois les bénéfices des entreprises :
 en tant que salariés,
leurs conditions de travail et leurs salaires se détériorent considérablement (précarité, sous-traitance...) ;
 en tant qu’usagers, devenus « clients », le service proposé se détériore également, la logique de rentabilité l’emportant sur celle de service ;
 en tant que contribuable, leurs impôts alimentent les bénéfices des entreprises grâce aux subventions versées au privé (délégation de service public).